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Les bonnes questions des interdictions de déplacement

Par Florian Porta
Les bonnes questions des interdictions de déplacement

C'est désormais devenu une (mauvaise) habitude dans le championnat de France. Chaque semaine, de nouveaux arrêtés voient le jour pour interdire, ou restreindre, les déplacements des supporters visiteurs. Entre les incidents qui ont émaillé le début de saison et des arguments pas toujours pertinents, il est parfois difficile de savoir si ces décisions se justifient ou pas. Éléments de réponses.

Les arrêtés préfectoraux se sont-ils réellement multipliés cette saison ?Les chiffres montrent clairement une augmentation du nombre de décisions préfectorales interdisant ou restreignant les déplacements des supporters cette année. Confirmation de Kilian Valentin, porte-parole de l’Association nationale des supporters (ANS) : « Selon notre propre recensement, et il est possible que nous soyons passés à côté de certaines décisions, nous arrivons à 116 arrêtés. On était en dessous de 100 après la circulaire Nuñez(voir encadré)en 2019, et là, on est déjà au-dessus, alors que les championnats se jouent encore. Pour retrouver de tels chiffres, il faut remonter à 2015. » Année où la France se retrouve frappée par plusieurs actes terroristes et où la sécurité sur le territoire se retrouve, de facto, augmentée à son niveau maximal.

Que dit la circulaire Nuñez publiée en novembre 2019 ? « Cette circulaire prévoit de limiter, autant que possible, les mesures de restriction et d’interdiction de déplacements de supporters dès lors qu’un travail en amont avec le monde du football aura permis de mieux définir les risques de troubles à l’ordre public et que tout aura été mis en œuvre pour les prévenir. Ces mesures visent à responsabiliser les clubs, les supporters et les autorités locales dans le processus de préparation des rencontres. Elles doivent, à terme, si tous les protagonistes travaillent étroitement ensemble, de manière responsable, conduire à un recours davantage limité à ces mesures de restriction et d’interdiction de déplacement de supporters visiteurs. Comme l’avait souligné Laurent Nuñez devant la ministre des Sports et l’ensemble des membres de l’INS, des réunions de sécurité anticipées devront désormais être organisées, a minima trois semaines avant la rencontre, pour les matchs sensibles. Ces réunions organisées à l’initiative des préfectures associeront le club d’accueil et le club visiteur, avec leurs directeurs sécurité et leurs référents supporters. » (Source : ministère des Sports)

Comment justifier un tel changement ?Plusieurs facteurs permettent d’expliquer, sans forcément comprendre, cette augmentation. « C’est un souci de facilité », avance Pierre Revillon, membre des Red Tigers, groupe d’ultras du RC Lens. « À la suite des différents incidents survenus en début de saison, certains préfets n’hésitent plus à se dire :« De toute façon, ce n’est qu’un arrêté de plus parmi les dizaines ou centaines qu’il va y avoir », ajoute Me Pierre Barthélémy, avocat de groupes de supporters. Quand il n’y a que deux ou trois préfets qui abusent, c’est facile de les dénoncer, mais quand il n’y a personne à la division nationale de lutte contre le hooliganisme(DNLH)pour réguler tout ça, ils ont tous l’impression d’être une goutte d’eau dans un océan. »

Comment expliquer le manque d’harmonisation au niveau national et que ces décisions semblent dépendre du préfet en place ?« C’est ce que la circulaire Nuñez de novembre 2019 avait essayé de mettre en place », rappelle Me Barthélémy. Un texte qui semblait alors plutôt efficace comme le confirme Kilian Valentin : « Le travail en amont était fait et c’est ce qui a permis qu’il y ait moins d’arrêtés préfectoraux. Et pourtant, on n’a pas vu plus d’incidents pour autant. » Sauf que depuis, la crise sanitaire est passée par là et il a fallu reprendre ses marques. Certains clubs ont rencontré des problèmes pour recruter des stadiers en début de saison notamment, et certaines bonnes habitudes n’ont pas été reprises. L’ANS dénonce également un manque de communication avec les différentes autorités, les préfets et la DNLH, et souhaiterait « que les référents supporters soient systématiquement convoqués aux réunions de sécurité. » Ces échanges permettraient de rassurer la préfecture ou au moins de lui exposer un deuxième point de vue avec celui de la DNLH, chargée de classer les matchs selon leur niveau de risques.

Comment expliquer que certains arrêtés comportent des arguments pas forcément adéquats ?« Le préfet est obligé de démontrer que d’une part, il y a un risque de trouble grave à l’ordre public si jamais il laisse les supporters visiteurs se comporter en supporters visiteurs. Et il doit démontrer par ailleurs qu’il n’y a pas de solution moins liberticide pour préserver l’ordre public et éviter les incidents », rappelle Me Barthélémy. Ainsi, pour se justifier, les préfets misent souvent sur des forces de l’ordre trop peu nombreuses et n’hésitent pas à utiliser tous les événements aux alentours pour argumenter. « On en rigole, on se dit que c’est un concours entre préfets. On se dit qu’ils vont sur Google chercher des évènements, plaisante Pierre Revillon. Là pour Lens-Nantes(les personnes se prévalant comme supporters nantais ne pourront pas venir à Lens le 30 avril prochain), il y a un vide-grenier à Liévin et le salon du Manga à Hénin-Beaumont. » Des arguments pas forcément recevables pour l’avocat : « Il n’y a pas besoin de beaucoup de policiers de plus pour assurer la sécurité des supporters visiteurs. Il n’y a même souvent pas besoin de plus parce que ça peut être les mêmes personnes qui vont encadrer le bus deux heures avant le match qui vont ensuite assurer la sécurité de tout le stade pendant le match. »

Comme avancé par les autorités, ces arrêtés garantissent-ils vraiment une plus grand sécurité au sein des stades ?Là encore, la réponse ne va pas dans le sens des préfets. Pourtant interdits de déplacement, les supporters de Lens se sont fait entendre à Lille samedi dernier. « En regardant les images du derby, on voit bien qu’il y a des supporters éparpillés dans les tribunes. Ça crée plus de problèmes que cela n’en résout », détaille Pierre Revillon. Dans les faits, à partir du moment où rien ne permet de distinguer qu’une personne supporte les visiteurs, celle-ci peut très bien se rendre au stade. Pour Me Barthélémy, cette dispersion de supporters visiteurs « de façon clandestine partout dans le stade peut causer des incidents ». Comme ce fut par exemple le cas lors d’un OL-OM en 2018 où certains supporters marseillais, éparpillés parmi les Lyonnais, ont exprimé leur joie après un but de Thauvin, entraînant des incidents. « Finalement, les forces de l’ordre ont passé une soirée catastrophique, alors qu’avec un parcage, les policiers n’ont qu’une zone bien définie à quadriller », conclut l’avocat.

Est-il possible pour les supporters de dénoncer ces arrêtés ?« Avec l’ANS, on va souvent contester les arrêtés préfectoraux, raconte Me Barthélémy. Il a aussi des clubs qui nous le demandent parfois. Francfort l’avait fait pour un déplacement à Marseille et on a fini par avoir gain de cause trois, quatre ans plus tard. Pour Francfort, le tribunal a annulé l’interdiction de déplacement des supporters allemands. » Privés de cette rencontre, les Allemands pourraient toutefois profiter de cette jurisprudence pour être autorisés à venir en France la prochaine fois. Les victoires dans ce genre de procès ne sont toutefois pas monnaie courante : « Il ne faut pas seulement montrer que la décision n’était pas justifiée, il faut montrer qu’il y a une erreur manifeste d’appréciation des faits par le préfet. » La suite dépend en plus du juge en charge de statuer sur l’affaire. « C’est quand les juges connaissent bien le sujet ou qu’ils veulent vraiment creuser et mettre le préfet face à ses contradictions qu’on peut gagner, mais dans le cas contraire, en général on perd, confesse l’avocat. Le juge qui ne connaît pas du tout le dossier panique un peu, il ne veut pas être jugé responsable s’il y a de nouveaux incidents à l’avenir. »

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Par Florian Porta

Tous propos recueillis par FP

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