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Les 50 joueurs qui ont écrit l’histoire du FC Nantes (du 14e au 7e)
Club historique de l'élite française, le FC Nantes a imprimé sa marqué au milieu des années 1960, sans jamais quitter la première division pendant 44 saisons, jusqu'à ce que la Socpresse ne vienne y mettre son nez. Voici les joueurs qui ont marqué toutes ces années canaris, avec les meilleurs, les tout meilleurs, mais aussi les plus marquants des joueurs, bons ou pas.
#14 - Jorge Burruchaga
Burruchaga : « Je pensais faire mes premiers pas en France, puis rejoindre le championnat italien… »
Jorge Burruchaga a craqué après trois années de cour assidue de la part de Nantes, friand de la filière argentine. Arrivé en 1985, champion du monde une année plus tard, Jorge est resté sept années sur les bords de l’Erdre, qu’il raconte ci-dessous.
Comment les contacts avec Nantes ont démarré ?
Ils venaient tous les ans en Argentine. Ils avaient l’habitude de faire venir des joueurs argentins, avec (Oscar) Muller, (Hugo) Bargas, (Enzo) Trossero. En 1982, en 1983, en 1984, Nantes est le club qui s’est le plus manifesté. J’aurais pu y aller plus tôt, mais Independiente voulait gagner la Libertadores et ne voulait pas me laisser filer. Il y avait aussi eu des contacts avec le Real Madrid quand l’entraîneur était Di Stéfano, mais ça ne s’est jamais fait. En 1984, on fait un tour entre la Suisse, la Belgique et l’Allemagne, et les dirigeants de Nantes étaient encore là, ils insistaient. À ce moment, à Independiente, il y avait Enzo Trossero, qui avait joué à Nantes (entre 1979 et 1981, ndlr) et qui me racontait plein de belles choses sur ce club. La philosophie de jeu de l’équipe me correspondait, et finalement, au niveau européen, ça a toujours été la piste la plus concrète.
Tu sembles avoir longtemps médité la question.
Oui, car la décision était difficile à prendre. On était en 1985, avec la sélection, on venait de se qualifier pour le Mondial, et Bilardo est venu me dire : « La Coupe du monde est dans un an, le football français est différent, difficile, attention à ne pas perdre ta place. » Tu imagines bien que ça fait réfléchir. Mais dans la vie, il faut prendre des décisions. J’avais déjà dû dire non à deux reprises, et après de longues discussions avec ma famille, j’ai décidé d’accepter. Et puis bon, je savais quand même que je rejoignais l’un des meilleurs championnats d’Europe. À cette époque, Platini était à la Juve, mais sinon tous les meilleurs joueurs français évoluaient dans le championnat de France.
Qu’est-ce qui attire ton attention quand tu arrives à Nantes ?
Tout. Mais un truc en particulier : il fallait que chacun amène ses propres affaires de foot, et qu’il les lave chez lui. C’était différent d’Independiente, où le club s’occupait de tout, mais l’idée était de responsabiliser les joueurs.
Le club était tel qu’on te l’avait décrit ?
Tout ce que m’avait dit Enzo Trossero était exact. Les supporters, les infrastructures, la philosophie de jeu. Finalement, mon adaptation a été très facile. J’étais titulaire, j’ai marqué dix buts la première saison, sans tirer de penalty ni de coup franc, on termine deuxièmes en championnat, on fait un bon parcours en Coupe de l’UEFA (élimination en quarts contre l’Inter, ndlr). Le seul souci, c’était la communication, mais Antoine Kombouaré parlait un peu espagnol, Vincent Bracigliano parlait un peu italien. Je m’appuyais sur eux.
Cette philosophie de jeu dont tu parles, en quoi te correspondait-elle ?
Nantes était une école de foot qui attirait l’attention à cette époque. C’était une sorte d’avant-garde du football. J’aimais ce football simple, offensif, dynamique, cette perpétuelle mobilité que réclamait Suaudeau. Il correspondait à mes qualités, a facilité mon intégration dans l’équipe et m’a fait progresser, notamment sur le plan collectif.
Ton plan de carrière, c’était triompher à Nantes et rejoindre un grand d’Europe ?
Je voulais rester un moment en Europe. Mais à cette époque, c’était compliqué pour nous, avec les deux places d’étranger par équipe. Moi quand j’arrive à Nantes, Victor Ramos, un autre Argentin, doit s’en aller à Toulon, parce qu’il y avait aussi Vahid Halilhodžić dans l’effectif. Honnêtement, je pensais faire mes premiers pas en France, puis rejoindre le championnat italien, qui m’attirait beaucoup. Mais ça ne s’est jamais fait.
Pourtant, un an après ton arrivée à Nantes, tu te fais remarquer lors du Mondial mexicain.
Oui, mais j’étais en France depuis un an seulement, ma première saison s’était très bien passée et je me sentais à l’aise. À un moment, il y a eu des contacts avec la Sampdoria, mais ça n’est pas allé plus loin.
À ton retour à Nantes, José Touré, Ayache et Halilhodžić, trois joueurs majeurs de l’équipe, ne sont plus là.
Oui, Nantes entre dans une époque compliquée. Les problèmes économiques, le changement de direction. Le nouveau président (Max Bouyer, ndlr) veut du neuf, des noms importants. Mais l’équipe ne tourne pas. En 1988, il remplace Suaudeau par le Croate là, je ne me souviens plus de son nom (Miroslav Blažević, ndlr). Une grande escroquerie du football, celui-là.
C’est-à-dire ?
Il a eu une grande influence sur le club, alors que sa mentalité ne collait pas du tout. Moi, je me rendais compte de ses mensonges, de sa malice, parce que nous les Argentins, on est habitués à ce genre de personnage. Mais vous les Français, vous êtes ingénus. Au club, ils croyaient tout ce qu’il racontait, tout ce qu’il promettait. Typique des gens de l’ex-Yougoslavie, qui te parlent, te parlent et t’entourloupent. Le président s’est fait avoir et l’a fait venir. Alors d’accord, il fait 3e avec la Croatie lors du Mondial 1998, mais à Nantes, il ne nous a rien appris.
À cette époque, avec les arrivées de Johnston et Vercauteren, il n’y a plus de place d’étranger pour toi.
Moi, j’étais blessé. Je me fais le genou une première fois en 1987, je reviens, et je rechute. Le club m’a donc fait signer un contrat amateur pour laisser une place à l’un des deux. Au début, ce n’était pas facile à accepter, mais j’ai compris la logique. Je ne pouvais pas jouer de toute façon, donc il n’y avait pas de quoi se prendre la tête.
Un contrat amateur avec la même rémunération ?
Bien sûr, sinon je n’aurais pas accepté.
Que fais-tu pendant presque deux ans d’absence ?
Je reste à Nantes, où je me fais opérer les deux fois, et où je fais toute ma rééducation. C’est long, deux ans. C’est dur de continuer à exister. Mais ma vie a toujours été comme ça. J’ai dû lutter, surmonter des épreuves, passer par des périodes compliquées. J’ai réussi à rejouer deux mois avant la Copa América de 1989, et Bilardo m’a sélectionné, même si je n’étais pas en forme physiquement.
Après la Coupe du monde, c’est N’Doram, un nouveau joueur étranger, qui arrive à Nantes.
Mais c’est encore lié à mes blessures. Je reviens du Mondial et je reprends tout de suite à Nantes. En tout, entre le club, les Mondiaux et les Copa América, cela faisait 7 ans que je n’avais pas eu de vacances, de temps de décompression. Et cette saison 1990-1991, au bout de deux semaines, lors d’un match à Bordeaux, bim, troisième blessure. C’est là qu’arrive N’Doram. Et je pars de Nantes parce que le club décide de miser sur les jeunes pour réduire le budget. Valenciennes me propose un bon salaire, le projet me plaisait. On réussit à se maintenir, j’apporte beaucoup, et bon… ça se termine mal.
Propos recueillis par Léo Ruiz, notre gars sûr à Buenos Aires, interview publiée chez nos confrères de Ouest-France en mai 2014.
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
#13 - Nicolas Ouédec
« Coco ? Gros, gros chambreur » , affirme Nicolas Ouédec qui, pendant dix ans, de 1986 au centre de formation jusqu’à 1996 et son départ pour l’Espanyol de Barcelone, se fera surnommer « Gros Nico » par son entraîneur. La raison ? Alors que Ouédec, 17 ans, rondouillard, acnéique – « je n’étais pas très bien dans mon adolescence » – et victime d’une périostite au tibia, se fait plâtrer la jambe par le médecin historique du club, Fabrice Bryand, Coco débarque dans la salle de soins. « Eh toi, petit gros, tu as intérêt à te bouger le cul, sinon tu ne passeras pas en professionnel et tu vas aller voir en D2 du côté d’Ancenis » , assène-t-il à l’adolescent. « Gros Nico » n’ira jamais à Ancenis. Au contraire, il écrira l’une des plus belles pages de l’histoire du FCN avec un titre de champion de France en 1994-1995 et celui de meilleur buteur avec 20 buts. D’ailleurs, « Gros Nico » est le meilleur buteur de l’histoire du club en Coupe d’Europe, avec 14 buts. Pas mal pour un joueur qui décroche beaucoup trop, tandis que son compère d’attaque, Patrice Loko, prend la profondeur. « À chaque fois, c’était : « Toi aussi, fais des courses en profondeur, Gros Nico. » » Au fond de lui, « Gros Nico » bouillonne. Mais ne dit rien. Car toujours au fond de lui, il sait que c’est pour son bien. « Il avait cette façon de non-encourager, oui ! Il ne prenait pas de gants. Bon, entre guillemets, ça voulait dire : « Je compte sur toi, mais j’ai absolument envie que tu deviennes ce que j’ai envie que tu deviennes. » » « Gros Nico » marque une pause. « Là, je sors une phrase à la Coco. Il a trop déteint sur moi ! » On appelle ça la digestion.
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
#12 - Nestor Fabbri
Venu avec Diego Bustos au FC Nantes, le meilleur buteur des deux n’aura pas été celui auquel on pouvait s’attendre. Rapidement blessé, Bustos devient un gimmick de blague facile. Fabbri, lui, prend le surnom d’El Presidente pour sa domination sans partage au cœur de la défense et dans les airs. Son jeu de tête devient une arme de choix pour les Nantais, sur coups de pied arrêtés notamment. En 116 matchs de championnat, il marque neuf fois. Avec un malin plaisir à surgir quand il s’agit de battre Rennes, contre lequel il marque trois fois. Alors logiquement, en fin de rencontre pendant les matchs de Coupe, Nestor Fabbri n’hésite plus à jouer les avants-centres de luxe pour arracher quelques qualifs en apportant le surnombre. Ce n’est pas un hasard si avec Nestor dans ses rangs, le FCNA a pu choper deux coupes de France à la suite : tout est dans la tête.
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
#11 - Patrice Loko
Samedi 27 mai 1995, le FCN est officiellement champion de France après une victoire 2 buts à 1 contre l’AS Cannes. Le lendemain, en fin de matinée, Téléfoot (TF1) ne parle évidemment que de ça, avec un plateau délocalisé à la Jonelière. Une émission spéciale FC Nantes au cours de laquelle est diffusé, entre une interview et des images de matchs, un clip vidéo. Celui de la chanson Only you, composée en 1955 par The Platters. À l’écran, N’Doram, Capron, Makelele et Karembeu, fagotés comme des pingouins d’un costume noir et blanc et d’un nœud papillon, font les choeurs en arrière-plan. Devant eux, au micro, Patrice Loko chante en play-back. Une reprise en hommage à leur entraîneur, Coco. Et une reprise aujourd’hui culte sur les Internets. « Les mecs de Téléfoot ont demandé aux joueurs qui voulait faire le truc, et on s’est proposés, nous les blacks, car on aimait bien s’amuser, se marre Loko, désigné par les autres comme le chanteur parce que personne ne voulait le faire et parce qu’il était « le plus ancien de la bande » . Aucun regret. « Franchement, je l’ai revue il n’y a pas longtemps, et je trouve que je me suis bien démerdé. » Surtout en une seule prise, de quinze minutes, tournée au premier étage du bâtiment administratif de la Jonelière, dans la grande salle de réception. L’un des rares interludes musicaux du centre d’entraînement nantais. « À l’époque, on n’écoutait pas de musique dans les vestiaires, rembobine Loko. C’était pas dans les mœurs, il n’y avait pas de portable, tout ça. Mais on écoutait de la funky music et de la new wave, genre Depeche Mode, dans la salle des kinés. Et puis lors de déplacements, évidemment, dans nos walkmans. Vous savez, un footballeur est toujours jeune dans sa tête : il écoute de la musique, il a des copines et va en boîte de nuit – toujours après les matchs, hein. » Finalement, cette initiative a bien fait rire – voire touché – Jean-Claude Suaudeau, bien plus « drôle, sympa et chambreur dans la vie qu’on le croit » . En revanche, difficile pour Patrice de savoir ce qu’écoutait Coco. « Je ne suis jamais allé dans sa chambre, faut pas pousser, oh. »
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
#10 - Bernard Blanchet
L’imaginaire collectif l’oublie peut-être, mais le meilleur buteur de l’histoire du FC Nantes en championnat ne s’appelle pas Vahid, Philippe, José, Nicolas ou Viorel, mais bien Bernard, Bernard Blanchet, avec 111 buts au compteur. « Avec le recul, cela me paraît logique, car j’ai joué 11 saisons avec le FCN, pondère-t-il. Je pense même être tranquille un petit moment avec ce record, car aujourd’hui, les joueurs ne restent plus aussi longtemps dans un même club. Et je ne tirais même pas les penaltys. Je ne les aurais peut-être pas mis d’ailleurs. » . Premier joueur issu des premiers stages de détection formalisés par José Arribas à Nantes, Bernard Blanchet arrive en 1961, à 16 ans, du Croisic alors qu’il se voyait plutôt embrasser une carrière « d’ajusteur sur les Chantiers de l’Atlantique de Saint-Nazaire » , et habite dans une famille d’accueil, avec Le Chenadec. Devenu rapidement le chouchou du groupe, car le plus jeune, Blanchet se plie en quatre pour faire sa place au sein des grands : « Je portais la boîte à pharmacie et s’il avait fallu cirer les godasses de mes partenaires, je l’aurais fait. Maintenant, cela a beaucoup changé… »
Cette étiquette de rookie ne tiendra pas longtemps puisque Blanchet, après quelques matchs chez les Juniors ou la réserve, devient titulaire lors de la saison 1962-1963, en tant qu’ailier droit. Cette saison reste d’ailleurs son plus beau souvenir à Nantes : « C’était la surprise pour tout le monde de monter en D1. Nantes n’y était jamais allé. C’était un événement exceptionnel. » Champion du monde militaire en 1964 où il sortira avec le surnom de « La Blaouette » , un poisson réputé pour percer les filets, intenable sur son côté droit, jamais avare d’efforts, de petits dribbles, de centres, de buts et d’évitement – « j’étais vif et je tombais souvent avant de me faire mal » -, Bernard Blanchet deviendra international français, mais pas dans la meilleure des périodes (grande valse de sélectionneurs). Il aidera surtout le FC Nantes à garnir sa vitrine à trophées avec 3 D1 (1965, 1966 et 1973). Pour le titre de 1973, il sera d’ailleurs, avec Gaby De Michèle, un des deux derniers rescapés du titre de 1966.
Propos de Blanchet recueillis dans le livre FC Nantes : une équipe, une légende, de Yannick Batard
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
#9 - Jean-Paul Bertrand-Demanes
Parmi les 650 matchs du grand Bertrand-Demanes avec le FC Nantes, la double confrontation avec le Legia Varsovie est sans doute la plus dingue pour le portier. Au match aller, les Nantais concèdent le match nul 2-2… à Saupin. Le résultat rappelle les mauvais souvenirs de l’élimination un an plus tôt en C1 par les Danois de Vejle. À Varsovie, les Nantais prennent le bouillon. Car si Nantes mène 1-0 grâce à Rampillon, le Legia paraît bien meilleur et fait le siège du but adverse. « Ce fut Fort Alamo devant mon but, une bagarre de tranchées » , raconte Bertrand-Demanes dans L’Équipe. Une comparaison qui prend sens avec sa blessure « au 4e métacarpien de la main gauche » à dix minutes de la fin. Strappé en vitesse, le gardien doit rester en place : il n’a pas de remplaçant. La lutte devient terrible, mais il tient bon pour la qualif jusqu’au coup de sifflet final. Ce n’est qu’un 32e de finale ? Cela n’empêche pas les Nantais d’exulter. Ils n’en reviennent pas d’avoir tenu le coup et de passer au tour suivant. Dans l’excitation, Bertrand-Demanes retrouve Henri Michel et… broute la pelouse de Varsovie avec lui. Une victoire qui rend chèvre.
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
#8 - Reynald Pedros
Mai 1997. L’US Beaugency, club du Loiret, organise son tournoi U13. En finale, l’AAJ Blois perd contre le club organisateur (2-0), mais l’essentiel est ailleurs. La remise des récompenses accueille un guest de choix : Reynald Pedros. Arrivé après le dernier coup de sifflet dans un coupé-cabriolet Mercedes gris, avec sa nouvelle copine, Reynald revient dans son tout premier club. La foule se masse autour de lui, Reynald envoie de l’autographe à tour de bras, madame le déleste même de quelques signatures. Reynald est une star ici, d’autant plus dans une région centre (36, 37, 41, 45) qui n’en avait pas réellement eu depuis José Touré, l’enfant de Blois, une région en manque de locomotive en Ligue 1 aussi. Alors les gamins profitent. Reynald n’est vraiment pas n’importe qui. International français, meilleur passeur de D1 deux fois de suite (1994 et 1995), des coups de canon contre le FC Porto, le coup de tronche contre le Spartak Moscou, le caractère qu’il dément avoir eu mauvais, les cheveux au carré mi-long, le pied gauche soyeux, les courses dans l’espace, les combinaisons infernales avec Loko, Ouédec et N’Doram, le passeur génial du but d’anthologie de Patrice Loko contre le PSG… En 2015, nous avions rencontré Reynald Pedros, pour une longue interview croisée avec Patrice Loko et Nicolas Ouédec, à l’occasion du 20e anniversaire du titre de 1995, publiée dans le magazine So Foot #125. Tout n’avait pu être publié. Voici quelques lignes supplémentaires, pour la plupart exclusives, qui passent bijou.
Première chose : t’étais un caractériel ou pas ?
C’est faux. Y en a beaucoup, même des entraîneurs, qui se sont servis de cette image pour me faire passer pour un petit con, un casse-couille, un mec qui s’intégrait pas. Mais j’ai jamais eu un problème dans un groupe, aucun souci de comportement. Alors oui, j’ai un caractère bien trempé, mais parce que j’ai des convictions, je ne me laisse pas marcher sur les pieds. Si j’ai pas compris et qu’on m’explique, c’est bon. Si on m’explique pas ou qu’on me raconte des bobards, ça me va pas. C’est comme ça. Mais je suis loin d’être un caractériel.
Le rapport avec la presse était délicat en tout cas.
Normal, parce que je ne pouvais pas les blairer, j’avais énormément de mal, je me protégeais pas mal. Ce n’était pas la notoriété qui me posait problème, ni les critiques, ou pas, sur les matchs. Ça ne restait que du foot. Ce qui m’embêtait, c’était les rapprochements entre le terrain et la vie privée, perso. Je trouvais ça très réducteur, et même si ça avait été le cas, voilà, ça ne les regardait pas. Et ensuite, parce que tu ne voulais pas leur parler, tu t’exposais à leur méchanceté. J’en avais aussi marre de me battre pour que mes propos soient bien retranscrits. Au bout d’un moment, on me disait « oui, mais bon, on n’est pas tous comme ça » . Mais je n’allais pas non plus tenir un calepin, en disant « oui, toi tu t’appelles comment ? » etc. Donc, non, moi ça ne m’intéressait pas, les médias. Je ne courais pas après eux. Pas mal sont venus me chercher des noises sur la vie perso. Si nous, on allait fouiner dans la vie des journalistes en disant « putain ton interview n’est pas bonne aujourd’hui parce que t’es en train de divorcer, t’as pas la garde de tes enfants etc., c’est normal que tu sois pas bon » , le mec va me répondre, et c’est normal, « mais de quoi tu te mêles ? » Moi, c’était pareil. Si j’ai envie de t’en parler, je t’en parle. Voilà. Point barre. Et puis ils disaient des trucs du genre « ils choisissent leur match » , un truc insupportable parce que ce n’est pas la vérité. T’en avais d’autres qui me promettaient de ne parler que de foot et qui finalement, ne me parlaient que de pognon. Moi, ça, ça m’insupporte.
T’as vraiment eu une touche avec Barcelone à la fin de la saison 1995-1996 ?
Je n’y suis pas allé parce que mon ex-femme ne voulait pas y aller. Mon agent m’avait conseillé de ne pas m’engager là-bas si c’était pour partir seul et laisser la famille en France. Pas la peine. Et puis voilà, je vais à Marseille et finalement, trois mois après, je divorce. Bon… Mais ça ne se serait pas mieux passé si elle était restée en France et moi seul à Barcelone hein. C’est comme ça. Des regrets, tu ne peux les avoir qu’après. Et puis Marseille, je n’y suis pas allé non plus par défaut.
Pourquoi tu quittes Nantes, après l’Euro 96 ?
En fait, dès l’année d’avant, juste après le titre de 95, les départs de Patrice (Loko) et Christian (Karembeu) me surprennent. Je suis sûr que c’est aussi pour ça que Coco arrête un an plus tard. Si Christian et Patrice restent, on est champion d’Europe, ou au moins en finale, j’en suis persuadé. Avec 2 ans de vie en plus, quelques moyens, ce groupe arrivé à maturité pouvait faire quelque chose de très très très fort. Quand je pars, moi, l’idée c’est de vivre la même chose qu’à Nantes, mais un cran au-dessus. Comme jouer la Coupe d’Europe tous les ans par exemple. Mais je n’ai jamais réellement trouvé. Je me suis trompé quelque part dans les objectifs que je m’étais fixés parce que je n’ai pas su, moi, m’adapter à la situation. Je voulais absolument que ce soit comme à Nantes, y trouver les mêmes trucs, avec des joueurs comme à Nantes. Je voulais trouver du plaisir, du jeu.
Puisqu’on parle de moyens, c’est aussi la santé financière fragile du club qui te permet de réellement commencer chez les pros. Parce que finalement, tu joues peu de matchs lors de tes deux premières saisons chez les professionnels..
Quand Blažević est arrivé, c’était le jour et la nuit. Il voulait une cassure entre Suaudeau, la formation, et ce que lui proposait. Il voulait faire autre chose. Ça a été un changement radical. Et puis même avec Suaudeau, cela n’a pas été si simple pour me faire une place chez les pros. À mon époque, la Coupe de la Ligue se jouait quand, en gros, les pros partaient en vacances. Donc, à Nantes, c’était le centre de formation qui la jouait. Et je me souviendrai tout le temps ce qu’avait demandé Laurent Guyot, dans le vestiaire, à Coco. « Voilà coach, on sait à peu près tous les problèmes qu’il y a dans le club, est-ce que si vous avez le droit de recruter, vous allez recruter et sinon, qu’est-ce que vous allez faire ? » Et Coco nous a dit très clairement, « si on a l’autorisation de recruter, je recruterai. Sinon, je partirai avec vous. » Donc c’était clair pour nous. Une semaine plus tard, coup de fil, interdiction de recruter sinon on part en Ligue 2. « On part avec vous. » Si des mecs comme Bud ou les autres te disent le contraire, ils mentent parce qu’ils ne savaient pas où ils allaient avec nous. La chance qu’ils ont eus, c’est que ça a fonctionné de suite. Et je me souviens aussi que quelque temps avant cette décision administrative, Coco m’avait dit : « Je sais pas si on va te prêter, t’arrives pas à passer le cap. Comment tu te sens ? » Bah, je lui dis « bien » . « Ouais, mais est-ce que tu n’évoluerais pas plus si on te prêtait dans un autre club ? Est-ce que tu crois que tu peux réussir à Nantes ? » « Oui oui, je vais réussir ici » , je lui réponds. Je m’en souviendrai tout le temps, c’était dans le sauna de la Jonelière. On faisait souvent des saunas où on causait. Et quelque temps après, on repart tous avec les pros. J’estime qu’on a sauvé le club. Voilà. Alors que ce n’était pas évident de leur côté de nous faire confiance. Peut-être qu’on n’avait pas montré les ingrédients suffisants pour qu’ils aient totalement confiance en nous au départ… Comme quoi, une carrière, ça tient à très peu de choses.
Vous étiez tous potes ou pas ?
Non, pas forcément. Chacun avait sa vie. Mais comme on se connaissait depuis le centre de formation, on n’avait pas forcément besoin de plus d’amitiés. Ce qui nous intéressait, c’était ce qu’il se passait sur le terrain. On pouvait parfois s’engueuler, mais que pour des questions de foot, pour un mauvais déplacement, pour une mauvaise passe, des trucs du genre. Donc tu vois, c’est pas du gros gros clash hein.
Propos recueillis par Ronan Boscher et Victor Le Grand, en février 2015.
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
#7 - Vahid Halilhodžić
Fin novembre 2016, déjà en difficulté avant une 15e journée de Ligue 1 où ses joueurs s’apprêtaient à prendre 6-0 à domicile contre Lyon, le coach nantais René Girard se défendait dans 20 Minutes en évoquant un fantôme du passé : « Si vous savez au bout de dix matchs qu’on s’est trompés, moi je ne le sais pas. Vahid, pendant un an, vous l’avez massacré ici, et aujourd’hui, c’est un dieu. » Malgré ses 91 réalisations et ses deux titres de meilleur buteur en quatre saisons, la relation de Vahid Halilhodžić avec le FC Nantes ressemble en effet fortement à des montagnes russes (ou bosniaques). Car avant ces quatre années de grâce, il y a effectivement eu une première saison difficile. Vahid débarque de Mostar, ne parle pas français et n’arrive pas à débloquer son compteur buts. Avant même son premier match, il confie son stress aux journalistes : « J’avoue avoir un peu d’appréhension de paraître en public pour la première fois, à Nantes. Je ne dors pas très bien ces temps-ci, je pense de trop aux buts que je désire marquer. » Il n’en inscrira que sept, cette saison-là, dont deux contre un Bordeaux qui aligne Alain Giresse dans ses buts pour protester contre la suspension de son gardien… Et Vahid, fier, en gardera toujours une rancune contre ses coéquipiers et les dirigeants nantais, coupables selon lui de ne pas l’avoir suffisamment soutenu. Même rancœur en 1994. Reconverti en entraîneur, Vahid finit une saison compliquée à Beauvais, alors que la guerre fait rage dans son pays. Il appelle donc à l’aide son ancien club, où il se verrait bien rebondir. Sauf qu’à l’époque, l’entraîneur des Canaris est un certain Coco Suaudeau, et que Robert Budzynski ne peut lui offrir qu’un poste inédit d’entraîneur des attaquants. Vexé, Halilhodžić refuse. Par la suite, son nom sera évoqué à de nombreuses reprises pour s’asseoir sur le banc du FC Nantes, en 2006, 2011, 2016, mais il ne signera jamais. Dans l’ouvrage FC Nantes, une équipe, une légende, Suaudeau résume ainsi le troisième meilleur buteur de l’histoire du club, qu’il a lui-même propulsé au sommet en 1983 : « Vahid aime démesurément le football, ce qui l’amène parfois à être excessif. »
Aurait pu figurer à cette place : le polyvalent Nicolas Savinaud.
Par Ronan Boscher, Thomas Pitrel, Victor Le Grand et Côme Tessier