- Euro 2016
- 8es
- France-Irlande (2-1)
Les bouffeurs d’espaces
Coman le pétaradant, Griezmann le sprinteur. Deux gamins qui ont été ce dimanche les fers de lance d’une attaque d’abord en difficulté, avant de prendre le dessus sur l’Irlande en seconde période. Tout cela grâce à quoi ? La vitesse. Car oui, les Bleus sont des croqueurs de lignes, et c’est bien leur particularité.
Kanté, d’abord, pour Coman. Giroud, ensuite, pour Gignac. Sissoko, enfin, pour Coman, légèrement blessé. Les trois changements de Didier Deschamps, ironiquement créateur d’équilibre lorsqu’il était joueur et capitaine de l’équipe de France, avaient justement pour visée hier après-midi de tendre vers l’inverse : le déséquilibre. Car c’est peut-être là ce qu’il avait manqué en première période face à l’Irlande. Cueillis à froid par un penalty bêtement concédé par Paul Pogba, les hommes en vert ont, l’espace de cinq minutes, semblé partir sur les chapeaux de roux. Restait ensuite à tenir le score, comme l’avait tancé le sélectionneur Martin O’Neill au moment de dérouler son plan de jeu en conférence de presse : tenir jusqu’aux tirs au but auxquels ils s’étaient préparés, peut-être, mais sans toutefois penser ouvrir le score… Si les Bleus s’en sont hier sortis à bon compte, c’est à coup sûr grâce à un atout dont ils sont peut-être les seuls à disposer dans d’aussi grandes largeurs au milieu des équipes encore engagées dans l’Euro : la vitesse.
Irlande, danse à l’italienne
En comptant bien, ils étaient trois. Entre la 20e et la 30e minute, à force de coups d’épaules et de contacts appuyés, ils étaient trois Irlandais à se rouler par terre. Le dernier, Jeffrey Hendrick, a même provoqué un arrêt de jeu de près de deux minutes à la 30e sur un contact qui n’en valait pas tant. Sans compter Shane Long, qui demande ici à Laurent Koscielny de le relever, puis Darren Randolph, prêt à laisser sa vie pour gagner cinq secondes avant de prendre le ballon des mains… Un cassage de rythme en règle, alors qu’ils avaient l’avantage au tableau d’affichage. Des coups de filous dignes de l’Italie version 2006 face à l’Australie, qui ont pesé sur le jeu de la France. Haché. Ralenti. Découpé. Repris. Mis à terre. Relevé. Désaltéré. Des arrêts de jeu bien sentis histoire de bloquer la révolte, objectivement dévastatrice sur le papier.
Il faut dire qu’avec trois jours de récupération en moins, quelle autre équipe qu’un cador aurait pu se permettre d’ouvrir le jeu ? Une seule solution alors, faire entrer les détonateurs. Exit le Matuidi paumé côté droit, repositionné à gauche dans sa position préférentielle. Plus de vitesse. Out Kanté – suspendu pour le prochain match –, Coman prend sa place et file sur l’aile. Plus de vitesse. Payet récupère son rôle de 10 légèrement en retrait. Plus de vitesse. Concernant Antoine Griezmann, Didier Deschamps l’a expliqué de ses beaux yeux bleus au gros micro de Fred Calenge : « En seconde période, je voulais voir Griezmann plus près d’Olivier Giroud. Apporter de la percussion et y gagner en largeur sur le terrain » Le 4-3-3 se métamorphose alors en 4-2-3-1. Résultat ? Alors que la relation entre les deux hommes en première période était réduite à peau de chagrin, c’est bien la grande tour d’Arsenal qui vient dévier de la tête cette ouverture de Rami pour le doublé du blondinet. Toujours de la vitesse.
Coman le pétaradant
Justement, que retenir de l’entrée de Coman ? Pétaradant, bousculant, le jeunot a incarné les premières foulées de la rapide marche vers l’avant de son équipe. Avec l’expulsion de Shane Duffy à la 66e, le tir aux canards était encore plus simple. Car là réside la force de l’équipe de France et ce qui l’oppose à l’Allemagne ou l’Espagne : sa fulgurante vitesse de projection. Le collectif n’était encore pas dingue, les combinaisons pauvres, les dédoublements trop rares… Mais lorsque les Bleus échangent le trot pour la course, tout change. Sagna devient passeur décisif – la 2e de la compétition – et Griezmann se révèle. L’Irlande était passée devant sur un coup du sort en ayant seulement réussi 58% de ses passes durant les 45 premières minutes, et avec un seul tir cadré : le penalty. La France elle, n’a jamais eu le temps de douter de son retour. Jamais vraiment. Lors les dernière minutes, cette période de galère semblait même loin, très loin, la ligne d’attaque se permettant de tricoter au moment d’inscrire le break en profitant d’une bonne entrée de Gignac, tout en percussion. Les transitions étaient fluides, les sprints francs, les passes verticales. Certes, les hommes en face n’étaient que 10. Certes, les homme en face avaient eu 72h de récupération en moins. Mais c’est là-dessus que la France doit s’appuyer, en revenant à ses fondamentaux et en continuant à faire confiance à son banc. Parce que les Bleus sont des croqueurs d’espaces, des bouffeurs de ligne. Parce qu’après avoir encaissé le penalty le plus rapide de l’Euro depuis 1980, et le deuxième but le plus rapide de l’histoire de la compétition – 118 secondes – derrière Kirichenko en 2004, il fallait bien un ou deux sprints pour sortir les Bleus du trou. Parce que tout n’est qu’une question de rapidité, on vous dit.
Par Theo Denmat