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Les Bleus à l’heure de la realpolitik
Ce soir, face à la Serbie, à Reims, une terre historique de nouveau en haut de l’affiche, les Bleus vont tenter d’épouser cette même Histoire : poursuivre leur tentative de retrouvailles avec leur gloire ancienne pour revenir au premier plan. Pour ça, Blanc a opté pour un retour à certains fondamentaux et l’oubli de quelques illusions…
C’est un peu le sens de la semaine écoulée : on en a fini avec les fantaisies. Au sens premier du terme. Ces premiers jours de stage de l’équipe de France, ponctués par le match face à l’Islande, étaient parcourus par une sorte d’imaginaire, peut-être même de fantasme. Celui qui aurait vu une génération 87 prendre les commandes du bastringue. Celui qui aurait vu Yoann Gourcuff se fondre dans le groupe France, en même temps que dans son jeu. Oui, en ce début, on pouvait croire que Laurent Blanc avait fait un rêve… mais personne ne peut en être totalement sûr. Car le Président connaît un peu trop bien le jeu et la vie pour ignorer que les audaces, même les plus louables, deviennent vite des imprudences quand elles ne se parent pas de quelques sécurités. Prenons le cas de Gourcuff, par exemple. Et, en l’occurrence, tendons l’oreille à ce que déclarait Blanc après la victoire sur l’Islande, dimanche : « Ce match n’a pas modifié mon avis. » Si l’on veut bien accorder au sélectionneur le bénéfice du doute quant à son honnêteté, cela signifie donc qu’il ne croyait pas en son meneur de jeu.
Mais il a visiblement voulu tenter le pari et constater par lui-même l’étendue des dégâts. Et il a vu. Bien sûr, si on était mauvais esprit, on pourrait penser que Blanc a aussi pris Gourcuff dans sa pré-liste pour revaloriser le joueur avec lequel il partage à la fois de beaux souvenirs communs ainsi qu’un agent nommé Bernès. Reste que cet élan de générosité s’est fracassé contre les limites de l’ancienne star des Girondins, dont on imagine qu’elles ont trouvé leur prolongement hors des terrains, surtout au regard de l’entrée rageuse de Franck Ribéry (à la place de qui vous savez, ça ne s’invente pas), dimanche, dans un match qu’il n’était pas censé disputer. Bien sûr, Blanc a sauvé ce qui pouvait l’être en évoquant une douleur à la cheville qui pansera d’autres maux. La vérité, c’est qu’à l’approche de la compétition, le Cévenol retrouve le pragmatisme indispensable à la survie de son équipe.
Blanc voulait-il l’échec du quatuor 87 ?
C’est aussi le sens de l’amputation de la génération 87 pour ce rendez-vous avec la Serbie. On ne va pas se mentir, là encore, c’est du simple bon sens que d’avoir fait ce choix. Benzema, Ben Arfa, Nasri et Ménez l’ont un peu trop joué foot five pour redonner une chance immédiate à ce condensé d’immaturité technique (et on entend déjà des voix demander « Pourquoi préciser« technique » ? » ). Une désillusion ? Plus probablement une confirmation. Car on souscrira à cette réflexion de notre bon vieux confrère Thierry Bretagne quand, sur le plateau télé, il déclare : « On peut penser que Laurent Blanc a aligné le quatuor pour ne plus avoir à le refaire. » Une sorte de coup tactique destiné à évacuer, à une distance encore raisonnable de l’Euro, le débat avec la presse et la vox populi qui réclamaient depuis quelque temps cet essai. Et, comme attendu (espéré ?), la copie mitigée a largement clos cette discussion. Et permet de revenir à un dispositif plus raccord avec les prudences voulues pour la compétition.
Exit Ben Arfa et Ménez mais confirmation dans le onze de Benzema et Nasri, véritable baromètre d’une prime clairement donnée à la maturité (ou à la posture de maturité) plutôt qu’aux fulgurances. De la même façon, au cœur du jeu, plus question de foutre un relayeur en tant que pur récupérateur et d’orner le reste du terrain de joueurs de ballon pas franchement obsédés par les équilibres défensifs. Retour donc à une vraie sentinelle (M’Vila) entourée de deux joueurs volumineux, mais aussi bons footballeurs (Cabaye of course, et Malouda qui, même s’il n’a plus effacé personne depuis cinq ans, garde forcément des notions d’une bonne utilisation de la gonfle). Prag-ma-ti-que, on vous dit. Les essais en défense ? Juste pour voir, même si un Évra ferait quand même bien de se méfier d’une éventuelle très bonne prestation de Clichy. Mais sincèrement, on doute que Blanc soit poussé par des envies de nouveauté en Ukraine. L’heure n’est plus aux fantaisies.
Dave Appadoo