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Les années Lazio de Zeman
L'actuel entraîneur de Cagliari a passé deux saisons et demie à la tête des Biancocelesti. C'est bien à la Lazio qu'il est monté le plus haut dans sa carrière.
Zdeněk Zeman a dirigé quinze clubs différents en près de quarante ans de métier. Si on l’associe souvent à Foggia où il s’est fait connaître, son passage à la Roma a également marqué les esprits, que ce soit sur et hors du terrain. Toutefois, c’est bien à la Lazio que le Bohème a tutoyé les sommets. Deux saisons et demie entre l’été 1994 et l’hiver 1997, avant, justement, de passer sur l’autre rive six mois plus tard. Troisième joueur le plus capé de l’histoire des Biancocelesti après Beppe Favalli et Pino Wilson, l’ancien défenseur Paolo Negro sait mieux que quiconque le souvenir qu’il a laissé : « Je ne crois pas que les tifosi laziali l’ont répudié. Zeman est un type particulier, je ne dis pas qu’il est difficile de ne pas l’aimer, mais au moins de le suivre, car il suscite énormément d’intérêt. En ce sens, c’est peut-être le seul coach qui a réussi à aller au-delà des rivalités à Rome. » Pas un mince exploit.
La meilleure saison depuis 20 ans
Zeman débarque sur suggestion de Beppe Signori, son ancien attaquant du temps de Foggia. « Il arrivait directement de là-bas, où il avait créé la surprise et fait de très belles choses. Il s’agissait de voir comment il allait se comporter avec un club qui avait des objectifs bien plus élevés » , raconte Negro. Le Tchèque remplace un certain Dino Zoff, qui officiait depuis quatre ans, et qui devient par ailleurs président du club. Quel rapport s’installe entre les deux hommes ? « Je ne sais pas combien de mots ils se sont échangés vu que ce ne sont pas de grands bavards. Ce qui est certain, c’est qu’ils fumaient plus qu’ils ne parlaient ! Blague à part, il s’agissait de deux grands experts du foot. » Au début, l’impact est terrible avec les fameuses méthodes Zeman : « Je n’ai jamais autant couru, ce sont les entraînements les plus compliqués que j’ai faits. Il nous a fait tout de suite comprendre comment les choses fonctionnaient. »
Les méthodes sont dures, et les résultats arrivent. Le 4-3-3 ultra-offensif fait des ravages et les volées se succèdent : 4-0 contre le Milan champion en titre, 4-1 à l’Inter, 5-1 au Napoli et à Padova, 7-1 contre Foggia, 8-2 contre la Fiorentina !
Et même un 3-0 sur le terrain d’une Juventus qui s’apprête à être sacrée championne. « Le seul match que nous avons gagné sans sortir de notre moitié de terrain » , confie Negro. La Lazio conclut le championnat seconde grâce à une meilleure différence de buts que Parme. Ajoutez à cela une demie de Coupe nationale perdue contre la Juve et une élimination en quart de finale de Coupe de l’UEFA contre le Borussia, vous avez là la meilleure saison de l’histoire du club depuis 1973-74 et le premier Scudetto. « Et encore, contre les Allemands, on sort à la dernière minute sur un but de Riedle avec un arbitrage franchement moyen. » Casiraghi, qui a pris un coup de latte de Sammer plein torse dans la surface, s’en souvient encore.
Des méthodes qui fatiguent sur la durée
« On a fait de bonnes saisons, malheureusement, on bloquait au moment où il fallait passer un nouveau palier et on sortait vite de la course au titre. » Voilà pourquoi la Juventus n’a jamais été vraiment inquiétée. Le scénario est identique la saison suivante : un bon départ (et notamment un 4-0 contre les Bianconeri champions en titre), puis un passage à vide durant l’hiver qui devient irrémédiable : « Il y avait à chaque fois une baisse de rendement physique au milieu de la saison, parce qu’on travaillait toujours énormément. Il n’y avait pas une semaine de pause, c’était toujours double entraînement le mercredi, idem le vendredi. En plus, on était engagés sur tous les fronts, on aurait eu besoin de respirer de temps en temps. » Le sprint final permet de sauver les meubles avec de belles séries, mais le nouveau cap espéré par le président Cragnotti n’est pas franchi.
Lors de sa troisième saison, ces erreurs ne sont cette fois pas pardonnées au Bohème. En janvier, il est démis de ses fonctions alors que le club gît à une 12e place après 18 journées : « Il a tout simplement payé les résultats qui n’arrivaient pas. Et il n’y a que ça qui compte en Italie. C’est pour cela que Zeman est plutôt fait pour l’Angleterre ou d’autres championnats. L’équipe n’y arrivait plus physiquement. Avec lui, ou tu es à 100 % physiquement ou alors ça devient très compliqué. » C’est d’ailleurs Zoff qui finira la saison et remontera le club jusqu’à la 5e place avec un 4-4-2 beaucoup plus pragmatique. Toutefois, le travail du Tchèque a été ô combien précieux pour la grande Lazio d’Eriksson. Car à son époque, Cragnotti ne mettait pas encore la main au portefeuille : « On avait posé les bases pour construire une des plus fortes équipes européennes. C’était un groupe assez jeune et l’ossature de l’équipe se dessinait » , conclut Negro, qui, avec Nesta et Favalli, s’apprêtaient à accueillir une liste infinie de grands noms qui gagneront sept trophées en trois ans. Zeman, lui, était déjà de l’histoire ancienne.
Par Valentin Pauluzzi