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Les Anglais et les Gallois ont-ils des raisons de se haïr ?

Par Maxime Delcourt
Les Anglais et les Gallois ont-ils des raisons de se haïr ?

Depuis la fin du XIIIe siècle, la grande rivalité entre l’Angleterre et le pays de Galles a traversé toutes les époques. Pourtant, quand on y regarde de plus près, l’opposition entre ces deux nations n’a jamais vraiment eu lieu d’être.

1 200 policiers et gendarmes, 200 personnels du SAMU, 130 pompiers, 750 agents de sécurité privée pour l’intérieur du stade et 100 pour la fan zone. En tout, ce sont près de 2 400 agents qui sont mobilisés ce jeudi pour assurer la sécurité dans le Pas-de-Calais à l’occasion du match opposant l’Angleterre au pays de Galles. Autant dire qu’il s’agit là d’une rencontre sous (très) haute tension. Pourtant, peut-il y avoir réellement rivalité entre une nation, l’Angleterre, dont on connaît l’importance et l’influence sur le football mondial, et une autre, le pays de Galles, qui dispute son premier championnat d’Europe cette année ? « En football, l’Angleterre sera toujours favorite face au pays de Galles en raison du nombre de joueurs qu’ils ont à disposition. »

De lourdes défaites et des victoires mémorables

Cet aveu, c’est celui de Leighton James. Le 31 mai 1977, l’ex-ailier est de ces joueurs gallois présents à Wembley pour un match opposant le pays de Galles à l’Angleterre. Et autant dire que cette rencontre n’a rien d’anodine. D’abord, parce que le pays de Galles finit par l’emporter grâce à un penalty de l’intéressé, une victoire historique pour les Gallois qui provoque le licenciement immédiat du sélectionneur anglais, Don Revie. Et puis parce que le match s’ouvre dans les hostilités, les organisateurs refusant de jouer l’hymne gallois. De la provocation ? Surtout une façon, bien involontaire, de remonter à bloc l’effectif des Dragons. Leighton James : « Ce match a laissé un souvenir indélébile. Nous savions que l’hymne ne serait pas joué, mais à la fin de God Save the Queen, nous étions en ligne pendant environ 10 secondes pour faire valoir notre force. »

D’un point de vue historique, ce n’est d’ailleurs pas la seule défaite des Three Lions face aux Gallois. Car, s’ils ont longtemps été dominés par leur voisin avant la Première Guerre mondiale – avec zéro victoire et 104 buts encaissés en 32 matchs entre 1883 et 1914 – et ne sont parvenus qu’à relever timidement la tête entre les deux guerres, les Gallois ont réussi à rendre chacune de leur victoire mémorable. Comme ce fameux 17 mai 1980 où les coéquipiers de Leighton James confirment l’exploit réalisé trois ans plus tôt et s’imposent à Wrexham quatre buts à un. Ils ne le savent pas encore, mais ce sera la seule fois où l’Angleterre, entre 1964 et 2005, encaissera quatre buts dans un même match. Ce qu’ils savent, en revanche, c’est que les Three Lions venaient d’humilier l’Argentine championne du monde à domicile (3-1), mais qu’ils sont repartis de Wrexham « la queue entre les jambes » , pour reprendre les mots de Leighton James. Le gardien de l’époque, Dai Davis, se dit moins étonné : « Nous ne pensions pas que l’Angleterre était particulièrement une bonne équipe et nous étions à domicile. Ils avaient des difficultés sur les côtés et, avant le match, Mike England (le sélectionneur de l’époque, ndr) avait mis l’accent sur Larry Lloyd, qui était encore plus lent que le Queen Mary. »

« Il n’y a que le sport qui permet au pays de Galles d’affirmer son identité »

Comme pour toute rivalité, il faut un point de départ. Sans forcément remonter jusqu’à la conquête du pays de Galles en 1282, ou à l’officialisation de l’unification en 1536, celui-ci peut éventuellement s’expliquer par « l’écrasante présence de l’Angleterre » , comme le souligne Moya Jones, LA spécialiste du pays de Galles en France et enseignante à l’université de Bordeaux-Montaigne. « Contrairement à l’Écosse, le pays de Galles a longtemps été effacé des cartes et n’a jamais vraiment été uni politiquement avant la fin du XXe siècle. Encore aujourd’hui, seulement 20% de la population parlent couramment le gallois. De toute façon, ce n’est que depuis cinquante ans, et plus précisément depuis la création d’une institution dévolue au pays de Galles par Tony Blair en 1997, que l’on remarque une renaissance du nationalisme gallois, aussi bien linguistique que politique. » Maître de conférence en civilisations britanniques à l’université Paris 3, Yann Béliard nuance : « Il faut préciser que leurs rapports ne sont pas si conflictuels. Leur union est tellement ancienne qu’il y a bien trop de mélanges, d’histoires communes, de mariages mixtes, d’Anglais qui travaillent au pays de Galles et inversement pour qu’il y ait une quelconque animosité. Il y a bien sûr quelques oppositions, comme le fait que le sigle du pays de Galles soit le seul absent de l’Union Jack, comme le fait que les Gallois ont toujours détesté Churchill ou comme le fait, d’un point de vue sportif, que Swansea et Cardiff, les deux plus gros clubs du pays, évoluent dans les différents championnats anglais, mais les Gallois ne se sentent pas oppressés par les Anglais. Le processus de dévolution voulu par Blair a d’ailleurs été voté par une très courte majorité de Gallois, avec un taux de participation assez faible qui plus est. »

Malgré tout, les divergences politiques entre les deux pays perdurent, et Moya Jones, qui a vu « déferler la marée rouge » dans les rues bordelaises samedi dernier face à la Slovaquie, croit savoir pourquoi. « Au pays de Galles, c’est toujours le même parti travailliste à la tête du pays depuis 20 ans, mais ça reste un pays pauvre. Au prochain référendum, je ne serais d’ailleurs pas étonnée de voir les Gallois voter pour la sortie de l’Union européenne. Tout simplement parce que le pays ne marche pas à la même vitesse que l’Angleterre, mais aussi parce que cela renforcerait une certaine opposition avec l’élite londonienne… Malheureusement, j’ai l’impression qu’il n’y a que le sport qui permet au pays de Galles d’affirmer son identité. »

« Nous sommes exploités, violés, contrôlés et châtiés par les Anglais »

Vrai : car, si l’Angleterre règne en maître sur le Royaume-Uni et n’a jamais vraiment eu besoin de forcer son talent pour empêcher cette rivalité de prendre trop d’importance, il reste inconcevable pour les Gallois de perdre en match officiel face à leur imposant voisin. Certes, c’est nettement plus véhément en rugby, dont le célèbre discours de Phil Bennett, capitaine du XV du Poireau en 1977, reste gravé dans les mémoires. ( « Regardez ce que ces bâtards ont fait de notre pays. Ils nous ont pris notre charbon, notre eau et notre acier. Ils achètent nos maisons. Et qu’avons-nous en échange ? Rien. Nous sommes exploités, violés, contrôlés et châtiés par les Anglais. Et c’est contre eux que vous allez jouer aujourd’hui ! » ) Mais les footballeurs ont également des arguments à faire valoir. C’est une question d’honneur, après tout. Les deux victoires acquises en 1977 et en 1980 sont d’ailleurs assez symboliques politiquement : « Les années 70, ce sont celles des crises économiques et de la désindustrialisation, ce qui se traduit inévitablement par de la rancœur et par le renforcement d’un sentiment nationaliste. À cette époque, Cardiff, par exemple, était une ville complètement sinistrée. » Yann Béliard marque une pause, reprend : « Mais il ne faut pas exagérer le conflit. À l’inverse d’un Angleterre-Irlande, il n’y a jamais eu d’effusions de sang entre les deux pays, ni de guerre d’indépendance. Les Gallois ont même beaucoup de respect pour les clubs du Nord de l’Angleterre, avec lesquels ils partagent une forte identité ouvrière. Et l’inverse est vrai également : à Liverpool, par exemple, le club d’Everton a mis en vente des écharpes personnalisées pour ses supporters gallois. » Fabienne Buccio, la préfète du Pas-de-Calais, qui vient d’annoncer le renfort de deux compagnies de CRS et des « des mesures beaucoup plus restrictives au point de vue de l’alcool » , peut être rassurée : les flics ne devraient pas avoir à jouer le rôle d’arbitre cet après-midi.

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Par Maxime Delcourt

Propos recueillis par MD, sauf ceux de Leighton James et Rai Davis, tirés du Guardian.

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