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Les chemins de Memphis
Il devait tout casser. En août, son entraîneur affirmait même vouloir l'embrasser après une nouvelle performance remarquée en Ligue des champions. Reste que presque trois mois après, Memphis Depay est à la croisée des routes. Entre ses écarts de comportements et son talent intermittent, le phénomène hollandais doit maintenant prouver que le numéro 7 qu'il porte sur le dos n'est pas trop grand pour lui.
À Manchester, l’opération reconquête a commencé. Ce mercredi soir, lorsque les supporters de United videront leur dernière pinte en bas de la Stretford End d’Old Trafford, ils regarderont le programme officiel du match du soir, face au PSV, et reprendront leurs esprits. En une, pleine page, la gueule d’un gosse qu’on leur avait vendu comme un sauveur. Un gamin de 21 ans, Memphis Depay, qui, il y a quelques mois, avait eu l’arrogance de choisir le numéro 7 pour accompagner son prénom sur son maillot rouge. Ce chiffre est un mythe, magnifié par George Best, adulé sous Cantona, adoubé par David Beckham, modernisé par Cristiano Ronaldo. La fin des années 2000 l’a désacralisé dans les faits sous Owen ou l’échec Di María. Le coach Van Gaal a beau voir dans ce numéro « de la pure superstition » , Old Trafford voit toujours dans ce 7 un symbole à ne pas salir.
Ses premières foulées, en août, avaient suscité l’euphorie. Le prodige de Moordrecht venait de qualifier son nouveau club pour la phase de poules de la Ligue des champions, face au FC Bruges. Un doublé dès son troisième match officiel et un entraîneur convaincu : « Je veux l’embrasser ce soir parce que quand tu marques deux buts et que tu fais une passe décisive, normalement, dans ce monde, tu es un héros. Memphis n’est jamais satisfait et j’aime ça parce que vous devez savoir ce que vous faîtes et ce que vous pouvez faire. Ensuite votre désir de progresser est plus élevé et ça, c’est Memphis. » On était là sur un néo-génie, un type qui devait porter le renouveau d’un club. Ce sera finalement le destin d’un autre gosse, Anthony Martial, 19 ans, débarqué par enveloppe dorée de Monaco. Memphis Depay, lui, s’est perdu en route.
Baladé sur le tableau noir
Cette semaine, c’est donc tout un club qui a volé à son secours. Louis van Gaal, d’abord, il y a quelques jours, pour annoncer sa titularisation forcée contre Watford face à la conjoncture de l’infirmerie des Red Devils. Face à la presse, le Pélican évoque « un joueur qui travaille beaucoup à l’entraînement » , mais dont il attend mieux. Mardi, c’était au tour de David de Gea d’évoquer le cas de son partenaire : « Il apporte beaucoup à l’équipe. Je pense qu’il est vraiment prêt pour jouer contre son ancienne équipe. » Un PSV qu’il retrouvera ce mercredi soir et avec lequel il avait inscrit près de cinquante buts pendant quatre saisons. Il y jouait alors comme un pur attaquant, décalé sur la gauche, et avait un poste fixe.
L’incompréhension sportive autour du cas Depay se situe autour de sa position sur le terrain. Tantôt 10 en début de saison, il a ensuite été décalé comme ailier gauche avant d’être positionné en 9 samedi à Londres, contre Watford. Rooney était malade, Fellaini et Martial étaient blessés. Memphis Depay a marqué le premier but et s’est montré plutôt en jambes dans sa nouvelle position. Plus encore, Louis van Gaal a montré après le match un début de mea culpa : « En première mi-temps, Memphis a été superbe. (…) Je pense que ce rôle est le meilleur pour lui. Il jouait comme ça à la Coupe du monde avec moi quand Van Persie et Robben étaient blessés. »
Homme de la nuit
Résultat, avant samedi, Memphis Depay n’avait plus été titulaire depuis le 4 octobre et le naufrage de l’Emirates (0-3). Une date à partir de laquelle la presse anglaise va également publier des photos du joueur en sortie nocturne dans les rues de Manchester. Il a la tête ailleurs, se pose des questions et va même dérailler en sélection la semaine suivante avec Robin van Persie. Au point que le sélectionneur, Danny Blind, va même le recadrer en expliquant que « le football se joue en équipe. Pour l’instant, Memphis ne le fait pas tout le temps et doit apprendre » .
Manchester United va donc le placer sous tutelle, comme le PSV le fera dans sa jeunesse. Pour le canaliser, mais aussi le faire grandir. À Manchester, ce sera avec Ryan Giggs qu’il a remercié cette semaine face à la presse. Car l’objectif est devenu double. Le club ne peut se permettre un nouvel échec sportif et financier avec un joueur acheté près de 30 millions d’euros l’été dernier. Les souvenirs de Zaha, Di María, Kagawa sont encore trop présents. Des joueurs mal utilisés, mal gérés et qui se sont désintégrés progressivement au sein du club en leur temps. Le cas Depay est donc actuellement travaillé avec des pincettes. Van Gaal affirme vouloir le « rendre libre » . Histoire de ne pas cramer un nouveau génie. Histoire de ne pas laisser échapper un nouvel héritier du 7.
Par Maxime Brigand