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Les 50 joueurs qui ont écrit l’histoire de Châteauroux (3e et 2e)

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Ils ont écrit la belle histoire de la Berrichonne, ont connu la galère, un bout de D1, une épopée en Coupe de France, un aller-retour en C3, mais aussi celle d'une ville. De Djibril Sidibé à Sébastien Roudet, d'Eddy Viator à Laurent Dufresne en passant par Jacques Lopez, voici les 50 joueurs qui ont écrit la légende de la Berri, la vraie.

#3 - Ferdinand Coly

Une nuit de mai, dans une chambre de l’hôtel Martinez, à Cannes. Cinq jours plus tard, Michel Denisot est attendu avec le PSG à Rotterdam pour défier le Barça en finale de la Coupe des coupes. Pourtant, à cet instant, l’homme craque. Il est seul dans sa chambre et a fait mettre sur la porte un « Do not disturb » , histoire de pouvoir partager cette soirée unique avec son téléphone. Il enchaîne les appels, se refait le fil de multiples années d’angoisse et savoure : « C’est incomparable au reste. Cette montée est celle de tout un club, pas celle d’un seul homme. » Le cinquantième festival de Cannes est passé au second plan. Plus de huit cents kilomètres au Nord, Châteauroux vient d’imploser en quelques minutes. Dans la foule, on voit des vieux qui pleurent. Il y a aussi des gamins, des familles scotchées à leur radio depuis le début de la soirée. Il faudra attendre minuit trente pour voir les héros débarquer sur le tarmac de l’aéroport Châteauroux-Déols où quelques milliers de personnes les attendent. La Berrichonne revient alors du stade de la Colombière, à Épinal, où Ferdinand Coly avait vécu la relégation avec Poitiers la saison précédente. Cette fois, il reviendra en parlant d’un « jour phénoménal, c’est tellement beau  » . Pour la première fois de son histoire, la Berri vient de valider sa montée en D1 grâce à une large victoire (3-0) dans les Vosges le 9 mai 1997. Un truc impossible à imaginer quelques mois plus tôt.

À l’été 96 pourtant, le président Sanselme veut tenter un coup avec Coly, notamment connu pour avoir fait taire Sonny Anderson lors d’un tour de Coupe de France en février 95. Son rôle sera de faire oublier l’idole Ismaël Triki, parti à Lausanne. Et voilà comment une légende est née : en trois saisons, Ferdinand Coly devient le roi, le confident du groupe, l’homme qui rassure, le défenseur qui assure. C’est sous ses ordres que la Berri touche la D2, goûte la première division et avec lui qu’elle commencera à recoller les morceaux consécutifs à sa relégation. «  Ferdinand, c’était l’emblème de cette génération, remet Thierry Sanselme. Notre complicité était naturelle. Les discussions qu’on a eues après la relégation en D2 en sont la preuve. C’est la seule fois où l’on s’est regardés avec des larmes dans les yeux. Je voulais qu’il reste, lui voulait nous quitter. Finalement, on a terminé dans les bras l’un de l’autre et il a poussé un an de plus. C’est un épisode qui raconte pas mal de choses sur l’homme qu’il peut être. » Soit un capitaine respecté avant de filer grandir à Lens, en Angleterre puis en Italie. Jusqu’à cette Coupe du monde 2002 où il fera tomber l’équipe de France avec le Sénégal. Big Fernand.

#2 - Jason Mayélé

« La première fois que j’ai entendu parler de Jason, c’est par un gars qui recrutait pour le club à Paris. Il m’avait alors parlé de deux jeunes qu’il souhaitait me faire découvrir. À l’époque, Jason n’avait pas de papiers, ni d’autorisation pour rester sur le territoire français. Il est arrivé un jour à l’entraînement, en plein hiver, sur un terrain gras. On était en National à ce moment-là. C’était en 1993 et il n’avait jamais joué plus haut que la DH. Tout de suite, je me suis dit : « Putain, ce petit a quelque chose… » J’ai été voir Trotignon pour qu’il reste chez nous, qu’il le fasse signer. Avec les dirigeants, on s’est retrouvés dans l’obligation de faire les démarches pour le mettre en règle.

Ce qui m’a impressionné, c’est la facilité qu’il avait eue lors de ce premier jour, dans de telles conditions. Il m’avait déjà montré ses qualités de dribbles. Offensivement, je savais que ça serait quelque chose d’intéressant. Et, il y avait l’homme que j’ai rencontré. Un jeune très éduqué, avec qui je n’ai jamais eu de problèmes, à l’écoute de tout, raisonné… Avec moi, c’était même poussé à l’extrême. Je l’avais pris sous ma coupe, il venait souvent à la maison. Quand il est arrivé à Châteauroux, il était seul, il venait de Paris, était entré en France illégalement… Il est souvent venu manger à la maison. En plus, il était dans les âges de mes enfants, donc il était souvent avec eux.

Pour un entraîneur, Jason, c’était un régal. Il voulait bosser, il aimait ça, mais il lui a fallu deux bonnes années pour exploser entre une première en National où il jouait un petit peu et une seconde en D2 où le niveau s’est élevé d’un coup. Sa grande saison, c’est l’année où on est montés en première division. Il avait toutes les qualités d’un attaquant moderne : il allait vite, avait un bon jeu de tête et était décisif dans de nombreux matchs. C’est pour ça qu’en première division, il s’est révélé et qu’il est ensuite parti en Italie.

Au-delà du terrain, Jason, c’était le spectacle, même si j’étais très sévère avec lui. Je lui donnais les éléments sur le plan technique, des conseils, puis il était surtout bien entouré que ce soit avec Yann Lachuer, avec qui il se régalait, ou Laurent Dufresne. C’est au contact de ces mecs-là qu’il a grandi. Puis c’était un bon vivant. Il déconnait dans le vestiaire, il mettait l’ambiance. C’était l’Africain, donc il aimait chambrer, danser, c’était la période de la Black Connection avec Ferdinand Coly ou Patrick Mboma qu’il a rencontré lorsqu’il est arrivé au club.

Si on parle encore de lui à Châteauroux aujourd’hui, c’est parce qu’il a marqué les gens. Dans la ville, il se promenait, il discutait avec tout le monde, comme s’il était là depuis toujours. On le voyait au restaurant, il sortait souvent pour s’amuser, il avait des copines, il était bien avec tout le monde. Quand, en plus, sur le terrain, il envoyait du spectacle, les gens l’adoraient.

Son rêve, c’était l’Italie. Et, en D1, il a eu la chance d’être repéré par Cagliari. Pour lui, c’était le summum, même s’il avait des possibilités en France. Ce qui l’intéressait, c’était ce qu’il voyait à la télévision, donc c’était l’Italie. Il voulait montrer ses qualités là-bas. On se téléphonait souvent au départ, je voulais savoir comment ça se passait et je l’avais averti. Au début, quand il est arrivé en France, il ne voyait pas forcément le professionnalisme comme il fallait sur des détails comme la nourriture, les sorties, la récupération. En Italie, ça allait monter d’un cran, fallait qu’il le sache.

Et il y a donc eu ce 2 mars 2002. J’étais à Laval à cette époque. Un ami de Châteauroux m’a appelé pour me dire que Jason avait eu un accident de voiture et s’était tué. Pour moi, c’était le deuxième après Michel N’Gom qui était mon Mayélé quand j’étais joueur à Marseille. C’était mon protégé, qui était toujours avec moi et avait eu, lui aussi, un accident en partant à Auxerre. J’ai pris cette nouvelle comme si je perdais un membre de ma famille, ça m’a marqué. Dans une carrière, on peut avoir de belles complicités avec certains joueurs, j’en ai eu avec Teddy Bertin ou Karim Fradin après par exemple, mais je n’ai jamais rencontré un deuxième Jason Mayélé. »

Par Victor Zvunka, entraîneur de la Berrichonne de 1993 à 1998 et de 2003 à 2005.

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