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Les 8 leçons tactiques de l’Euro des Bleus
Un mois d’entraînements, sept matchs, vingt-six joueurs appelés, du 4-3-3, du 4-2-3-1, du 4-5-1. Et huit leçons tactiques.
1) Ne pas se limiter à une seule paire de défenseurs centraux
Même s’il faut saluer la cohérence de Laurent Blanc et sa confiance en la paire élue, et ne pas oublier la blessure d’Abidal, la méforme de Mexès et la fatigue de Rami ont démontré que miser sur une seule paire de centraux était une erreur. Une charnière centrale, c’est trois, voire quatre défenseurs prêts à former un duo. L’Italie a pu pallier la blessure de Chiellini avec Barzagli et Bonucci. L’Espagne a Ramos, Puyol, Piqué, Albiol. L’Angleterre avait Terry, Cahill et Lescott. Non, le « vécu » de deux défenseurs centraux n’est pas suffisant : il faut « faire vivre » trois ou quatre centraux, afin d’éviter un psychodrame à chaque changement.
2) À la recherche d’un 6 qui réunit
Alou Diarra a étonné tout le pays : une forme physique étincelante, un abattage intense, des fautes tactiques bien senties et de l’expérience. Mais avec Alou, l’équipe de France perd l’activité d’un joueur en phase offensive. C’est finalement la principale différence qu’ont les milieux de terrain des demi-finalistes où tout le monde sait jouer avec le ballon et où ce 6 fait le lien entre l’attaque et la défense. La France aurait eu besoin d’un homme à la polyvalence tactique d’un Busquets, Alonso, Pirlo, Schweinsteiger ou même Miguel Veloso. M’Vila, Capoue, Matuidi, Cabaye, Chantôme, à vos marques, prêts ?
3) Non, le projet de jeu de Laurent Blanc n’est pas une blague
En 2010, on parlait d’un manque d’automatismes, de l’absence de fluidité, d’une équipe coupée non pas en deux, mais en onze. À défaut d’avoir eu une avalanche de buts, la France a vu une équipe nationale qui prend l’initiative dans le jeu, essaye de construire ses actions depuis sa défense et « respecte le ballon » , comme disent les Espagnols. Si les statistiques de possession de balle sont peu intéressantes, l’équipe de Blanc termine 3e en nombre de tirs cadrés par match, en nombre de passes réussies (et tentées) et en nombre de corners obtenus. Avec l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie, les Bleus ont fait partie des équipes qui prennent le jeu à leur compte. Comme on le dit vulgairement, « une équipe qui joue collectif » . Et c’est déjà une réussite considérable. Pour s’en rendre compte, il suffit de demander aux Anglais ou aux Néerlandais s’il est facile de créer du jeu.
4) Ne pas copier le tiqui-taca !
Il est impossible de reproduire le jeu de l’Espagne à moins de changer tout le système et la philosophie du football français et, après tout, cela n’est absolument pas nécessaire. La France n’a pas cette patience qui pousse Iniesta à avorter des contre-attaques que Ribéry aurait dévorées ou qui permet à Xavi d’être applaudi pour avoir enchaîné une centaine de passes en retrait, alors que Alou Diarra se ferait insulter de ne pas jouer vers l’avant. Une culture footballistique si particulière ne s’acquiert pas en deux ans. Et à l’heure où les Espagnols se demandent si ce style de jeu doit être conservé, il faudrait peut-être se poser des questions. Mettre le contrôle du ballon au centre du jeu, comme l’Italie et l’Allemagne, semble une évidence. Calquer le tiqui-taca, surtout pas.
5) L’équipe de France a besoin d’un plan B
Beaucoup de mouvement, un milieu de terrain qui contrôle plus qu’il ne lance et des attaquants qui jouent plus qu’ils ne marquent. Le plan A de Blanc est une option valable parmi d’autres. Seulement, dans plusieurs situations, et notamment face à l’Angleterre en poule, les Bleus ont eu besoin d’un plan B. L’Italie a Di Natale pour la profondeur. L’Espagne a Navas et Pedro pour élargir le terrain. Prévisible et sous contrôle, le jeu français devient stérile. On aurait aimé voir une option de jeu plus directe avec l’entrée de Giroud sur une longue période.
6) Benzema doit évoluer derrière un avant-centre
Benzema est un grand joueur, il est arrivé à maturité tactiquement, notamment avec l’aide de Mourinho, et il sait exactement ce qu’il fait sur le terrain, avec le Real et avec les Bleus. Que ce soit pour être plus attractif, pour animer le jeu français ou alors pour faire comprendre à Blanc qu’il aime jouer en retrait d’un attaquant fixe, Benzema nous a montré à tous qu’il doit jouer neuf et demi (ce qui ne veut pas dire 10). À Laurent Blanc de lui trouver un partenaire d’attaque capable de recevoir ses passes décisives ou de lui remettre des déviations.
7) Une équipe trop jeune tactiquement
Au contraire de la génération qui a tout gagné, ces Bleus-là n’ont pas grandi dans le football italien. Balotelli aussi sait jouer loin du but adverse, sur l’aile ou en retrait d’une pointe, mais quand Prandelli lui dit qu’il devra jouer et rester en pointe, il le fait. La culture tactique des joueurs français en général s’est perdue au fil des années : la faute d’Évra contre l’Angleterre, le marquage de Diarra sur Lescott, le repli de Malouda et M’Vila sur le premier but d’Alonso et enfin un semblant de désorganisation devant (qui est peut-être voulu par Blanc). Une stabilité au sein du staff est nécessaire, tout comme un gain d’expérience.
8) Un manque d’envie ou de prise de risque ?
Si Blanc n’aurait pas vraiment pu changer le cours du match quand la France perdait (que ce soit contre la Suède ou l’Espagne), on peut lui reprocher un manque de folie face aux Anglais. Sans oublier que le mister a fait le choix d’emmener plus de gardiens que d’attaquants. Mais surtout, c’est dans le jeu que l’on peut regretter un manque de prise de risque. Les joueurs français ont été signalés hors-jeu seulement cinq fois en quatre matchs et n’ont subi que neuf fautes par match, le total le plus bas de tous les participants (soit une toutes les dix minutes). Pour éviter de tomber dans le système de pensée franco-français presque martyrisant du « de toute manière ils s’en fichent de nous, ces sales gosses riches et mal-élevés » que l’on voit depuis maintenant quatre ans et qui a finalement concerné une bonne cinquantaine de joueurs aux profils pourtant très différents, on peut dire que les Bleus n’avaient pas la sécurité mentale suffisante pour jouer libérés. Espérons que le climat médiatique soit suffisamment serein d’ici 2014 pour se concentrer sur le terrain. On va se mettre à exiger une nouvelle génération tous les deux ans, sérieusement ?
Par Markus Kaufmann et Ruggero Lambertini
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