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Les anniversaires de footeux, c’est pas de la tarte
Y aller ? Ne pas y aller ? Les polémiques récentes autour des anniversaires des joueurs du PSG portent éclairage sur un phénomène qui n'épargne pas les footballeurs : la gestion des invitations aux soirées d'anniversaire. Doit-on les décaler ? Se cotiser pour un cadeau ? Toutes les fêter en même temps ? Réponses auprès de fêtards... et ceux qui les chassent.
Le début d’une nouvelle année est synonyme de résolutions qui ne seront pour la plupart pas tenues. Mais aussi synonyme d’achat d’un petit agenda pour l’année qui arrive. Sauf pour les puristes qui se contentent du calendrier avec des chats tout mignons acheté au facteur avant les fêtes de Noël. Et si le premier réflexe en ouvrant son nouvel agenda est de vérifier que les jours fériés ne tombent pas un week-end, le second est de regarder le jour de son anniversaire. Histoire de voir s’il est possible de faire une soirée d’anniversaire le jour même ou s’il va falloir attendre le vendredi soir. Et les footballeurs ne dérogent pas à la règle.
Nés le 14 février, Edinson Cavani et Ángel Di María ont vite compris qu’ils allaient devoir attendre un peu avant de célébrer leur anniversaire en raison de l’enchaînement des matchs à Amiens (15 février) et Dortmund en Ligue des champions (18 février). Résultat, les deux Sud-Américains ont programmé cela le 20 février et ont convié Mauro Icardi, né le 19 février. Problème, la défaite à Dortmund (1-2) deux jours plus tôt – à laquelle n’ont pas participé Cavani et Icardi restés sur le banc – a fait que certains supporters parisiens n’ont pas apprécié de voir leurs joueurs faire la fête et rigoler pendant toute la nuit. Et peu importe si cela n’a pas empêché les Parisiens de battre Bordeaux au Parc des Princes trois jours plus tard (4-3).
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Les Parisiens devaient-ils annuler une soirée d’anniversaire prévue depuis plusieurs semaines en raison du résultat à Dortmund ? Non. Devaient-ils se faire discrets et éviter de publier sur les réseaux sociaux des vidéos de Neymar alcoolisé qui danse torse nu avec Edinson Cavani et Keylor Navas ? Peut-être. C’est en tout cas l’avis de Marquinhos, présent à cette bringue : « C’était une erreur de diffuser les images comme cela. On en a conscience. C’était un anniversaire, il était prévu avant le match. Ce n’est pas un manque de respect vis-à-vis des supporters. C’était un moment pour oublier, faire la fête, passer un moment ensemble, rigoler et ne pas penser au match ou à la tactique. Les gens qui ont filmé ne l’ont pas fait pour faire du mal. »
Et ce qui vaut pour le Paris Saint-Germain, vaut pour tous les clubs. Arrivé à 16 ans au LOSC, Gianni Bruno se rappelle d’ailleurs des soirées organisées tout au long de l’année par Rio Mavuba dans le Nord de la France où « le message qui était passé était de ne pas publier sur les réseaux sociaux. Que ça reste entre nous » . Une logique que comprend tout à fait Issa Cissokho, qui a plusieurs soirées d’anniversaire à son palmarès : « Quand il y a une contre-performance, il faut se montrer discret. Par respect pour le club et les supporters. Nous savons que beaucoup comprennent que c’est un anniversaire et que nous n’en avons qu’un par an. Mais d’autres ont un tel amour pour le club qu’ils ne peuvent pas comprendre certaines choses. Après, nous préférons tous fêter notre anniversaire après une victoire. »
Il n’en reste pas moins que le choix de la date est une problématique. Car s’il est impossible de prévoir les résultats à l’avance, il est toutefois possible de connaître le calendrier et ainsi trouver une date idéale pour faire la fête. Quitte parfois à célébrer son anniversaire quelques semaines après la vraie date. C’est ce qui est notamment arrivé à Lilian Compan, né un 30 avril, soit en plein sprint final : « À Sainté, j’avais parlé à Antonetti qui m’avait demandé de repousser mon anniversaire à la semaine d’après. À Caen, Dumas m’avais dit :« On fera un truc plus sympa quand on n’aura plus rien à jouer. » Alors quand on a vu qu’on ne pouvait plus toucher l’Europe, on a fait la bringue. » Quoi qu’il en soit, l’ancien attaquant confie qu’il est important de mettre l’entraîneur dans la confidence avant la fameuse fête. Et tant pis s’ils ne réagissent pas tous de la même façon : « Courbis, on pouvait aller le voir tous les jours. Dumas aussi. Avec Antonetti, il fallait être un peu plus discret. »
Passé par l’AJ Auxerre, Lilian Compan a connu un entraîneur qui n’est pas vraiment fan des soirées d’anniversaire : Guy Roux. Il faut dire que l’ancien coach de l’AJA n’aimait pas quand ses poulains se couchaient tard : « Je savais à une demi-heure près à quelle heure on atterrissait après les matchs.
J’avais un tableau avec les soirs où les joueurs se couchaient tard. Ils ont deux matchs par semaine. Les cinq soirs restants, vous vous couchez à 22h. On s’en fout des anniversaires des grands-mères ou des joueurs. Quand vous avez des enfants, il ne faut pas rater le matin de Noël. Ça, c’est important. Le reste est superflu. » S’il confie « repérer les joueurs pas sérieux et se débrouiller alors pour en trouver d’autres » , Guy Roux n’a jamais été jusqu’à recruter des joueurs en fonction de leur date de naissance : « C’est déjà difficile d’avoir des bons joueurs, si en plus vous ne les prenez pas parce qu’ils sont nés le même jour qu’un coéquipier, vous n’êtes pas sortis de l’auberge. Au contraire, s’ils sont tous nés le même jour c’est mieux. Une fête pour tout le monde et on évacue le problème. » Faute de recrutement sur les dates de naissance, Guy Roux a trouvé une autre solution au problème : « Quand je les emmenais au milieu du Morvan en mise au vert et qu’il y avait un téléphone pour tout l’hôtel… Avec aucun être vivant à 15 kilomètres à la ronde à part les gérants et la bonne, je n’avais pas peur des anniversaires. »
Un lieu de cohésion
De fait, au foot ou en société, l’anniversaire a toujours été un endroit politique. En 1972-1973, l’enquête du sociologue Jean Duvignaud sur La Planète des jeunes (les 19-25 ans) énonçait ceci : « Faire la fête marque l’entrée dans la culture « des grands », c’est un acte qui signe la fin de l’enfance. Un adolescent qui ne participe pas à ces rites de socialisation exubérante du samedi soir est quasiment tenu pour inquiétant. » Tout comme, à l’adolescence et la vie de jeune adulte, ne pas se présenter à la fête d’un ami sans excuse valable relève, si ce n’est de la déclaration de guerre, du moins d’un manque de considération évident, le faire dans le cadre d’un club de football peut être rédhibitoire. Pour les relations sociales, d’une, pour la vie du groupe, de deux, car on parle là d’un groupe fermé, amené à se voir quotidiennement.
« Quand tu as des soirées à deux ou trois, il y a danger, explique Lilian Compan, fêtard assumé à l’époque de ses différents passages en Ligue 1, à Auxerre (1997-2001) ou Saint-Étienne (2002-2005). En général, pour les anniversaires, l’annonce se fait à la cantonade dans le vestiaire :« Je fête mon anniversaire, qui veut venir vient ! » » Au contraire d’une soirée classique, l’anniversaire est intime, personnalisé, et sujet aux vexations en cas d’absence. S’y montrer est une nécessité, même « histoire de » . « Quand, à chaque anniversaire, 80% du groupe vient, même pour dix minutes, tu reconnais un groupe qui vit bien, détaille Compan. Je l’ai vécu à Montpellier (entre 2008 et 2010), on se retrouvait tous. Je me souviens en particulier des 27 ans de Joris Marveaux avec Giroud, Cabella et toute la clique. On avait terminé dans une boîte privatisée, le truc classique. » Passer une tête, donc. Et à raison d’une vingtaine de professionnels a minima à l’anniversaire de qui se pointer, voilà vite l’événement annuel devenu obligation régulière.
Rio Macumba
Si la majorité des interrogés affirment « ne pas tenir rigueur » aux absences occasionnelles de leurs coéquipiers, Gianni Bruno confie toutefois que ces dernières peuvent « créer des tensions, voire des mises à l’écart » . Les absents ont toujours tort, et les anniversaires font paradoxalement partie des rares moments où le groupe peut se retrouver au complet en tenue de civil. Propice aux confidences, propice aux critiques, propice à l’ostracisation. Bruno : « Bref, ce n’est jamais bien vu. » « À Lille (2007-2014), c’est Rio Mavuba qui organisait tout. Et tout le monde venait parce que Rio exigeait qu’il y ait tout le monde. Après, ceux qui n’aimaient pas trop sortir partaient plus tôt, mais rien que le fait de boire un verre, ça rendait Rio content. » Issa Cissokho désacralise lui l’événement, expliquant laconiquement : « Quand je fêtais mon anniversaire, si ceux dont je n’étais pas très proche ne venaient pas, il n’y avait pas de problèmes. »
Reste une dernière problématique, peut-être la plus importante : les cadeaux. Car si le sociologue Marcel Mauss, considéré comme le père de l’ethnologie française – soit l’étude descriptive des groupes humains -, écrivait dans les années 1930 que le cadeau « inscrit le fêté et ses hôtes dans la logique du don et du contre-don, fondatrice de toute socialité » , encore faut-il le trouver. Et tout comme il est compliqué de se renouveler à mesure des années, la complexité redouble au prorata du nombre d’anniversaires à fêter annuellement. À chacun sa technique, de l’enveloppe collective avancée par Issa Cissokho – « J’ai rarement vu des joueurs qui se font des cadeaux » -, au « tirage au sort » théorisé par Lilian Compan – « Des cadeaux plus rigolos, mais qui ne valent pas grand-chose » . Il ajoute : « De toute façon, c’est comme pour tout le monde, on dit ça, mais on s’y prend à la dernière minute, et tu finis par te démerder. » En somme : les footballeurs sont des gens comme les autres, et oui, eux aussi offrent des SmartBox.
Par Théo Denmat et Steven Oliveira
Tous propos recueillis par TD et SO