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Les affaires de Sam
Le scandale qui touche aujourd'hui l'Angleterre et son sélectionneur national, Sam Allardyce, pose de nombreuses questions entre les habitudes d'un homme et les méthodes de travail critiquables de la presse britannique. Reste que maintenant, la bombe est allumée, et il faut savoir comment l'éteindre. Entre un rendez-vous secret, des soupçons de corruption et une FA qui se creuse la tête.
Pour l’instant, la mèche vient seulement d’être allumée. L’affaire est de taille et bouscule les codes de déontologie journalistique et la vie d’une sélection nationale qui tente doucement de se relever d’un naufrage public lors du dernier championnat d’Europe. L’Angleterre du foot n’avait pas besoin de ça, mais, au fond, elle aime croquer ce genre d’histoires. Tout le monde connaît la personnalité de Sam Allardyce, ses excès et ses dérapages, et le voilà qui vient d’enfiler depuis quelques semaines un costume d’exorciste dont il rêvait depuis toujours. Sa première fois avec les Three Lions a été compliquée, longue à se décanter, mais elle a été victorieuse en Slovaquie (1-0) pour lancer les éliminatoires de l’Angleterre à la Coupe du monde 2018. Sa place est toujours publique, mais plus exposée que jamais. Au point de tout faire pour lui couper la tête ? Il faut croire. Dans une mise en scène devant laquelle il faut se frapper le crâne pour en comprendre l’intérêt, si ce n’est la mise à mort décidée d’un homme, le Daily Telegraph a lâché mardi matin une bombe à l’heure du porridge : une vidéo, des révélations, publiées par des journalistes du quotidien britannique qui se sont fait passer pour des représentants d’hommes d’affaires asiatiques qui souhaiteraient s’introduire sur le marché des transferts britanniques. En une, un « Sam Allardyce à vendre » qui veut raconter beaucoup de choses et qui a pour mérite d’être d’utilité publique. L’enregistrement date des premiers jours post-nomination d’Allardyce à la tête de la sélection anglaise et montre l’ancien coach de West Ham proposer ses conseils contre 460 000 euros, plus quelques voyages à Singapour et à Hong Kong. L’affaire s’est découpée en deux entretiens, un à Londres, l’autre à Manchester, d’une durée totale de quatre heures, et ce n’est que le début.
WATCH: @England boss Sam Allardyce ‘deeply embarrassed’ by secret filming: https://t.co/vBUTHAfojj #SSNHQ https://t.co/25hIKoGz6U
— Sky Sports News HQ (@SkySportsNewsHQ) 27 septembre 2016
La tête d’un habitué
Pourquoi ? Car dans cet extrait, Big Sam se dit prêt à expliquer à son auditoire comment contourner les règles de la Fédération anglaise en matière de transfert, il parle de ses liens avec certains agents « qui font ça tout le temps » et tacle des « règles ridicules » . Oui, c’est costaud, mais salement mis en place, seulement deux mois après la nomination d’Allardyce sur le banc de la sélection nationale. Pour le moment, la FA a demandé les enregistrements complets au Daily Telegraph, et un licenciement ne serait alors que la sanction finale, si preuve il y a que le sélectionneur national a souhaité pousser ses idées mercantiles autour de la tierce propriété, interdite dans le football. Il ne faut pas excuser Sam Allardyce, mais la méthode est critiquable, dans une démarche à laquelle la presse anglaise s’est maintenant habituée. Selon les informations du Guardian, l’intéressé a quitté son domicile de Bolton dans la matinée à bord de sa Mercedes sans faire de commentaire. Un peu plus tôt dans sa carrière, Sam Allardyce avait déjà roulé dans un scandale d’ampleur alors qu’il était à la tête de Bolton. L’affaire, appelée Panorama programme et révélée par un documentaire de la BBC, expliquait qu’il avait touché de l’argent détourné suite à des transferts. Là-dessus, ce n’est pas une surprise. Dans l’enregistrement du Telegraph, Allardyce surnomme également son prédecesseur, Roy Hodgson, « Woy » en l’imitant, tacle sévèrement Gary Neville, ancien assistant d’Hodgson, en parlant de sa « mauvaise influence » et à qui on aurait dû, selon lui, demander de « s’asseoir et de fermer sa gueule » mais aussi du « secteur le plus corrompu du pays » : le HM Revenue and Customs (HMRC) qui est responsable, entre autres, de la collecte des taxes.
We can get on our high horses about FIFA etc. but we have a large glass house of our own.
— Gary Lineker (@GaryLineker) 27 septembre 2016
Wembley, cœur de décision
Alors, maintenant, que va-t-il se passer ? Une série de rendez-vous a été organisée aujourd’hui à Wembley pour tirer la vérité de cette bombe à retardement. De son côté, l’ONG allemande Transparency International s’est exprimée par la voix de son directeur exécutif anglais, Robert Barrington : « On espère que la FA – et l’ensemble des clubs impliqués par cette affaire – va lancer une enquête immédiate et indépendante pour donner une réponse claire et conserver un football propre dans le pays. » Le parallèle avec les récents scandales qui ont touché la FIFA, gangrenée par la corruption, a déjà été tracé dans le pays. Pour le moment, aucune décision n’a été prise quant à l’avenir d’Allardyce et cela doit être discuté entre le boss de la FA, Greg Clarke, et son directeur exécutif, Martin Glenn. Forcément, celui-ci s’inscrit en parenthèse pour le moment et, si tout cela est avéré, il est peu probable de revoir Sam Allardyce sur le banc des Three Lions et il pourrait terminer son mandat avec un solide CV de 100% de victoires sur le banc national. Reste un problème majeur : une nouvelle fois, cette affaire met en lumière les pratiques de certains journalistes britanniques, dont le seul but était de faire tomber Allardyce. Mais à quel prix ?
Par Maxime Brigand