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Les années Sapins de Daniel Cousin
Daniel Cousin avait l’habitude de claquer sa dizaine de buts par saison en Ligue 1 (Le Mans, Lens). Avec les Rangers, il a joué ensuite la Ligue des champions et une demi-finale de Coupe UEFA. Le CV d’un bon attaquant des années 2000, épaissi par une expérience au pays natal : le Gabon. C’était au FC Sapins.
« Daniel Cousin, c’est une icône, une référence, une pyramide du football gabonais. Au Gabon, il est connu comme la marque Coca-Cola ou Michael Jackson. (…) Quand on est monté en première division, on s’entraînait dans le sable. Et le Monsieur a accepté de donner son vécu et ses expériences. » Le Monsieur en question, c’est Daniel Cousin, 12 buts en 55 sélections avec le Gabon et une bonne fournée sous les couleurs du MUC 72, du RC Lens et des Glasgow Rangers. Le Monsieur qui parle de Monsieur, c’est Farhane Zoubir Gassita, vice-président du club FC Sapins à l’époque où il s’exprimait dans ce documentaire d’une équipe de télévision gabonaise.
De 2011 à 2014, Daniel Cousin a donc porté le maillot jaune et bleu du FC Sapins. Il explique l’origine de ce nom épineux : « Le président du club m’a dit qu’ils ont commencé à former une équipe en s’entraînant dans un parc pour s’amuser. Dans ce parc, il y avait des petits sapins, donc quand il a fallu choisir un nom au club, ils l’ont appelé FC Sapins. » Aucun lien avec la science tactique de Carlo Ancelotti, cruelle déception.
À la sauce Roquefort et Larissa
Gabonais par sa mère et français par son père – un expatrié qui installait les antennes sur les plateformes pétrolières pour établir la communication entre les plateformes et le quartier général à Libreville -, Daniel est né dans la capitale gabonaise en 1977, mais a grandi en France, dans le village provençal de Roquefort-la-Bédoule, à côté de Cassis. Il a 20 ans quand il revient en vacances à Libreville pour la première fois. Son pays natal, il va véritablement le découvrir à l’âge de 32 ans, quand il signe au FC Sapins.
À l’époque, à l’automne 2011, l’attaquant est à la recherche d’un club après une expérience écourtée au AEL Larissa, en Grèce, parce qu’il n’était plus payé. « C’était un bordel ! Plus personne n’avait envie de jouer, rembobine l’intéressé. Les joueurs partaient un par un, puisque la loi FIFA permet à un joueur de quitter le club au bout de trois mois et un jour sans salaire. » En pleine saison, difficile pour l’ancien Lensois de trouver un point de chute dans un club français de L1 ou L2.
Cousin reçoit un coup de fil de Pierre Aubameyang (le père de Pierre-Emerick), directeur sportif du FC Sapins. Le club de Libreville, récemment promu en première division, a des moyens modestes, le championnat est encore amateur, mais Cousin accepte. Comme Aubameyang senior a ses relations à la fédération, le deal inclut un programme de reconversion pour permettre au buteur d’intégrer à terme l’équipe nationale en tant que manager général.
« Les gens croyaient que c’était une blague »
Après quatorze années en pro, le changement est « brutal » . Cousin a beau savoir où il met les pieds, il jouait encore la Ligue des champions à Ibrox Park quelques années auparavant et se retrouve désormais dans des stades quasiment vides. « Quand je suis arrivé, les gens venaient parce qu’ils étaient curieux. Ils croyaient que c’était une blague, ils ne pensaient pas que j’allais revenir. 1 000 spectateurs ? Non ! 300 personnes, c’était déjà guichets fermés » , se marre l’ancien buteur des Gers.
Et même si le championnat gabonais devient officiellement professionnel lors de sa deuxième saison au FC Sapins, l’organisation du club reste amateur. « Je suis un passionné. J’essayais d’aider le club en matière de gestion, de recrutement. Je donnais des conseils, parfois c’était bien reçu, parfois non, explique Cousin. Quand tu as des clubs qui fonctionnent de la même façon depuis X années, c’est difficile de leur dire : « ce que vous faites, c’est pas bien« … » Un exemple ? Les entraînements durent 2h en plein cagnard sans moment de récupération. « Les matchs étaient aussi à 14h. Dans un pays où il fait 40 degrés… J’en ai parlé à la Ligue pour jouer en fin d’après-midi, mais ça n’a pas changé, apparemment, c’était un problème de retransmission des matchs. »
Les frigos et les grosses tortues de mer
Quand il n’est pas sur le terrain, l’homme va à plage ou part en excursions à la découverte des animaux. « Je suis allé voir les éléphants, les gorilles, les buffles. Les grosses tortues de mer, aussi. Et puis, il y a beaucoup de collines. J’allais faire du quad dans la colline. » Il s’engage aussi socialement par le biais de l’association de son ex-femme, en allant faire des dons dans des orphelinats. « Qu’est-ce qu’on leur donnait ? C’était des frigos, des micro-ondes, des jouets… »
Au quotidien, Cousin découvre un décalage entre la culture locale et sa culture européenne. « Je ne parle pas le dialecte » , expose-t-il, avant de citer l’exemple de la nourriture. « Les joueurs mettaient beaucoup de sauces avec le poulet. Les sauces à l’huile de palme, d’arachide… Je leur disais que ce n’était pas concevable pour un sportif de haut niveau. Mais ils étaient habitués à manger pimenté, avec beaucoup de sauce. Je sais que moi si je mange ça, c’est impossible que je joue, je vais aller faire la sieste ! Mais, eux, il couraient partout. »
« Le championnat, je ne sais même pas s’il a repris »
Finalement, Cousin raccroche les crampons en 2014 avec un sentiment mitigé (après trois saisons où le FC Sapins sera resté coincé dans le ventre mou du championnat : 6e, 7e et 5e sur 14 équipes). Si Cousin a pu transmettre son expérience, le football gabonais ne progresse pas. « Les gens m’ont dit : « pourquoi tu viens ici ? Il vaut mieux que tu retournes en Europe« . Est-ce qu’ils avaient raison ? Il n’avaient pas tort. Il n’y a pas besoin d’être un grand expert du football quand tu vois que le championnat s’arrête et quand tu lis dans les journaux que les joueurs ne sont pas payés. Il y a un mois, un ami m’a dit que le championnat s’était arrêté. Je ne sais même pas s’il a repris. » D’ailleurs, vous ne trouverez plus le nom FC Sapins : le club s’appelle désormais Akanda FC.
Devenu manager général de la sélection nationale en 2014, Cousin a été nommé sélectionneur des Panthères en septembre 2018, mais l’expérience a tourné court. Revenu vivre aujourd’hui du côté de Marseille, il est à la recherche d’un projet chez les jeunes. En attendant, ce lundi, il nous a répondus en rentrant des courses de Noël. Au menu du réveillon en famille ? « Le chapon avec les pommes de terre, comme d’habitude. Il faut faire attention à la ligne… mais bon, maintenant, je ne cours plus. » Il y aura donc de la sauce dans l’assiette.
Par Florian Lefèvre
propos de Daniel Cousin recueillis par FL