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Les Bleus se font le maillot
Quelques traits bleus sur fond blanc : 110 euros et des centaines d'articles. Qui aurait cru qu'un t-shirt rayé pourrait faire couler autant d'encre et de flux RSS? Pas Celio, en tout cas.
Demain soir, quand les joueurs de Laurent Blanc feront leur entrée sur l’herbe du stade de France, on observera deux accueils : celui du public dionysien envers Ribéry et Evra, d’un côté, et celui réservé à la nouvelle tunique qui servira désormais de maillot extérieur aux Bleus, de l’autre. De l’avancée technologique textile, du blanc dominant, des étoiles, du sponsor qui se fait discret et le logo de la FFF, tout y est et pourtant la chose fait polémique. Pourquoi ? Parce qu’elle est rayée, façon marinière. En France, on passe son temps à dire que les joueurs sont des chèvres mais on refuse qu’ils ressemblent à des zèbres.
Si l’on en croit les blogueuses mode, « la marinière, c’est so 2008 » . Mais ça, c’est parce qu’elles ont découvert les Doc Martens en 2010. En vrai, non, la marinière c’est « so bien avant » . Vers le XIXe siècle, comme le rappelle le communiqué de presse qui justifie le choix de Nike. Un uniforme marin qui a peu à peu fait ses preuves chez les sédentaires, comme les jeans chez les employés de bureau et les baskets chez ceux qui croient que le sport est une activité télévisuelle. De là à ce qu’il fasse ses preuves chez les footeux, rien n’était moins sûr jusqu’à ce que Nike prenne un contrat avec la FFF – 42 millions l’année, quand même – et le risque de jouer la carte de l’innovation vintage. En tout cas, c’est acté, proposé, conçu, validé, les joueurs le porteront.
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C’est bien, c’est pas bien, c’est moche, c’est pas moche, c’est tendance, c’est pas… Bref, c’est bien connu, l’un des intérêts du football réside dans la possibilité de palabrer pendant des heures jusqu’au coup de sifflet final. On discute, on décortique, on compare, on use de mauvaise foi, on transforme des statistiques en pronostics, puis on exagère un peu. Ce maillot serait donc le symbole de l’écrasement d’une institution. Allons bon. Et pourquoi pas les footballeurs des modèles nationaux tant qu’on y est ? Parfois, il faut savoir remettre les choses à leur place. En l’occurrence, se rappeler que la fonction première d’un équipement, c’est la distinction entre les joueurs des différentes équipes. Et de ce côté-là, il n’y aura pas de problème.
Alors peut-être qu’en fait, le vrai souci de ces rayures c’est qu’au-delà du patrimoine culturel français, elles sont associées à la haute couture via Jean-Paul Gaultier et que la campagne de lancement a été photographiée par Karl Lagerfeld. Ca fait beaucoup pour certains supporters qui se demandent encore qui va tirer le penalty, en espérant que « ce ne soit pas le gay » . Ou bien la peur de ces passionnés de voir un autre domaine étranger s’insérer insidieusement dans leur sport favori. La négociation : ok, le marketing : ok, la publicité : ok, la comptabilité : ok, la prostitution : bon ok, mais la mode, ça, jamais de la vie ! A moins que ces rayures soient trop horizontales ou pas assez larges pour entrer dans la norme des maillots argentin ou milanais, par exemple. On essaie finalement de trouver un symbole, une référence à ce motif plutôt classique pour s’en faire une raison de le détester. Pourtant, il n’y en a pas forcément, si ce n’est qu’en termes d’écho, Nike a eu sa dose.
Mais, a priori, si on se remet un peu à parler de sport, tant que ce maillot est porté avec un short de foot, des crampons et un esprit d’équipe, ça devrait bien se passer.
Noémie Pennacino
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