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Les 50 joueurs qui ont écrit l’histoire du FC Sochaux (2e)
Arrivé à Sochaux à la fin des années 1990, Michaël Isabey est progressivement devenu un repère de la Ligue 1 des années 2000 et une icône de Bonal. Au point de truster une place de dauphin des joueurs qui ont marqué l'histoire du club. Entretien.
#2 - Michaël Isabey
Tu es né à Pontarlier, dans le Doubs. Tu te rappelles la première fois où on t’a parlé du FC Sochaux ? Je m’en souviens bien, oui… Sochaux a toujours été le club phare de la région, donc quand on était plus jeunes, qu’on était passionnés de football, on connaissait forcément. Je pense que je l’ai connu très tôt, à partir de mes sept ans. Je me souviens aussi qu’en 1988, lorsque Sochaux va en finale de Coupe de France contre le FC Metz (1-1, défaite aux tirs au but, ndlr), ils étaient venus gagner à Pontarlier lors du septième tour (4-0). Il y avait toute la bande : Sauzée, Paille, Rousset, Morin… Ce jour-là, j’étais ramasseur de balles. J’avais douze ans et je pense que c’est là que tout a commencé. C’est aussi l’époque où j’ai commencé à aller au stade.
Tu te souviens de ta première fois à Bonal ? Il me semble que c’était contre Montpellier, tribune Forge, avec la belle pelouse. Mon père n’était pas forcément supporter, mais on suivait les résultats tous les week-ends. On allait au stade deux-trois fois dans l’année quoi.
Quand le club vient te chercher, tu as une vingtaine d’années, tu es étudiant à Besançon… Être footballeur professionnel, dans ta tête, c’est quelque chose qui est devenu impossible ? J’ai toujours rêvé d’être footballeur, mais si tu veux, quand j’étais en sport-études à Besançon, la plupart de ceux qui étaient avec moi partaient en centre de formation, que ce soit à Lyon, à Sochaux, à Strasbourg… mais moi, je n’avais pas réussi à intégrer de centre. Après la troisième, pour moi, mon rêve s’est un peu effacé. Je me suis focalisé sur mes études, je suis allé à la fac tout en essayant de continuer à jouer à côté, à Besançon. Le déclic, c’est quand j’ai intégré l’équipe première. C’est là où Faruk Hadžibegić et Jacky Nardin m’ont trouvé.
Tu te rappelles cette rencontre ? En fait, ils ne m’ont pas trop rencontré… (rires). À l’époque, je jouais en National avec Besançon. Forcément, ils suivaient les matchs de la région, surtout qu’on tournait pas mal. Et, un jour, ils ont téléphoné à la maison, mon épouse a répondu et voilà.
Tu te dis quoi à ce moment-là ? Pour moi, exister en tant que footballeur professionnel, ce n’était plus possible. Je pensais jouer en National, vivre une aventure avec Besançon… Durant mes jeunes années, je n’avais pas vraiment connu de sollicitations donc je ne savais pas trop non plus où j’allais. Qu’ils me contactent, ça a forcément été un changement radical.
Qu’est-ce qu’il te manquait principalement pour qu’on te repère ? Ma taille, je pense (rires). J’étais assez petit à cet âge-là, ça n’a pas trop changé d’ailleurs, mais je pense que c’est avant tout ma taille qui a été un frein pour intégrer un centre de formation. Après, je pense que j’ai eu la chance de vivre à la fois l’adolescence de tous les autres enfants et d’être ensuite footballeur professionnel, ce que rêvent tous les gamins du centre de formation. Je sais que certains allaient dans un centre de formation, qu’ils ne finissaient pas professionnels et qu’ils n’avaient pas eu une vraie adolescence…
Justement, quand on arrive d’un club de National, qu’on débarque dans un club professionnel, le premier matin, c’est aussi un choc radical ?
Je me souviens que j’étais parti très tôt de Besançon pour être à l’heure à l’entraînement. Je n’avais pas encore trouvé d’appartement à Sochaux, donc je devais faire les allers-retours. Le premier jour, je suis allé dans les tribunes du stade Bonal, il était vide et j’ai rêvé, quoi. C’est vrai qu’au début, il y a forcément un peu de timidité, de découverte. Il faut prendre ses repères, mais j’ai l’impression que la journée a été très longue. J’ai profité de chaque instant.
Il y a des mecs qui t’impressionnaient ? Quand j’étais plus jeune, mes idoles étaient Sauzée, Paille… les mecs qui faisaient la une de France Foot, L’Équipe… Après, c’est vrai que quand j’intègre l’équipe, il y a Olivier Baudry par exemple. Sur le banc, il y a aussi Faruk Hadžibegić, qui a marqué l’histoire du club, donc c’est forcément impressionnant. Oui, les voir de près, c’était fort.
Jouer pour un club qui appartenait à l’époque encore à Peugeot avec tout ce que ça comporte, ça te touchait ? En fait, c’est grâce à eux que j’ai fait une carrière à Sochaux. Pour moi, c’était une chance d’être là, je n’avais pas le droit de la laisser passer. Chaque année, on allait visiter l’usine et voir les employés, la difficulté de leur travail, c’était quelque chose de fort. Si tu veux, j’ai essayé de donner autant sur le terrain que les ouvriers derrière leur machine. J’avais l’impression de jouer un peu pour eux. Quand tu joues à Sochaux, tu es intégré à tout ça, donc je me disais que quand les ouvriers venaient à Bonal le week-end, c’était pour voir des mecs qui donnaient le maximum, comme eux pouvaient le faire pour Peugeot la semaine.
La semaine, avec les supporters, ça se passait comment ? Il y avait des supporters présents tous les jours derrière nous. Ils travaillaient le matin, venaient à l’entraînement juste derrière… On partageait des choses, forcément.
Toi, tu n’as jamais vraiment fait la une des journaux. Tu étais très bon et discret, c’est quelque chose qui te convenait ? Bon, ça fait toujours plaisir d’être à la Une des journaux hein (rires), mais ce n’est pas ce que je recherchais. Je cherchais avant tout les résultats de l’équipe. Jouer avec Pagis, avec Oruma, Frau, Pedretti, Mathieu, c’était ma fierté, comme d’avoir fait partie des années 2000 du FC Sochaux qui ont été, je pense, de bonnes années. Être dans l’ombre, ça ne me dérangeait pas, au contraire. D’autres joueurs étaient là pour être en haut de l’affiche.
Beaucoup de joueurs de cette génération évoquent l’importance de Jean Fernandez. Tu l’as vu comment, toi ? Tous les entraîneurs qui sont passés à Sochaux m’ont apporté quelque chose, mais c’est vrai que Jean Fernandez, par ses relations humaines, était très fort. Il m’a fait rapidement confiance, tout le monde le portait dans son cœur. Guy Lacombe a également été essentiel dans la progression collective de l’équipe. Avoir eu ces deux entraîneurs à la suite a été un vrai levier pour nous.
Tu aurais pensé un jour te retrouver face à l’Inter, à Dortmund ? Non, à aucun moment. J’en rêvais, j’ai pu l’imaginer, mais le vivre en vrai… Le truc, c’est qu’à Sochaux, au fil des années, on progressait, on avançait et jouer les grandes équipes d’Europe était devenu un objectif.
Au total, tu as joué 370 matchs à Sochaux. Si tu devais n’en garder qu’un, ce serait lequel ? Peut-être notre victoire à Martigues (2-1), en mai 1998, qui nous permet de terminer troisièmes de D2 et de monter en première division. En plus, ce jour-là, je marque le but de la victoire. Première année, première montée en D1, c’est un match qui est gravé dans ma mémoire, surtout qu’il est arrivé rapidement.
On a l’impression que rien ne s’est fini comme ça aurait dû se finir avec Sochaux. Qu’est-ce qui fait qu’à un moment l’histoire s’arrête ? C’est vrai qu’à partir du moment où je suis quelqu’un de fidèle, que je suis de la région,
que Sochaux en est le club phare, je voulais continuer à jouer pour ce maillot et j’espérais aussi une reconversion au club. J’avais envie d’y transmettre ce que j’avais appris. Le football est comme ça. Parfois, à un moment donné, certaines personnes prennent des responsabilités et font qu’on ne peut pas rester. Ça a été une déception, c’est clair même si, bien sûr, je continue à suivre les résultats de Sochaux aujourd’hui. C’est dommageable.
La Coupe de France 2007, c’est aussi la cicatrice qui n’arrive pas à se refermer ? Oui, la finale… En fait, ça a été difficile parce que mon premier vrai souvenir, c’est cette défaite en finale de la Coupe de France 1988. En 2007, on est en finale et, pour moi, c’était un rêve. Je rêvais de la Coupe de France, mais ce rêve ne s’est pas réalisé parce que monsieur Perrin a décidé de ne pas me prendre dans le groupe pour diverses raisons. C’est certain que ça a été ma plus grosse déception.
La Coupe de la Ligue, ça n’a pas la même saveur ? On va dire que la Coupe de France, c’est emblématique, tout le monde rêve de la gagner. La Coupe de la Ligue, c’est différent, plus rapide… C’est bien de la gagner, ça reste un trophée, ça a été aussi quelque chose de fort, mais la Coupe de France a toujours été différente au niveau des émotions.
Aujourd’hui, Sochaux a complètement changé. C’est un truc qui te fait mal ? Bien sûr, on est toujours nostalgique. On aimerait que les choses ne changent pas, que ça reste un club familial, qu’il conserve ses valeurs, qu’il y ait encore cette âme dans la formation… Il y a de nouveaux dirigeants, on ne sait pas trop ce qu’ils veulent faire donc, forcément, ça me dérange un petit peu. J’espère quand même qu’un jour, ils réussiront ce qu’ils souhaitent entreprendre. Sochaux, c’est un club auquel on s’attache rapidement et beaucoup de personnes y sont aujourd’hui attachées. Peugeot reviendra peut-être un jour pour retrouver de belles émotions.
C’est difficile de se détacher de ce club ? Personnellement, c’est le club qui m’a fait découvrir le haut niveau, où j’ai gagné des trophées, mes quatre enfants sont nés à Montbéliard, c’est forcément une grande partie de ma vie. C’est un club historique et j’espère qu’il va y rester pour la vie.
Propos recueillis par Maxime Brigand