- Top 50
- OL
- #1
Les 50 joueurs qui ont écrit l’histoire de l’OL (1er)
De Nilmar à Rémi Garde, de Benzema à Georges Dupraz, voici les 50 joueurs qui ont vraiment marqué l'histoire de l'Olympique lyonnais. Et place au numéro 1: Antônio Augusto Ribeiro Reis Junior, aka Juninho Pernambucano, aka Juninho.
#1 - Juninho
Cher Juni,
Te souviens-tu de ce 20 octobre 2001 ? L’OL accueillait le FC Sochaux de Mickaël Isabey et de ton compatriote Francileudo Santos. J’avais six ans et mes parents avaient décidé de m’emmener pour la première fois dans les travées du stade de Gerland. Les marches de la tribune Jean-Jaurès grimpées à toute berzingue, j’observais la pelouse se dévoiler petit à petit sous mes yeux ébahis avant d’être scotché, frappé par l’immensité du rectangle vert et de ces puissants spots éclairant cette pelouse parfaitement entretenue. Les virages Nord et Sud se sont remplis rapidement et affichaient complet au moment de l’annonce de la composition d’équipe par le speaker Dominique Grégoire. « Numéro 12, Do Brazil, Antonio Augusto Ribeiro Reis… Juninho ! » J’avais déjà vu ta bobine dans l’émission OL Infos diffusée chaque soir à l’époque sur Télé Lyon Métropole, entre deux publicités d’Eric Deflandre pour les magasins Provifruits, mais je ne savais alors pas véritablement qui tu étais. Tu venais de rejoindre Lyon et l’OL, après un long litige extrasportif avec ton ancien club, Vasco da Gama, qui t’avait tenu éloigné des terrains pendant près d’un an. Tu avais choisi Lyon, ma ville, mon club, déclinant ainsi les propositions du Barça et de ton coéquipier en sélection Rivaldo qui s’était pourtant démené pour te persuader de le rejoindre en Catalogne. Tu avais opté pour le championnat de France, convaincu par Bernard Lacombe, qui t’avait repéré au Brésil, et Sonny Anderson et, lors de cette soirée d’octobre 2001, le championnat de France t’a découvert. Alors que les Sochaliens pensaient tenir leur victoire, tu as tiré ce coup franc à la 82e minute, après un semblant de combinaison foireuse avec Pierre Laigle. Le ballon a contourné le mur à toute allure avant d’aller se loger dans le petit filet d’un Vincent Fernandez impuissant. Score final 1-1. Tu venais d’inscrire le premier coup franc de ta carrière lyonnaise, mais dans ma petite tête d’enfant, tu endossais surtout le costume du sauveur qui avait empêché la défaite de mon OL. Une image qui marque à vie.
Cette saison-là, toi avec ton inhabituel numéro 12 dans le dos et tes coéquipiers avez probablement fait vivre aux supporters lyonnais les émotions les plus fortes de leur existence. Lors de cette pluvieuse soirée du 4 mai 2002, cinquante-deux ans après la création du club, treize ans après la remontée en D1 grâce à Kabongo, Bouafia et consorts, l’OL devenait champion de France pour la première fois de son histoire au terme d’une incroyable « finale » pour le titre contre le RC Lens. Un exploit de nouveau réalisé la saison suivante, sous les ordres de Paul Le Guen. Lors de cet exercice 2002-2003, tu as pleinement su imposer ta patte dans le jeu lyonnais, terminant la saison avec 13 buts au compteur, plus que n’importe quel autre joueur de l’effectif. Tu commençais à maîtriser notre langue grâce au travail remarquable de la traductrice du club Isabelle Diaz, mais aussi de tes compatriotes Cláudio Caçapa ou Edmilson, même si tu avais la fâcheuse tendance brésilienne d’omettre tous les « r » dans tes phrases en zone mixte : « J’ai ma’qué but, c’est bien pou’ l’équipe. Il faut continuer à t’availler sur le te’’ain »
Porte drapao
Sauf qu’à la fin de cette saison, Sonny est parti sur la côte espagnole, à Villarreal, laissant un grand vide dans le cœur des supporters des Gones. Sans te cacher, tu as pris la relève, t’imposant comme le leader technique de l’équipe et l’un des patrons du vestiaire, toujours disponible pour les supporters. Je me souviens t’avoir attendu pendant des heures sous le soleil à la sortie de Tola Vologe, espérant agrémenter ma collection d’autographes de ta signature. Arrivé à hauteur des fans à bord de ton imposant véhicule, tu restais de longues minutes pour des photos, dédicaces et poignées de mains chaleureuses avec les supporters. Avec Mahamadou Diarra et Michael Essien à tes côtés, vous formiez alors l’un des milieux de terrain les plus efficaces d’Europe. Hélas, cette génération dorée lyonnaise n’aura jamais réussi à franchir le seuil des quarts de finale de C1, sortie par Porto, le PSV et l’AC Milan entre 2004 et 2006. Un regret probablement éternel pour le compétiteur que tu es.
Si l’Europe s’est refusée à toi, la France t’a accueilli à bras ouverts, en te désignant meilleur joueur du championnat en 2006 et en te nommant à trois reprises dans l’équipe type de la saison. Les amoureux de la Ligue 1 gardent en mémoire cette formidable séquence du « DAJ : Dispositif Anti-Juninho » animée par Jérôme Alonzo et Christophe Revault lors d’une cérémonie des trophées UNFP dans laquelle ces portiers se plaignaient du mauvais traitement que tu leur réservais chaque week-end sur coup de pied arrêté. Ah les coups francs ! Quel bonheur de voir Gerland retenir son souffle à chaque fois qu’un arbitre sifflait une faute pour l’OL dans les 20-30-40 (!) derniers mètres. Il y a ces merveilles contre Oliver Kahn, Víctor Valdés, Iker Casillas, Fabien Barthez, Jérémie Janot qui me reviennent inlassablement en tête. Quel est le plus beau ? Nul ne saurait réellement le dire. Le plus impressionnant ? Probablement celui contre Stéphane Porato à Ajaccio après une course d’élan initiée à quelques pas du rond central. Karim Benzema t’a alors regardé comme le gamin de six ans que j’étais lors de ce Lyon-Sochaux, les yeux incrédules, frappé par la classe et la magie de ton geste. Et sur chaque coup franc qui froissait les filets bien tendus de Gerland, la même explosion de joie, le même sentiment libérateur, le même étonnement, toujours, de te voir réussir dans cet exercice où les gardiens t’attendaient pourtant au tournant et le même chant bien sûr, entonné à pleins poumons par les quatre tribunes de l’enceinte historique de l’OL : « Juninho, la-la-la-la-la, Pernambucano, la-la-la-la-la. » Tu en auras inscrit quarante-quatre au total, sur tes huit saisons lyonnaises.
Lyon, cette ville à laquelle tu as tant apporté, restera aussi cette ville qui t’a tant apporté. Deux de tes trois filles sont nées ici et toutes les trois ont grandi en France, ce pays dont tu es devenu ressortissant en 2007. Cette ville, tu aurais pu la quitter au milieu des années 2000 lorsque les plus grosses écuries européennes se sont intéressées à ton profil. La suite, tu l’as raconté dans les colonnes du Libéro Lyon en 2015 : « En partant dans un autre club à l’étranger, j’aurais touché peut-être un peu plus, mais c’était sensiblement la même chose. J’avais plein de propositions. Puis je me suis dit : « Tout marche pour toi ici. Tes enfants sont nés à Lyon. Est-ce que tu prends le risque de partir pour t’imposer ailleurs ? Ou est-ce que tu choisis de rester dans un club pour en marquer l’histoire ? » J’ai choisi la deuxième solution. J’ai voulu marquer l’histoire de l’OL. Et Lyon a marqué ma vie. » Une dimension historique déjà présente dans une interview accordée à So Foot en octobre 2006 : « J’aime bien l’idée de faire partie de l’histoire d’un club. Les joueurs ne font pas attention à l’histoire de leur club. Moi, ça me permet de m’attacher, d’être plus performant sur le terrain parce que je sais quel maillot je défends. C’est essentiel : le joueur part, mais le club reste. »
T’y vas ou j’y vais ?
Tu es parti au printemps 2009, à l’issue de ton unique saison sans titre entre Rhône et Saône, sous l’ovation des 40 000 spectateurs présents à Gerland, quelques minutes après avoir inscrit ton centième et dernier but avec l’OL. Ton dernier maillot lyonnais, comme un symbole, tu l’auras confié à Bernard Lacombe, un geste très émouvant qui lui aura fait monter les larmes aux yeux. Ces larmes, toi, tu as réussi à les contenir ce 24 mai 2009. Mais au moment d’enregistrer un message pour remercier une dernière fois les supporters sur OLTV avant de t’envoler vers le Qatar, tu as fendu l’armure et éclaté en sanglots avant de conclure : « C’est moi qui vous dis merci à tous parce que c’était magnifique, ces huit années étaient formidables. Merci à tous. Et à bientôt. » Merci pour tout, et à très bientôt, Juni.
Vous vous souvenez de Tony Sylva ?
Par Maxime Feuillet