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Les bons tuyaux d’Antonio
Plutôt que de miser sur les individualités, Conte a recréé en Nazionale l'esprit club, avec des joueurs habitués à jouer ensemble pendant l'année.
90 minutes pour changer l’image de son équipe et les jugements. Voilà ce qu’a réussi Antonio Conte en ouverture de l’Euro 2016. Tout le monde était sceptique autour de cette équipe italienne. Verratti et Marchisio blessés, Pirlo absent, aucun grand attaquant dans l’effectif, des amicaux pas franchement convaincants… Quand ses prédécesseurs sur le banc italien pouvaient compter sur Rivera, Tardelli, Baggio, Vieri, Del Piero et Totti, lui doit composer avec les moyens du bord. Force est de constater, après la rencontre remportée 2-0 face à la Belgique, que Conte a déjà partiellement réussi. La comparaison avec la Belgique était d’ailleurs frappante : d’un côté, des joueurs très talentueux individuellement mais incapables de jouer ensemble ; de l’autre, des joueurs moins connus, plus besogneux, mais avec une formidable capacité à tous aller dans la même direction. Et ça, l’Italie le doit essentiellement à Conte.
Bloc Juve, bloc Lazio, bloc Cesena
De fait, le sélectionneur italien est parti d’un postulat de base : il ne possède pas de top player dans son effectif.
Du moins, pas un joueur du calibre de Cristiano Ronaldo ou Zlatan, capable de résoudre un match à lui seul. Il possède de bons joueurs, voire de très bons joueurs, mais il fallait apporter quelque chose en plus pour que cela fonctionne. D’ailleurs, quelques semaines avant la compétition, Conte expose lui-même ce constat : « En analysant le fiasco au Mondial 2014, et considérant le fait que les joueurs convocables de Serie A ont diminué lors des dix dernières années, j’ai compris qu’on ne pouvait plus être une sélection, mais que nous devions nécessairement être une équipe. Je répète, sur 100 joueurs de Serie A, seulement 34 sont convocables, soit la moitié de ceux que Lippi avait à disposition. »
Alors, Conte réfléchit, construit son puzzle. L’idée fleurit petit à petit dans son esprit. Et elle finit par arriver à maturation à quelques encablures de l’Euro. Conte fera jouer ensemble, à chaque poste du terrain, des joueurs qui se connaissent déjà. En défense, ce sera le bloc de la Juventus, qui a déjà prouvé sa valeur lors des cinq dernières saisons. « CetteNazionales’appuie sur la solidité défensive du bloc Juve, et j’espère qu’ils pourront réitérer leurs succès ici » , appuie le sélectionneur en conférence de presse. Au milieu de terrain, même recette. Parolo et Candreva évoluent depuis deux saisons ensemble à la Lazio et se connaissent par cœur. Mieux, encore. Sur les sept joueurs qui composaient face à la Belgique le secteur offensif de la Nazionale, quatre (Éder, Giaccherini, Candreva et Parolo) ont évolué ensemble lors de la saison 2010-11 sous le maillot de Cesena.
Rassuré par sa présence
Ces choix et cette stratégie font que l’Italie a laissé cette même impression à tous les observateurs après son premier match : qu’elle joue plus comme un club que comme une équipe nationale. Une impression confirmée dans certains propos de Conte, qui assurait peu avant l’Euro que « les joueurs qui ne jouent pas avec leur club ne peuvent pas venir jouer enNazionale. » D’où l’exclusion d’un mec comme Balotelli. Comprendre : faire passer les clubs avant la sélection, pour que la sélection en sorte grandie. Cette idée de sélection-club est validée par Gianni Rivera, champion d’Europe avec l’Italie en 1968 : « Connaissant Conte, je savais qu’il aurait du mal à diriger laNazionale, car c’est un homme qui a besoin d’avoir ses joueurs sous la main tous les jours, assure-t-il dans une interview au Mattino. C’est pour ça que là, avec ses garçons avec lui au quotidien, il est dans des conditions idéales. »
Pour les joueurs, cet esprit « club » est également appréciable. Leonardo Bonucci expliquait en mai 2016 au site de l’UEFA les avantages de jouer avec ses coéquipiers en club. « On se connaît à la perfection, ayant joué depuis tant d’années ensemble à la Juve. Quand nous arrivons enNazionale, nous n’avons pas besoin de tester les mécanismes défensifs, ils sont déjà huilés. » Même son de cloche du côté de Marco Parolo, « rassuré » par la présence à ses côtés de Candreva (dans des propos relayés par le Corriere dello Sport). L’ItalJuve, l’ItalCesena, l’Italazio : appelez-la comme vous voulez, cette Italie-là est avant tout l’ItalConte.
Par Éric Maggiori