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Les 50 joueurs qui ont écrit l’histoire de la Lazio (1er)

Par Éric Maggiori et Lucas Duvernet-Coppola

Bomber inoubliable de la Lazio championne d'Italie 1974, Giorgio Chinaglia se classe premier du Top 50 des joueurs ayant écrit l'histoire de la Lazio. Retour sur sa vie, son amour pour la Lazio, ses bagarres, ses caresses, son œuvre.

#1 - Giorgio Chinaglia

Giorgio Chinaglia est mort le dimanche 1er avril 2012 à la suite d’un arrêt cardiaque dans un lit d’hôpital à Naples, en Floride. Mais c’est à Rome que la nouvelle a suscité le plus d’émoi. Pourquoi à Rome ? Parce que plus que n’importe quel autre, Giorgio Chinaglia a passé sa vie à hisser haut les couleurs de la Lazio, voilà pourquoi. En vérité, Chinaglia était le véritable talisman de la première équipe de la capitale. Il était celui qui, entre deux coups de poing assénés à ses adversaires et ces bastos envoyées sur des bouteilles vides lors des mises au vert, avait entraîné ses compagnons vers le succès du premier Scudetto du club en 1974. Celui qui, après un détour par l’Amérique, avait été ce président charismatique capable de déployer une banderole dans le stade pour remercier les supporters de tout l’amour qu’ils lui donnaient : « Vous êtes impayables  » , avaient pu lire les tifosi. Celui qui, au milieu des années 2000, avait tenté de racheter la Lazio, avant de devoir s’exiler définitivement aux États-Unis, cerné par une justice italienne qui l’accusait en vrac d’association de malfaiteur et d’avoir fricoté avec la mafia. Chinaglia ne pouvait plus remettre le pied dans la ville qui l’avait fait roi, sous peine d’être expédié au cachot. Mais pour ses supporters, il restait ce personnage plus gros que la vie qui avait tout donné pour eux, pour le meilleur et pour le pire. Alors, la semaine qui suivit ce dimanche 1er avril fut consacrée à rendre hommage à la mémoire du disparu.

Le jeudi, une messe fut donnée en hommage au grand champion, dans l’église du Sacro Cuore, dans le chic quartier de Prati, au nord de la ville. Deux mille personnes se pressèrent dans le lieu de culte. Parmi eux, des anciens compagnons, des joueurs de l’effectif actuel, et beaucoup d’anonymes. Plusieurs personnes prirent la parole. Dans son prêche, entrecoupé de chauds applaudissements, le prêtre remercia l’ancien footballeur pour avoir, « au-delà du football, fait sentir le peuple biancoceleste plus important et plus confiant dans la vie de tous les jours » . « La Lazio c’était toi, et tu étais à la Lazio » , ajouta en étouffant son sanglot Tony Malco, le compositeur de l’hymne du club et ami de l’ancien joueur. Le samedi d’après, la Lazio recevait le Napoli à l’Olimpico. La veille du match, Edy Reja, l’entraîneur romain de l’époque, avait annoncé la couleur en conférence de presse : « L’esprit de Chinaglia devra nous accompagner pour engranger les trois points. » Pour aider les joueurs dans l’entreprise, le maillot de l’historique numéro neuf fut exhibé avant le coup d’envoi, puis placé à côté du banc de touche. Et, à l’entrée des vingt-deux acteurs, la Curva Nord, le virage des supporters de la Lazio, avait confectionné une énorme chorégraphie à la gloire de son ancien héros. Un même cri, scandé par tout le stade, accompagnait le spectacle : «  Giorgio Chinaglia è il grido di battaglia » , « Giorgio Chinaglia est le cri de guerre » . Comme à la grande époque, quarante ans plus tôt.

Pointure 48

Après une enfance passée au pays de Galles, où sa famille avait émigré, Giorgio Chinaglia revient en Italie à la fin des années 1960 pour jouer au football. D’abord à la Massese, en Serie C, puis à l’Internapoli, de 1967 à 1969. Là-bas, il rencontre Pino Wilson, qui deviendra son alter ego. À l’été 1969, la Lazio fait une offre à l’Internapoli. Le club romain souhaite recruter la doublette magique : Wilson le défenseur et Chinaglia l’attaquant, offrant 100 millions de lires pour ce dernier. Le président de l’Internapoli, Carlo De Gaudio, tente en vain de convaincre Giorgio de rester : « Je lui ai donné une enveloppe en lui disant qu’il y avait une jolie prime pour lui dedans, se souvient-il. Évidemment, elle était vide. Giorgio s’est marré, puis il est parti. Plus qu’avec des sous, il avait rendez-vous avec son destin. » Quand il débarque à Rome, la Lazio est une modeste équipe qui, depuis sa création en 1900, n’a remporté qu’une maigre Coupe d’Italie en 1958. Dès ses premières apparitions, l’inconnu Chinaglia se met l’Olimpico dans la poche. Ce n’est pas l’élégance qui séduit le public : c’est sa combativité.

Âgé de 15 ans lorsque Chinaglia débarque, Vincenzo d’Amico, formé à la Lazio, a bien en tête la première image qu’il se fait de l’attaquant : « Il ressemblait vraiment à un bison, ses courses étaient saccadées, tout était lourd chez lui. Il ne gagnera en finesse que plus tard. Mais en une saison, il était déjà devenu le leader incontestable de l’équipe par son charisme et sa hargne. » Felice Pulici, gardien de but arrivé en 1972, a lui aussi l’impression d’avoir un buffle sur le terrain. Dans son bureau de la Fédération handisport où il s’occupe du secteur des sourds, il n’a pas besoin de se forcer pour convoquer ses souvenirs : « Il chaussait du 48, et s’il n’était pas attentif à la façon dont il frappait la balle, son pied heurtait le sol. » Mais Chinaglia est un homme qui épouse des causes, et malgré ce que d’aucuns auraient considéré comme un handicap, il a décidé une chose : porter sur ses épaules toute l’équipe, et l’amener le plus haut possible. Hélas, après deux saisons dans l’élite, la Lazio descend en Serie B. Tommaso Maestelli, qui vient de passer trois ans sur le banc de Foggia, devient alors l’entraîneur de la Lazio. Or, Maestrelli, plus que n’importe quel autre coach, semble comprendre Giorgio Chinaglia.

La tâche n’est pourtant pas facile. Felice Pulici : « Giorgio était un énorme égoïste sur le terrain. Il voulait être le meilleur, le plus aimé, et le plus admiré. S’il ne marquait pas pendant un match, il partait seul en taxi à l’aéroport, et rentrait chez lui. Un jour, nous étions menés contre l’Inter à San Siro. Après le deuxième but des Nerazzurri, Chinaglia a pris la balle sur le coup d’envoi, et l’a balancée loin devant, en courant après. Il ne l’a évidemment pas récupérée, mais s’est tourné vers nous : « Vous voyez, c’est comme ça qu’il faut lancer votre avant-centre. » » Les coéquipiers, au début incrédules, comprennent bien vite que ces moments de folie ne durent que cinq minutes. « Un bon « oui Giorgio, tu as raison, la prochaine fois j’y penserai » suffisait à le faire revenir parmi nous » , s’amuse encore Wilson, le capitaine de l’équipe. Wilson, toujours : « Les entraînements consistaient principalement en un match entre deux équipes, celle de Chinaglia, et celle de Re Cecconi. Le vestiaire, naturellement scindé en deux, augmentait la fracture entre les deux groupes. Tant que Chinaglia n’avait pas gagné ou égalisé, il fallait continuer à jouer. En hiver, on terminait les matchs avec les lumières des phares des voitures, ça durait jusqu’à tard, et c’était même dangereux, car l’intensité était incroyable.  »

Obsédé par la victoire et le but

Maestrelli a la capacité d’adapter son discours à chaque joueur de l’effectif, et de prendre en compte les moindres détails. « Chinaglia voulait toujours tout commander : il disait souvent au Mister qu’il fallait aligner tel ou tel joueur. « Oui, oui Giorgio, tu as raison », lui répondait Maestrelli. Il arrivait toujours à lui faire croire que c’était lui qui décidait, alors qu’en fait, Giorgio ne décidait rien du tout  » , poursuit D’Amico. Entre les deux hommes s’instaure une relation de type père-fils. Le dimanche matin, avant d’aller au match, Maestrelli vient souvent réveiller son attaquant en lui apportant le petit-déjeuner, quand celui-ci n’a pas dormi chez lui. Lors des mises au vert, le coach ferme aussi les yeux sur le principal hobby de ses ouailles, Chinaglia en tête, qui consiste à s’amuser avec les nombreux flingues qui remplissent les sacs de sport. « C’était une époque un peu particulière, se rappelle Wilson. Il y avait les Brigades rouges, et nous avions tous le port d’arme. C’est venu comme ça, et c’est devenu un divertissement comme un autre. On tirait, peu importe si on chopait la cible, on tirait et on était contents. On était à moitié fous, c’était un peu bête » , confesse-t-il aujourd’hui dans un sourire amusé. « La vérité, c’est que Chinaglia était obsédé par la victoire, et par le but. Mais il était généreux avec tout le monde, et pas seulement avec les joueurs » , continue D’Amico.

Vrai. Si Chinaglia maltraite ses coéquipiers, allant parfois jusqu’à frapper ceux qui selon lui sont coupables d’erreurs, il traite d’égal à égal le petit personnel de la Lazio, mais aussi les supporters. Alfredo Recchia, qui deviendra plus tard l’homme de confiance de Giorgio, est alors chauffeur de bus du club. « Lors des déplacements, Chinaglia jouait toujours aux cartes, au fond du bus, avec le médecin, des coéquipiers, des masseurs. Quand on arrivait, après plusieurs heures de route, il fallait que j’attende qu’ils aient fini leur partie, car ils ne descendaient pas du bus. Chinaglia me remerciait avec des blagues, des cadeaux et il organisait souvent des collectes pour nous. »

Garçons de café, derby et ennemi numéro 1

La saison de Chinaglia en Serie B n’a pas que du mauvais : c’est à ce moment qu’il est appelé pour la première fois en sélection nationale. Une première. Cette première cape n’arrange pas le melon du joueur, qui prend un malin plaisir à s’entraîner systématiquement avec les maillots échangés contre ses adversaires lors des rencontres internationales. Forcément, la chose fait grincer les dents de certains coéquipiers. « Un jour, j’ai été appelé avec les moins de 23 ans, raconte Pulici. À la fin du match, j’échange mon maillot contre celui du gardien finlandais et à l’entraînement d’après, je le mets fièrement. Chinaglia va se plaindre à l’entraîneur, disant que je n’ai pas le droit de faire ça. Énervé, je vais le voir, pour lui demander quel est le problème. Il me dit : « Ce sont les moins de 23 ans, ce n’est pas une vraie sélection, c’est la nationale de Mickey. » » Au vrai, Chinaglia accorde une importance toute particulière au maillot azzurro, qui représente pour lui une revanche sur ses années d’immigré passées loin d’un pays qu’il a vite considéré, après les premiers errements, comme la terre mère. La victoire de l’Italie contre l’Angleterre à Wembley en 1973, devant un stade remplis de « garçons de café italiens » , comme la presse anglo-saxonne les présente, est pour lui un triomphe, d’autant plus qu’il est à l’origine du but victorieux de Fabio Capello, et qu’il avait lui-même été serveur dans le restaurant que son père avait ouvert à Cardiff en abandonnant le boulot à la mine.

C’est la période où tout réussit à celui que les supporters ont déjà rebaptisé Long John, en référence à son passé d’immigré britannique. En 1974, la Lazio remporte son premier Scudetto après avoir frôlé le titre la saison précédente. Le football pratiqué par cette bande de fous qui ne forme qu’un seul homme sur le terrain, fait de mouvement rapide et d’abnégation, déstabilise complètement une vieille botte obsédée par le catenaccio. Chinaglia, lui, est le leader de cette équipe et jouit de l’admiration d’une moitié de la ville éternelle. L’autre moitié – les Romanisti – lui voue une haine immense. Il faut dire que le Bison prend un malin plaisir à provoquer les supporters giallorossi. Le tunnel de l’Olimpico est alors situé juste devant la Curva Sud, le virage des supporters de la Roma. Avant de rentrer sur le terrain, Chinaglia se plaît à faire dépasser sa chaussure et à bouger son pied comme un danseur, ce qui a le mérite d’excéder les tifosi.

Et puis il y a cette image, l’une des plus connues dans la carrière du Bison : cet index tendu devant la Curva Sud en signe de défi, après un but qui amène la victoire aux siens dans un derby de 1974. Pulici : « Pour Giorgio, ce doigt tendu voulait dire deux choses : la première, c’est qu’il était le joueur numéro 1 de la Lazio. La deuxième, c’est qu’il était l’ennemi numéro 1 des Romanisti. Il aimait se charger de responsabilités, et ça lui plaisait bien d’être détesté par la faction opposée.  »

Vidéo

American Dream

Les épisodes de bagarre entre Chinaglia et la « faction opposée » ne manquent pas. Citons-en ici deux. « Nous étions au GQ, une boîte très à la mode à l’époque, relate l’ami de toujours et capitaine Pino Wilson. Un supporter de la Roma vient insulter Giorgio, qui lui met un coup de poing dans la gueule. On va vers lui, et alors qu’on pensait l’avoir calmé, cinq minutes plus tard, il revient vers le supporter, et lui met un coup de tête. Il s’en est voulu, mais plus tard. » Maurizio Manzini, team manager historique de la Lazio, a lui aussi son histoire à raconter depuis son téléphone : « Nous étions au cinéma avec Giorgio, Petrelli, D’Amico. Un groupe de supporters de la Roma arrive, et l’un d’eux dit : « Tiens, il y a le maudit bossu. » Au début, Giorgio a fait comme si de rien n’était. Puis, quand les lumières se sont éteintes, il s’est placé dans la rangée juste derrière le gars, et lui a tapé sur l’épaule : « Il est là, le bossu. » Le type est devenu tout blanc. »

Ce qui au départ n’était que du folklore propre aux villes scindées en deux camps distincts finit par dégénérer. Dans la rue, les insultes deviennent systématiques. Puis, ce sont des menaces adressées à la famille du joueur. «  Ça commençait à faire peur à sa femme, se souvient Pulici. Des menaces, toujours plus pressantes. Elle était américaine, et elle voulait retourner aux États-Unis en emmenant les gosses. » Pino Wilson : « Giorgio est venu nous voir alors que le championnat n’était pas terminé. Il nous a expliqué qu’il allait partir, parce que sa famille était en danger. Personne ne lui en a voulu. » Nous sommes alors en 1976, et Chinaglia laisse Rome et derrière lui un titre de meilleur buteur, un Scudetto, des vrais amis, et un père spirituel, Maestrelli, gravement malade. C’est le départ pour l’Amérique, New-York, ses Cosmos et ses stars. Chinaglia ne reviendra à Rome que sept ans plus tard, pour devenir président la Lazio. Mais ça, c’est encore une autre histoire.

Tous propos recueillis pour So Foot par EM et LDC

Par Éric Maggiori et Lucas Duvernet-Coppola

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