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Les Bleus veulent passer le troisième dan
Pour son troisième match, l'équipe de France affronte le Danemark libérée de la pression de la qualification, mais avec l'envie de bien faire et de rester invaincue. Et de répondre sur le terrain à l'entraîneur danois qui avait désossé les Bleus dans une interview avant la Coupe du monde.
Dans la tête de Åge Hareide, le match contre la France a commencé au mois de mai. En effet, l’homme au prénom dont la première lettre est impossible à écrire sur un clavier d’ordinateur a profité d’une belle journée printanière pour s’épancher dans les colonnes du Jyllands-Posten, un journal danois, et dauber sur les Bleus. « Nous allons rencontrer la France et je veux bien être damné si on ne lui donne pas du fil à retordre. Je l’ai vue contre la Suède à Stockholm, et je ne pense pas qu’elle ait montré quoi que ce soit de spécial. Oui, oui, ils ont du talent, mais ils doivent fonctionner comme une équipe ! Or, chacun de ces joueurs va surtout avoir envie de briller sur un plan personnel. » Et en se levant ce matin-là, monsieur Hareide avait également envie de manger Paul Pogba : « Il a joué avec des cheveux bleu et blanc quand il affrontait Manchester City. Contre nous, il jouera sûrement avec des cheveux rouge et blanc, alors. Bon sang, il se soucie tellement de son apparence… » Une interview dans laquelle le sélectionneur danois montre qu’il a quelques bonnes vannes en stock, et qu’il doit être un agréable compagnon de soirée. Mais en se lâchant à ce point un mois avant d’affronter la France, Åge Hareide a surtout prouvé qu’il accordait beaucoup d’importance à ce match. Quand du côté des Bleus, les esprits semblent plus détendus.
Condiments
Parler à un média local pour faire un peu de provoc’ avant une grande compétition n’est pas si grave. Mais ça devient plus compliqué quand le boomerang revient d’un coup au moment où la planète entière a les yeux rivés sur vous. Interrogé sur ses propos hier en conférence de presse, Hareide a sorti une excuse de rappeur qui doit expliquer certaines de ses paroles polémiques sur un plateau télé : « Mes propos ont été sortis de leur contexte. » Classique. De toute façon, le Danois n’a pas à s’affoler : sa petite tirade sur l’équipe de France n’avait fait réagir personne. Cité nommément dans l’interview, Paul Pogba n’a même pas relevé : « C’est rien. Ça reste que des propos, moi je fais mon boulot et tout ce qu’il y a en dehors du terrain ne m’intéresse pas trop. »
Quant à Didier Deschamps, il n’en fait pas non plus une affaire d’État et a répondu à son homologue en l’emmenant au rayon condiments du supermarché le plus proche : « Ça ajoute du sel, du poivre, du vinaigre, ce que vous voulez. Chacun est libre d’assumer ses propos. Je n’ai pas besoin d’en rajouter. » Les Bleus peuvent se permettre d’être décontractés, ce sont eux qui abordent le match en position de force. Déjà qualifiés, premiers du groupe, lancés sur une série de deux victoires en deux matchs, les Français ont le vent dans le dos et n’ont besoin que d’un point pour valider définitivement leur maillot jaune dans le groupe C. La vie est au contraire un peu moins rose pour les Danois, qui sentent le souffle des Australiens sur leur nuque.
Gare au jaune
Comme à chaque fois qu’il remporte les deux premiers matchs de poule, Deschamps a prévu un grand remue-ménage dans l’effectif. En allant cette fois encore plus loin qu’à la Coupe du monde 2014 et à l’Euro 2016, puisque Lloris restera sur le banc. Ce qui permettra à Steve Mandanda de disputer le premier match de sa carrière dans une grande compétition internationale. En bref, DD est serein et avance avec l’assurance de l’homme qui sait que pour le moment, le plan se déroule sans accroc. Il sait aussi que s’il parle de façon trop confiante, il sera taxé d’arrogance. Alors il a géré sa conférence de presse d’avant-match comme il gère toutes ses conférences de presse : en répondant par des poncifs et des formules creuses aux questions qui lui étaient posées. Ce n’est pas à trois mois de son 50e anniversaire que le bonhomme va apprendre à faire de l’esbroufe.
Mais aborder un dernier match de poule en sachant que le plus compliqué a été fait est un exercice délicat. Et ce n’est pas parce qu’une équipe a moins à perdre que celle d’en face qu’elle doit prendre la chose par-dessus la jambe. Pas question de gérer la rencontre comme des épiciers et de jouer petit bras, Deschamps a prévenu : « On doit tout faire pour gagner. » Avec une source de paranoïa pour le coach : les cartons jaunes récoltés par Tolisso, Pogba et Matuidi. « Il faut faire attention pour ne pas manquer les huitièmes de finale. » Des petits tracas pas bien compliqués à gérer, en somme. Surtout quand on sait que le type qui s’agitera sur le banc de touche des Danois finira « damné » s’il ne donne pas du fil à retordre aux Bleus.
Par Alexandre Doskov, à Moscou