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Les Bleus de travail

Par Simon Capelli-Welter
6 minutes
Les Bleus de travail

La France a su, une fois encore, forcer la décision et faire la différence grâce à son travail, à son impact et son pressing. Mais cette fois, elle a vraiment tremblé. Des réglages s'imposent.

Trois faits dessinent ce match : un, la titularisation d’Olivier Giroud en pointe ; deux, le bloc français déséquilibré ; trois, l’entrée de Griezmann et la réaffirmation du 433. Aussi, ce match nous donne trois leçons. Un : l’association Giroud-Benzema ne va toujours pas de soi. Deux : la nécessité de pouvoir presser comme des porcs. Trois : la France n’est jamais aussi forte que quand elle joue direct et vite.

Giroud-Benzema : l’éternel débat

Didier Deschamps a donc décidé de commencer avec Giroud devant. Il a dû songer à le sortir dès la mi-temps. Il a attendu l’heure de jeu. Olivier Giroud n’a pas été bon, voire pire. Quand il y a des espaces, il n’est pas vraiment utile et se montre au contraire lourd, parfois imprécis. Ce n’est ni un créateur ni un dribbleur. Il a besoin de longs ballons ou de mouvements autour de lui. Il n’a eu ni les uns, ni les autres. Il n’a rien eu pour lui. Cependant, il s’est appliqué à faire le pressing, défendre et couper la première relance. De son côté, gauche, Benzema n’a pas vraiment fourni les mêmes efforts, à croire qu’il n’avait pas reçu les mêmes consignes quant au pressing. À croire aussi, pour les plus tordus, qu’il a voulu faire passer un message quant à sa position. À croire surtout qu’il n’a jamais été un grand défenseur dans l’âme… En tout cas, le dispositif français s’en est vite retrouvé tout désarticulé. Matuidi doit déjà compenser pour Benzema. Si en attaque, les automatismes entre les deux – combien de fois a-t-on vu Matuidi pour Benzema pour Matuidi ? – se montrent dignes du playbook des Spurs, en défense, Matuidi se retrouve vite largué, trop haut et exposé. D’ailleurs, attention, Blaise a fini assez cramé. Il était en retard sur ses interventions – il aurait vraiment pu, dû prendre un rouge pour sa faute sur Onazi, le meilleur joueur adverse… – et n’a jamais vraiment intercepté au milieu comme il nous y avait habitués. Derrière lui, Évra a lui aussi connu beaucoup de difficultés. Mais pas uniquement parce qu’il se retrouvait bien trop souvent seul contre deux…

Un pressing imprécis et pourtant si précieux

Seul contre deux, Yohan Cabaye connaît. On en revient à cette histoire de bloc déséquilibré, de Matuidi qui compense pour Benzema, de Pogba qui montre trop haut à son tour parce que Matuidi déjà trop haut. Et boum : Cabaye se retrouve seul contre deux. À ce moment-là du match, il y a tellement d’espaces entre les lignes, que cela ressemble à une prolongation. À ce moment-là du match, il y a un huitième de finale à gagner, Didier Deschamps a pris les choses en main. Il faut dire qu’il ne devait plus reconnaître ni les siens, ni ses volontés. La France défend souvent et sans parvenir à vraiment récupérer le ballon. Si la base de l’édifice tient bien la baraque (Lloris nickel, Varane impérial et mention spéciale à Koscielny pour son bon match alors qu’on aurait pu craindre le pire), elle est de plus en plus exposée tant son milieu tire la gueule. Le pressing est mal foutu, les zones à se répartir mal définies, le bloc prend peur. La France recule alors de 20 bons mètres. Didier Deschamps ne reconnaît même plus son 4-3-3. Dans l’idée, dans son idée, l’EDF doit jouer haut, aller chercher l’adversaire, l’agresser, le presser dans son camp jusqu’à l’acculer. L’idée, avec une première lame composée des trois attaquants, puis d’une double lame Matuidi/Sissoko est de rentrer au plus profond du bloc adverse, jusqu’à le briser. Comme face à la Suisse. D’autant que sa ligne défensive – Sakho/Varane en général – aime jouer haut. La France y est parvenue, une fois de plus, mais elle a mis le temps. Elle s’est trop longtemps montrée, au moins durant les vingt premières minutes et le début de la seconde mi-temps, passive, dominée et inquiétée, pour complètement rassurer. Paradoxalement, les joueurs semblaient en même temps dégager une certaine impression de sérénité, voire d’assurance déplacée, comme s’ils savaient que le but allait finir par arriver. Déjà, les joueurs français sont habitués à dominer, ne serait-ce que physiquement, leurs adversaires durant les quinze dernières minutes d’une rencontre. Mais surtout, ils savent. Ils ont un grand entraîneur.

Les Bleus de chauffe

Même s’il avait compris dès la mi-temps, DD, diplomate, a attendu la 62e pour rectifier le tir. Giroud sort, Benzema repasse dans l’axe, Griezmann entre à gauche. Le 433 peut revivre autour des efforts défensifs du nouvel entrant. Si l’entrée du joueur de la Real Sociedad change pas mal de choses, elle ne change pas tout : la France poussait déjà et aurait pu marquer plus tôt. Cela dit, suite à cette même entrée, le Nigeria n’a plus eu d’occasions. Les Bleus ont alors pu défendre, vraiment, en 4-3-3, et finir par faire craquer leur adversaire. Où l’on repense à l’avantage physique en fin de rencontre. User son adversaire, à croire que la France a un plan. Sans forcément complètement convaincre, et sur un coup de Pioche, la France a tout de même remporté son huitième de finale deux à zéro. Là où le Brésil, les Pays-Bas ou même l’Allemagne, ont galéré. Il lui reste de la marge de progression. Elle sait comme peu d’équipes transformer les aléas d’une rencontre en circonstances favorables. Elle sait tirer partie des événements, provoquer la réussite et éviter les cartons rouges. Elle peut voir venir. Même si elle se retrouve en quarts de finale de Coupe du monde – oui, oui, en quarts de Coupe du monde – en n’ayant battu que le Honduras (et encore, à 11 contre 11, il a fallu un péno), la Suisse (qui a craqué après avoir pris deux buts en une minute) et le Nigeria (qui avec moins de maladresse-précipitation-malchance aurait pu ouvrir le score), la France a déjà réussi son Mondial. D’autant que maintenant, face à des équipes plus huppées, elle va sans doute pouvoir faire ce qu’elle préfère : jouer le contre. La France n’est jamais aussi forte que quand elle n’a pas à se soucier de la construction. Il n’empêche, elle doit continuer à trouver comment créer du jeu dans le camp de son opposant si elle veut rêver plus loin. Entre les lignes, les pattes et les brins d’herbe, Valbuena fait déjà son maximum. Aussi, dans la conception même du jeu, c’est à Cabaye de davantage se montrer. Durant ce match contre le Nigeria, il s’est montré un peu trop timide, laissant parfois Varane s’occuper de la relance, Pogba avancer le ballon. La preuve : Cabaye compte 58 touches de balle et 46 passes, alors que Pogba totalise 73 touches de balle et 57 passes. C’est en partie pour cela que Pogba était très visible ; en partie aussi parce que dans ces situations, Paul a tendance à trop en faire. Or, dans ce 4-3-3, Cabaye doit faire le jeu. À la limite, le Parisien doit considérer qu’il n’a pas le droit de laisser les autres orienter les attaques. Quand il le fait, tout s’éclaire, et « PogMatuidi » peut apporter des solutions plutôt que de chercher à les inventer. Au contraire, si Cabaye se cache, la France perd un joueur offensif. D’ailleurs, qui pense que Giroud sera titulaire en quart ?

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