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Les adieux ratés de San Iker au Real
C’était en juillet dernier. Une conférence de presse, des larmes, une photo avec ses trophées. Et puis c’est tout. Le Real ne sait pas saluer ses légendes. Les adieux offerts à Casillas le prouvent.
« Une image vaut mille mots. » Citer Confucius pour résumer l’immense parcours d’Iker Casillas au Real Madrid semble osé. Mais c’est bien Florentino Pérez qui l’a fait. Loin de l’émouvant discours d’Iniesta pour Xavi, le président du Real Madrid a orchestré un hommage des plus discrets. Non, il n’a pas paraphrasé le philosophe chinois. Mais il a décidé de montrer que cette citation était véridique. Devant un Santiago-Bernabéu où 2000 personnes ont pu entrer (le stade ne devait pas être ouvert pour l’occasion, mais l’insistance du public venu en masse a contraint la sécurité à ouvrir l’accès), où les seuls bruits sont ceux des applaudissements et des appareils photo, derrière les dix-neuf trophées que le gardien a conquis au long de sa carrière à la Casa Blanca, Iker Casillas trône. En costard, accroupi, le sourire presque faux, le gardien espagnol participe sans broncher à la mascarade menée d’une main de maître par un président qui a déjà fait le coup à une idole de la maison. « Je garde en tête tous les bons souvenirs, les titres gagnés » , déclare Casillas après la photo. Trois Ligues des champions, un Mondial des clubs, deux Supercoupes d’Europe, cinq Liga, deux Coupes du Roi, et quatre Supercoupes d’Espagne. Peut-être que le monsieur méritait plus qu’une simple photo.
« Le Real est injuste avec ses idoles »
Malgré la faible affluence dans le stade le jour de cette photo, malgré le manichéisme du public madrilène durant les dernières saisons de San Iker, Florentino Pérez en prend pour son grade, devant la simplicité de cet hommage. Des « Florentino démission » tombent des gradins. Peu importe si le gardien du temple pendant 25 ans ne fait plus l’unanimité chez les supporters, il reste une idole du club. Le président se défend, arguant que le Real ne pouvait pas le retenir, et « qu’Iker souhaitait une cérémonie simple et austère » .
Devant la presse, les larmes aux yeux, Iker Casillas s’était auparavant ouvert, affirmant qu’il « serait toujours madrilène » . Un discours émouvant, que le natif de Móstoles termine par l’un de ses leitmotivs : « Je vais répéter cette phrase pour que les gens ne l’oublient pas. Au-delà du fait de me considérer comme un bon ou mauvais gardien, je souhaite que le public se souvienne de moi comme d’une bonne personne. » Pas de polémique, et depuis son départ, pas de phrases chocs sur cet adieu des plus simples. En 2013, Raúl était lui parti par la grande porte avec une immense ovation du Bernabéu. Et déjà, les supporters de la Maison-Blanche avaient tiqué devant le manque d’hommage du club envers le légendaire numéro 7. Iván Helguera, qui a laissé de bons souvenirs du côté de Madrid, revient sur le problème du Real Madrid lors des départs : « Je suis aussi parti du Real après un conflit avec les dirigeants madrilènes. On m’a enlevé mon numéro, on m’a mis sur le banc. Ils m’ont rendu la vie insupportable. Ça arrive souvent au Real. » Et d’ajouter : « Le Real est injuste avec ceux qui travaillent pour le club, avec ses idoles, avec ceux qui ont gagné des titres sous cette tunique, qui ont marqué l’histoire de ce club. L’exemple le plus criant, c’est celui d’Iker, même s’il ne faut pas oublier qu’ils l’ont fait avant avec Raúl ou Hierro. Une simple photo, pas de match d’hommage. C’est triste. »
« Le public madrilène est connaisseur »
Le défenseur passé par la Roma affirme que le problème ne se situe pas dans les tribunes du Santiago-Bernabéu : « C’est superbe de voir que Totti foule la pelouse à Madrid et reçoit une énorme ovation. Ils l’ont fait avec Pirlo, avec Ronaldinho qui jouait chez l’éternel rival. Le public madrilène est un public de connaisseurs. Et c’est beau de voir cela, j’aime ces moments. Pareil, on est forcément ému quand on voit comment le Barça salue Xavi. » Celui qui a terminé sa carrière à Valence pointe du doigt un problème institutionnel et même de société : « Je ne sais pas d’où ça vient, mais cela fait plusieurs années que c’est ainsi au sein du club. Tu vas en Angleterre, en Italie, et les idoles sont toujours bien traitées. Je pense que c’est un problème dans notre pays, dans notre société : les champions sont toujours remis en cause. » Après le départ de Casillas à Porto, de nombreuses voix se sont prononcées contre le président du Real. En premier lieu, celle de José Luis Casillas qui, contrairement à Helguera, pointe directement du doigt Florentino Pérez, dans les colonnes d’El Mundo : « La campagne de diffamation, de discrédit d’Iker a été orchestrée par Florentino, avec le soutien de certains journalistes, qui lui mettent des bâtons dans les pattes depuis 2010. »
Depuis, l’intéressé a tracé sa route vers le Portugal. Il est enfin revenu sur ces adieux ratés, lors d’une interview dans l’émission En tu casa o en la mía : « Le président m’a gentiment demandé de venir pour la photo avec les trophées, et je l’ai fait sans soucis. Je ne sais pas s’il y aura autre chose avec le Real un jour. Je n’ai pas de remords, mon histoire est liée au club. Je me suis rendu compte que je devais abandonner le bateau, c’est aussi simple que ça. » Casillas ne reviendra certainement pas au Real. Les supporters pourront garder cette simple photo en souvenir. D’autres préféreront se souvenir à jamais que San Iker est une légende du club.
Par Ruben Curiel
Propos d'Iván Helguera recueillis par RC