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Les 12 travaux de Jocelyn Gourvennec
Nouveau coach bordelais, Jocelyn Gourvennec aura fort à faire cette saison pour redorer le blason des Girondins après un épisode 2015-2016 proche du néant. Défense en carton, public en colère, mercato en pointillé, la tâche du Breton s'annonce ardue du côté de la Gironde. Petit état des lieux du chantier bordelais à un mois de la reprise du championnat.
Arrivé comme un petit bleu, Jocelyn Gourvennec est reparti de Guingamp comme un seigneur breton. Après six saisons du côté des Côtes d’Armor, deux montées en trois ans (du National à la Ligue 1), une finale de Coupe de France remportée face à Rennes et un parcours plus qu’honorable en Ligue Europa (16es de finale), l’ancien élégant n°10 a logiquement décidé de passer un palier dans sa carrière en rejoignant les Girondins de Bordeaux. Et si pour ce Brestois d’origine, Bordeaux « représente quelque chose dans le foot français » , il n’en est pas moins conscient que le club traverse une période critique de son histoire, et ce, depuis quelques saisons maintenant. Piètres 11es la saison dernière, les Girondins sont passés au fil des ans du statut d’institution respectée à celui de club un peu moqué. Moqué pour son manque d’ambition, pour la faible qualité de son jeu et aussi, parfois, pour le look très « dandy farmer » de son président Jean-Louis Triaud. C’est donc un chantier considérable qui attend le meilleur entraîneur de Ligue 2 en 2012-2013 du côté du club au scapulaire.
Les pleins pouvoirs ?
La première question qui vient à l’esprit quand on évoque la signature pour deux saisons de Gourvennec en Gironde c’est : « Dans quelle mesure celui-ci aura-t-il les mains libres pour remettre sur pied une machine salement encrassée ? » On sait qu’à Bordeaux, les coachs ont souvent dû faire face aux choix fermes de leurs décideurs que sont Nicolas de Tavernost, patron de M6, et Jean-Louis Triaud, notamment sur la question du recrutement. Pas pingres mais pas loin, les dirigeants girondins ne sont pas réputés pour ouvrir facilement le goulot à pez, et il n’y a qu’à voir les dépenses effectuées lors des précédents mercatos pour se rendre compte qu’à Bordeaux plus qu’ailleurs, le coach a plutôt intérêt à avoir des idées, à défaut d’avoir des billets. Pourtant, en voyant La Gourv’ parapher un contrat avec les Girondins, il y a fort à parier que celui-ci ait reçu de solides assurances quant à son rôle et sa marge de manœuvre dans le club. Car oui, le Breton a la tête dure et il faut se lever tôt pour la lui faire à l’envers. À Guingamp, même s’il arrivait dans la peau d’un coach débutant, Jocelyn Gourvennec a toujours eu toute la latitude nécessaire pour gérer les petites et grosses affaires du club, avec une liberté totale sur le plan sportif. Dès lors, il n’est pas interdit de s’interroger sur la nature des relations de ce nouveau duo de fortes têtes que sont Triaud et Gourvennec.
Le ménage de printemps
En attendant, le néo-Girondin a pu faire un état des lieux de l’effectif qui est aujourd’hui à sa disposition, même si, en tant qu’entraîneur avisé, Gourvennec connaissait déjà parfaitement les faiblesses et les qualités de l’équipe actuelle. Partant de là, il faut s’attendre à un mercato très animé du côté des Girondins cet été. Ce ne sont pas les supporters, qui réclament un vaste coup de balai depuis pas mal de temps déjà, qui diront le contraire. Exit donc Debuchy, Chantôme, Jussiê, Diabaté, Sané et Yambéré, et la liste risque de s’allonger dans les semaines à venir. Poko, docteur en chicha, sanctionné récemment par son club, pourrait faire partie de cette grande lessive, tout comme Sertic, Rolan (Everton ?) ou Abdou Traoré. Faire place nette c’est bien, mais encore faut-il reformer les rangs par la suite. Et jusqu’ici, on ne voit pas grand-chose à l’horizon. Alors certes, le marché des transferts est loin d’être clos, et les dirigeants ont encore largement le temps de voir venir, il n’empêche, entamer une préparation avec zéro nouvelle tête, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux avant de commencer une saison que les supporters espèrent un tant soit peu bandante.
Un taulier en attaque
En revanche, si l’identité des recrues tarde à se faire connaître, il semblerait que les futurs nouveaux arrivants aient de la gueule. Si l’arrivée de Toulalan est actée, Gourvennec, qui cherche un latéral droit, aurait jeté son dévolu sur Jérémy Pied, qu’il connaît bien pour l’avoir dirigé à Guingamp il y a deux ans et qui sort d’une superbe saison avec Nice. En attaque, l’entraîneur breton aimerait voir débarquer du lourd pour encadrer la jeunesse bordelaise. « Pour la plupart, nos attaquants actuels sont des joueurs qui ont leurs preuves à faire, lâchait-il lors d’une interview accordée à Sud-Ouest. Quand on a de l’ambition, on se doit d’avoir un effectif plus compétitif que le nôtre, cela passe par le recrutement d’un attaquant, un joueur qui ait des références. Pour que les jeunes progressent, et que l’équipe soit meilleure, il nous faut un peu plus de maturité. Il est clair que l’on n’ira pas sur des paris. Les paris que l’on peut tenter sont déjà au club. » Les noms de Valère Germain ou d’Andy Delort ont circulé dans la presse ces derniers temps sans que rien ne soit encore arrêté. Le prix de ces deux buteurs se révélant être un puissant frein à l’avancée de ces dossiers. En cas d’échec, le suivant sur la liste pourrait bien être Jimmy Briand, ancien protégé de Gourvennec la saison passée à l’EAG. Les profils ciblés montrent en tout cas que l’époque du grand Cheick Diabaté est d’ores et déjà révolue. Jocelyn cherche un buteur en série au profil plus technique que costaud dans les duels.
Vada retro Satanas
À côté de cela, le vainqueur de la Coupe de France 2014 va devoir mettre son nez dans d’autres dossiers épineux, à commencer par celui de Valentin Vada, ce jeune Argentin que les Girondins couvent depuis pas mal d’années et qui pourrait filer à l’anglaise à cause d’une histoire de gros sous. Ayant refusé une première proposition de contrat, le milieu de terrain serait trop gourmand au goût de ses dirigeants. À ce sujet, le président Triaud n’y est pas allé par quatre chemins en conférence de presse au moment d’évoquer le dossier: « Vada ? Je ne vois pas pourquoi je rediscuterais. J’ai fait une proposition qui me paraît tout à fait séduisante pour un garçon qui a joué 15 matchs.(…)On lui a proposé un contrat qui lui permet de s’épanouir et de progresser, même financièrement en fonction des performances qu’il affichera. S’il la veut tant mieux, ça me paraîtrait légitime vu tout ce qu’on a fait pour lui et sa famille, s’il n’en veut pas, on ne peut pas l’obliger. » De son côté, Gourvennec ne cache pas sa volonté de voir le gamin se faire un nom à Bordeaux, tout en avouant que cette situation est problématique à l’heure actuelle. « C’est un joueur qui a grandi aux Girondins, qui doit représenter l’avenir du club. C’est un garçon intelligent, un très bon footballeur. Sa situation est un peu bloquée, ce n’est pas idéal pour lancer sa saison. Il faut que cela s’arrange. »
« On a un très gros problème en défense ! »
En parallèle à ce dossier, le club devra aussi naviguer habillement s’il veut garder sa jeune pépite Adam Ounas, dont la fin de saison canon n’est pas passée inaperçue aux yeux de nombreux clubs de gros calibre (Manchester United notamment). Mais après lui avoir fait signer un premier contrat pro de 3 ans, il serait étonnant de voir Triaud se séparer de lui si facilement. Enfin, le dernier – gros – chantier du Breton sera de redonner confiance à une défense qui a pris l’eau de toute part la saison passée. Car si Gourvennec n’a jamais caché son attirance pour les équipes joueuses et portées sur l’offensif, ce n’est pas au vieux Breton qu’on apprend à faire du chouchen : pour attaquer, il faut d’abord bien savoir défendre. Or, bien défendre (voire défendre tout court, vu le nombre de peignées qu’ils se sont mangées la saison dernière), ce n’est plus exactement ce qui caractérise les Girondins ces derniers temps. En terminant 16e défense de Ligue 1 l’an passé, avec la bagatelle de 57 pions encaissés, les Bordelais vont devoir cravacher dur pour retrouver une certaine solidité devant leur but. Le travail qui attend le nouveau « taiseux » du Haillan est donc particulièrement conséquent, mais cela ne semble pas lui faire peur. Et si M6, l’actionnaire principal du club, accepte d’aller dans son sens en matière de recrutement, il n’est pas exclu de revoir les Girondins sur le devant de la scène dans un avenir proche. Une bonne nouvelle pour des supporters qui ne sont pas passés loin de la dépression permanente.
Par Aymeric Le Gall