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Les Bleus historiques
France 3 diffusera ce soir un documentaire intitulé "La véritable histoire des Bleus". Un titre peut-être un peu présomptueux. L'œuvre est signée Stéphane Benhamou pour Telecran production. Un nouveau doc à la veille de la Coupe du Monde pour générer un engouement populaire et nous forcer tous à soutenir Raymond ? Bah pas vraiment, bonne surprise, le film est plutôt bon, voire vraiment bon.
Bien sûr, en 90 minutes, on ne peut pas tout dire. Le postulat de départ est tout ce qu’il y a de plus simple : une chronologie, dans laquelle seront ciblés les faits marquants. Tout commence après 1958 et on en vient vite à l’ère Hidalgo. Le clou du spectacle avec 98, quoi de plus normal ? On revit tout, c’est bien sympa pour ceux déjà au point sur l’histoire des Bleus et instructif pour les autres. On vous passe le récit de la chronologie, vous n’aurez qu’à regarder la 3 ce soir, pour une fois qu’il y a un truc bien sur le foot.
La véritable histoire des Bleus vaut essentiellement par les multiples témoignages recueillis. Les images d’archives se succèdent. Stéphane Benhamou s’attache à replacer chaque événement dans son contexte historique, ce qui amène un plus incontestable. On y voit Giscard à la peine dans les sondages, qui reçoit les joueurs à l’Elysée avant la Coupe du Monde 1978. Celle-ci se déroule dans l’Argentine du grand démocrate Videla, qui a déjà commencé à jouer à son sport préféré : faire disparaître des p’tits gamins… L’anecdote intéressante est l’enlèvement de Michel Hidalgo le jour où il part rejoindre les joueurs. Là encore, on va rechercher des images d’archives, avec le témoignage de Michel Hidalgo.
Le réalisateur Stéphane Benhamou nous a confié que le principal problème pour réunir les témoignages était « de passer l’obstacle des agents ou des marques avec lesquelles les joueurs sont sous contrat. C’est même plus compliqué que lorsqu’on traite du sujet politique » . Son souhait était aussi de pouvoir aller au-delà du discours général assez navrant qui prédomine en ce moment chez nos joueurs “kaïra” : « On ne dirait pas ça s’ils n’étaient pas noirs. J’ai voulu montrer que l’équipe de France a toujours été composée par les vagues d’immigration successives. On a toujours vu ces discours nauséabonds sur une équipe qui ne serait pas française… » (le doc montre notamment un extrait avec Coluche sur un plateau télé). Il ajoute une mention spéciale pour Didier Six et Bernard Lama : « Didier Six n’a pas forcément l’habitude de se confier. Après plusieurs rendez-vous, il s’est lâché un peu plus et a vraiment été très touchant. Une mention spéciale pour Bernard Lama, qui arrive à se placer au-dessus. Il a suffisamment de recul pour fournir des bonnes analyses, notamment lorsqu’il revient sur les propos de Le Pen en 96 » . On partage son avis.
La narration est menée par Lorant Deutsch, qu’on sait passionné de foot et supporter du PSG (quoi c’est pas du foot ?) mais reste assez discrète, pas trop pesante. Elle ne sert en fait que de fil conducteur, le tout étant vraiment rythmé par les images d’archives et les témoignages récents ou d’époque. Les intervenants viennent d’horizons différents. Parmi les joueurs, les plus intéressants sont Giresse et Six, qui restent traumatisés par Séville 82, et ces salauds de Teutons dopés ! On trouve un journaliste écrivain, Pierre-Louis Basse, notamment co-auteur d’une bio sur Cantona, ainsi que des journalistes comme Vincent Duluc de L’Equipe, qu’on voit décidément beaucoup trop et l’infâme Jacques Vendroux.
Seul hic, Raymond nous poursuit, il est là, et il parle… surprise : il est vraiment moins insupportable que d’habitude et donne même des détails intéressants. Par contre il faut l’avouer, on ne déroge pas au traditionnel “Jacquet s’est fait découper, c’est pas bien…” avec quelques nuances bien sûr. Mais tout n’est pas consensuel, le doc aborde aussi les sujets qui fâchent : les Marseillais qui tiennent le vestiaire au début des années 90, ou le soi-disant lobby Variété mené par Jacques Vendroux pour faire virer Henri Michel. Certains joueurs balancent, comme Petit, mais ça on y est habitués.
Un petit mot sur la bande-son, qui s’adapte bien aux images. Du dynamique ou du mélancolique certes, mais du solide, avec Bowie, Leonard Cohen, Air, etc… La passion est là, bien vive, dans les défaites et les victoires, on se rappelle pourquoi on aime le foot. Mais ce jeu sur les sentiments, certes indispensable pour évoquer un spectacle comme le foot, tombe peut-être au mauvais moment. Car on ne peut pas s’empêcher de penser qu’on veut nous pousser à supporter Domenech. Et autant vous dire que c’est franchement dur…
Par Thibault Françon
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