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Les 50 joueurs qui ont écrit l’histoire de l’OL (1er)
Ancien entraîneur, anciens partenaires, quelques témoins du passage de Juninho à Lyon nous raconte leur vision du Brésilien.
Gérard Houllier
(entraîneur de Lyon de 2005 à 2007)
« Le souvenir que j’ai de lui, c’est non seulement qu’il était un formidable joueur, mais que c’était une personne fabuleuse. Quand vous vous souvenez de vos joueurs après, parfois le côté joueur est plus marquant que d’autres aspects, mais lui, il avait une personnalité avec un charisme tout à fait différent des autres. C’était un leader technique sur le terrain plutôt réservé qui ne parlait pas beaucoup, ça n’était pas un aboyeur, mais quand il disait des choses, c’était toujours bien pesé. À Lyon, il y avait un groupe de leaders, il en faisait partie, c’était le capitaine sur le terrain. La qualité de son professionnalisme, de son jeu et de sa contribution au reste de l’équipe faisait qu’il s’imposait naturellement. C’est un joueur qui avait une grande humilité. Un habile mélange d’ambition et d’humilité. Il était facile à gérer puisque c’était un grand professionnel et un énorme travailleur. Les coups francs, c’étaient des heures de répétition. C’est quelqu’un de gentil, de généreux, d’accessible, un vrai modèle pour le pro d’aujourd’hui. On n’oublie pas un joueur comme Juninho, on n’oublie jamais. Je pense que le club ne l’oubliera jamais non plus. »
Rémy Vercoutre
(gardien à Lyon de 2002 à 2014)
« Mon premier souvenir de Juninho, c’est un match contre Lyon avec Montpellier. Ils doivent nous battre pour pouvoir espérer être champions, nous on lutte pour notre maintien et je sors un gros match. À la fin du match, Juni est en colère, mais vient me féliciter. Quelques semaines après, quand je signe à l’OL, il n’a pas oublié et vient me saluer en me disant : « J’espère que maintenant que tu es avec nous, tu vas être aussi bon que quand tu étais contre nous. » Les entraînements spécifiques sur coups francs, cela s’est fait naturellement. Greg Coupet devait préparer les matchs du week-end, donc il n’avait pas à faire ça, je me suis logiquement proposé. Juni n’était pas dans une logique de travailler jusqu’à épuisement, ce n’était pas son genre. Il ne claquait pas 200 coups francs, mais plutôt une trentaine, avec le souci du détail, de la qualité. Mais cela ne concerne pas que les coups francs, ce dont on se souvient le plus aujourd’hui. Juninho, c’était un travailleur méticuleux, précis, qui faisait ce qui devait être fait. Il a ainsi fait un gros travail de mise à niveau physique à son arrivée en Europe. C’était aussi un joueur qui apportait énormément dans le jeu. Il ne se perdait pas dans des actions susceptibles de lui faire perdre de l’énergie pour les matchs. C’est pour cela qu’il s’adressait à moi pour aller recadrer les joueurs qui ne suivaient pas les règles du groupe. Mais quand il fallait prendre ses responsabilités pour défendre le groupe face à l’entraîneur, régler des problèmes d’équipe, il s’en chargeait. Bernard Lacombe a pleuré au moment de son départ, mais le manque, on l’a ressenti à l’échelle du club, il n’y a pas que Bernard qui a été touché. On perdait un superbe joueur, mais on perdait surtout un superbe mec. »
Jean-Marc Chanelet
(défenseur à Lyon de 2000 à 2003)
« La première image que j’ai, c’est Juninho qui nous rejoint en stage de préparation à Tignes, au mois de juin 2001. Il n’avait pas joué depuis un bout de temps, il lui manquait de la compétition, donc il n’était vraiment pas en jambes. On était en plein travail foncier et j’ai cette image de lui, tout penaud, sur le terrain en train de participer à un petit jeu sans être dans le rythme. Il était très à l’écoute, très concentré. On voyait qu’il avait une très bonne technique, mais la vivacité, la répétition des efforts n’était pas là. On nous avait dit que c’était un grand talent, mais à part Edmilson et Caçapa, on le découvrait tous. Il ne parlait pas un mot, mais il avait toujours le pouce levé pour dire « Ça va, ça va ! » Sonny, Edmi et Caçapa l’ont bien entouré lors de ses débuts, ce qui a bien facilité son intégration. Il a vite pris des cours de français pour arriver à comprendre et se faire comprendre. Il aimait bien recevoir chez lui avec sa famille, à la brésilienne. Je me souviens que ma femme avait sympathisé avec la sienne, donc on était allé deux trois fois chez eux. Mais Juni, il avait aussi ce caractère un petit peu casanier, ça n’était pas quelqu’un qui sortait beaucoup, qui aimait se montrer. Il était là pour travailler et pour réussir. »
Jérémie Bréchet
(défenseur de Lyon de 1998 à 2003)
« C’était vraiment un compétiteur hors norme. Que ce soit en match ou à l’entraînement, il voulait tout le temps gagner, quitte à être parfois un peu mauvais joueur. À ses débuts à l’OL, je me souviens d’une ou deux fois où il n’avait pas été titulaire et il avait bien fait comprendre que ça l’énervait. Pas parce que c’est un mauvais mec, juste parce qu’il aime trop la compétition. Sinon, c’était vraiment un mec très gentil. Un bon gars de vestiaire, toujours avec le sourire. Quelqu’un de tolérant, qui n’hésitait pas à donner des conseils aux jeunes. Mais il était tout de même très exigeant avec tout le monde, ce qui est logique tellement il l’était avec lui-même. Ce qui m’a le plus marqué ? Ses coups francs, forcément. Il mettait une minutie exceptionnelle à les préparer. Et il faisait pareil à l’entraînement, hein. Il prenait le temps qu’il fallait et généralement ça finissait dans la lucarne de Rémy (Vercoutre, ndlr) (rires). Il y a un autre truc qui me vient immédiatement en tête c’est sur les coups d’envoi. À chaque fois, il prenait le ballon, il fixait un mec, partait sur la droite, toujours, et filait tout droit jusqu’à ce qu’il soit bloqué, alors il faisait demi-tour et une passe en retrait. Mais c’était systématique. Et je crois que c’est le seul joueur que j’ai vu faire ça dans toute ma carrière. Je pense qu’il le faisait pour enflammer les supporters et montrer à l’autre équipe qu’on venait vraiment pour mettre la pression. »
Éric Carrière
(milieu de terrain à Lyon de 2001 à 2004)
« Tout le monde se souvient de ses coups francs, bien sûr, mais moi, je me rappelle surtout de sa faculté à garder le ballon et à être précis techniquement. Puis il s’est mis à être de plus en plus décisif dans les matchs. Surtout au fil des années. D’ailleurs, je pense qu’il était vraiment au top lors des saisons 2004-2005 et 2005-2006. Le coup franc qui m’a le plus marqué, c’est celui contre le Bayern de Munich. À quarante mètres, on voit qu’il s’apprête à le tirer direct. Là, dans ma tête, je me dis : « Non, mais attends, tu t’enflammes Juni, c’est quand même Oliver Kahn en face, hein ! » Et puis non, en fait, il ne s’enflamme pas du tout, il te met une lucarne, merci, au revoir (rires). Le truc qui me faisait rire, c’était Joël Bats, à chaque fois que Juni allait frapper, il gueulait : « But ! » Puis il nous regardait et il disait : « Vous voyez, je vous l’avais dit« , ça nous faisait marrer. Il y a des gars, ils font leur match, ils sont bons tant mieux, ils sont nuls tant pis. Juni, lui, il était vachement affecté par ses performances. C’est quelque chose qui lui tenait à cœur. Juni, il avait une combativité énorme, que ce soit à l’entraînement ou en match, il était à fond. Et ça, c’est une grande qualité chez un footballeur. C’était vraiment un grand compétiteur, il allait toujours au bout des choses, il était toujours professionnel. En plus, Juni, c’est quelqu’un qui est très intelligent, donc ça aide pas mal déjà (rires). J’aime bien regarder les joueurs en dehors du cadre sportif, et Juni, il a toujours été super gentil avec les supporters, il était vachement accessible. Et en plus, tu sentais que c’était naturel, qu’il ne se forçait pas à faire ça. »
Florent Balmont
(milieu de terrain formé à Lyon puis professionnel de 2002 à 2004)
« La première image qui me vient à l’esprit, ce sont ses coups francs. Il s’entraînait 2 ou 3 fois par semaine, pas forcément longtemps, mais à chaque fois avec un perfectionnisme impressionnant. C’était souvent Rémy Vercoutre dans les buts, et sur les 15 coups francs qu’il allait tirer, Juninho en plantait facilement 8-9, ce qui est impressionnant. Aucun des jeunes qui essayait de l’imiter n’arrivait à se rapprocher de son niveau, tous très loin. C’est à l’image de Juninho, pas forcément un fanatique de travail, ni un grand bavard, mais quelqu’un qui cherchait à faire les choses parfaitement, avec le souci du détail. Un très grand professionnel. Le joueur le plus talentueux avec qui j’ai été amené à jouer, c’est Eden Hazard, à Lille. Mais le plus grand joueur, c’est probablement Juninho par rapport à son impact à Lyon. Être aussi constant dans la performance, sur une période aussi longue, c’est extraordinaire, le signe d’un professionnalisme et d’une force de caractère immenses. Il a marqué son époque. »
Frédéric Née
(attaquant de Lyon de 2001 à 2003)
« Forcément, je me souviens de ses séances d’entraînement aux coups francs, Rémy Vercoutre prenait cher. Il tirait une dizaine de coups francs, en cadrait au moins les trois quarts, et finalement en marquait la moitié. Pour des coups francs, c’est juste énorme. Mais Juninho, ce n’était pas que cela. C’était surtout un superbe joueur et pour un attaquant comme moi, un régal. Comme Éric Carrière, il savait trouver des passes « cachées », et pour les défenseurs, c’était difficile à défendre. C’était le joueur qui ne perdait quasiment jamais un ballon, au contraire il bonifiait ceux qu’on lui donnait, et surtout, il ne passait pas souvent au travers des matchs. Pourtant au départ, à son arrivée il était en déficit physique, il lui a fallu du temps pour se mettre au niveau physique européen. Mais progressivement il l’a fait et a pris une influence incroyable. Pouvoir être performant aussi longtemps et avec autant de régularité, c’est exceptionnel. Il est arrivé la même année que Ronaldinho au PSG. Il était moins spectaculaire, mais sûrement plus utile à une équipe, pas le genre à privilégier le spectaculaire, mais plutôt l’efficace. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est le meilleur joueur avec qui j’ai joué dans ma carrière, mais il fait partie des meilleurs. »
Frédéric Piquionne
(attaquant de Lyon de 2008 à 2009)
« Je ne l’ai pas côtoyé longtemps, seulement une saison. Donc je ne suis peut-être pas le mieux placé pour en parler, mais d’après ce que j’ai vu cette année-là, c’était un mec généreux, qui aimait vraiment le club, et qui était prêt à tout donner pour lui, justement. Dans la vie de tous les jours, c’est un mec plutôt cool, très souriant. À la brésilienne, quoi. Ce qui était frappant, c’est sa capacité à toujours se donner à fond, il voulait toujours gagner. Peu importe le match ou le petit jeu à l’entraînement, il voulait gagner. Il était toujours à 100%. C’est vrai qu’on parle beaucoup de ses coups francs, mais techniquement c’était un très grand joueur, il n’est pas allé en équipe nationale du Brésil pour rien, hein. À mon avis, l’OL a eu de la chance de le garder si longtemps, car je pense qu’il a dû recevoir des propositions d’autres clubs européens, quand même. Après à cette époque, l’OL jouait chaque année la Ligue des champions, il y avait une belle équipe, donc c’était plus facile pour convaincre un joueur de rester. Et puis la vie lyonnaise est très agréable, donc quand tout se passe bien, tu n’as pas vraiment de raisons de changer. Bien sûr que je me souviens de ses coups francs. En même temps, il les préparait tellement tout le temps, que tu le voyais forcément faire. Les gardiens ne restaient pas toujours à la fin de la séance, et bah même quand il n’y en avait pas, il restait et il prenait le temps de tirer quelques coups francs, juste avec un mur. »
Propos recueillis par Gaspard Manet, Maxime Feuillet et Nicolas Jucha