- Coupe du monde rugby / Tampon!
Les 10 questions qu’on se pose avant le début de la Coupe du monde de rugby
Quatre ans après la victoire de la Nouvelle-Zélande de Craig Joubert, la planète rugby se retrouve en Angleterre et au pays de Galles pour la 8e Coupe du monde à partir de vendredi. La rédaction de Tampon! répond aux questions qu'on se pose avant de bouffer du ballon ovale pendant presque un mois et demi.
Pourquoi on retrouve toujours les mêmes équipes ?
En huit éditions, la Coupe du monde de rugby présente toujours un peu le même casting en mode « Désolé, vous ne pouvez pas entrer, il s’agit d’une soirée privée » . Par rapport à 2011, on reprend les mêmes ou presque. Seule la Russie a cédé sa place à l’Uruguay dans le rôle du figurant qui va se faire tuer au bout de cinq minutes. Avec 25 équipes en huit éditions, l’exotisme n’est pas de mise et on n’est pas près de revoir les « one shot » portugais, ivoiriens ou espagnols. Le rugby à XV est un sport où Goliath écrase toujours David à la fin, le concasse en mêlée, le défonce dans les rucks ; un sport qui a renoncé à conquérir de nouveaux territoires et a confié cette mission à son petit frère du 7. Le rugby est compliqué à comprendre, compliqué à pratiquer, où il est tout aussi compliqué de se hisser au niveau des puissances dominantes. Au moins, on est à l’abri de voir les Allemands gagner à la fin ou même juste de participer.
Scott Spedding va-t-il pleurer pendant la Marseillaise ?
Scott Spedding va donc disputer sa deuxième Coupe du monde. La première en 2006, c’était celle des moins de 21 ans. Remplaçant chez les Baby-Boks, Spedding avait vu à Marcel-Michelin l’aventure se terminer à la clermontoise : une défaite en finale. Neuf ans plus tard, le natif de Krugersdorp va jouer dans la cour des grands. Comme deux titulaires des mini sud’af 2006 : JP Pietersen avec les Boks et Brad Barritt avec les Anglais. Scott Léonard Spedding va, lui, jouer avec la France dont il possède désormais la nationalité. Le gars est obstiné : jouer avec les Bleus, il a commencé à en parler alors qu’il évoluait encore à Brive. L’annonce, devant la porte du vestiaire de Jean-Dauger, de sa convocation à Marcoussis par Patrice Lagisquet lui avait fait verser quelques larmes. Sa titularisation en ouverture du Mondial devrait faire faire « bang-bang » à son cœur de sensible. Parce que Yannick Nyanga n’a pas le monopole de l’émotion.
Pourquoi Christian Jeanpierre commente ?
Entre le commentateur de TF1 et le rugby, c’est une vieille histoire d’amour. Mais une histoire souvent à sens unique. De sa jeunesse à Toulouse, Jeanpierre a gardé deux amours : le rock à papa depuis un concert de Dire Straits et le ballon ovale. Deux passions qu’il cultive en tant que batteur du groupe Rockaway et en commentant tous les quatre ans la Coupe du monde. Le problème, c’est que Christian n’a pas d’accent, un enthousiasme bon enfant mais gênant, ne maîtrise pas toujours le score, ni les règles. Pire encore, Christian est un « manchot » , une voix associée d’abord au foot, ce qui pour certains gardiens du temple revient à être l’incarnation de l’antéchrist. Mais les critiques glissent sur lui comme Richie McCaw dans un regroupement. Quand on le croise dans le hall d’hôtel des Bleus à Auckland avant le quart de finale contre l’Angleterre en 2011, il commence à vous vanter les talents de relanceur de Ben Foden, puis se lance dans une analogie entre Morgan Parra et Didier Deschamps. Alors quand Christian Jeanpierre vous énervera en vous expliquant pour la 35e fois qu’il est interdit de dégager directement en touche depuis ses 22 mètres ou vous fera regretter Matthieu Lartot, n’oubliez pas que tout part d’un bon sentiment chez lui.
Qui sera le joker médical des Bleus ?
Ils sont cinq à avoir profité du malheur des autres : Fabien Galthié en 1995 et 1999 palliant les forfaits respectifs de Guy Accoceberry et Pierre Mignoni ; Albert Cigagna en 1995 remplaçant Philippe Benetton ; David Bory et Thibaut Privat jokers de Xavier Garbajosa et Olivier Brouzet en 2004 et Jean-Marc Doussain sensation du Mondial 2011, appelé pour remplacer David « maudit » Skrela et entré en finale. Vingt ans après Galthié, repris de justesse du Mondial 1995, le revenant sera cette fois François Trinh-Duc appelé alors que, justement, il passait un week-end à Londres en touriste, profitant de la pause du Top 14. Jake White au MHR l’a testé au centre, et cette nouvelle étiquette de polyvalent permet une nouvelle fois au Montpelliérain de forcer la porte des Bleus. Il tournera une petite vidéo pour dire sa joie. Philippe Saint-André défendra facilement son choix : « François est impliqué, il fait les efforts, il fait preuve de férocité et d’enthousiasme. » Tant qu’il ne prend pas la pénalité de la gagne en finale.
Quelle équipe va faire n’importe quoi en troisième mi-temps ?
Après avoir marché sur l’Uruguay, le pays de Galles va s’effondrer face au pays hôte. S’ensuivra alors une débâcle face aux Fidji. Le début de la fin. Le dernier match face à l’Australie servira de confirmation à ce Mondial raté. Quatrièmes de leur poule, mais loin d’être les derniers au comptoir, les Gallois poseront leur valise dans le premier pub croisé et noieront leur chagrin dans le houblon. Pour l’occasion, Andy Powell fera le voyage entre Brecon, sa ville natale, et Londres. Le tout en voiturette de golf, bien entendu. Une cuite sordide, des bastons à tout va, des anecdotes à remplir une édition du Sun. Bref, une bonne troisième mi-temps de consolation. Pas les meilleures, mais souvent les plus dévastatrices.
Médiapart doit-il se saisir du problème des quotas chez les Springboks ?
Les mots sont un piège à cons. En France, le terme quota fut invoqué à ce titre dans le foot pour demander l’exclusion des binationaux, bref de « minorités » trop visibles ou « envahissantes » . En Afrique du Sud, ce sont les anciens opprimés, bref les noirs, qui les réclament dans le rugby pour qu’enfin cette ancienne forteresse afrikaner cesse d’être la chasse gardée des élites blanches issues des meilleures écoles. À chaque Coupe du monde ou Four Nations, c’est la même rengaine qui tinte donc aux oreilles du sélectionneur des Springboks, avec les mêmes décomptes au taux de mélanine qui ne satisfont personne au final. Heyneke Meyer peut bien s’arracher les cheveux, pas besoin d’enregistrement en douce, le débat est sur la place publique. Seul problème, jamais un pourcentage ne solutionne la pesanteur d’une discrimination raciale ou sociale, pas plus que de fermer les yeux au nom du « seul critère sportif » n’efface les ardoises historiques.
Qui prendra un avion officiel pour voir un match de l’équipe de France ?
En voilà une bonne question. Car si évidemment tous les politiques dégaineront leur petit tweet de félicitations à chaque victoire du XV de France, on attend de savoir qui sera assez passionnés pour risquer la polémique. Et en dehors du foot, la règle demeure plutôt d’attendre une éventuelle finale pour venir encourager la sélection nationale in situ. C’est d’ailleurs généralement le type ou la fille en charge du truc des sports (ministère ou secrétariat d’État) qui s’y colle. Le second sport du pays, c’est autre chose. On laisse le basket à Lionel Jospin et ses fans profs d’EPS. Un bel exemple du maintien de notre génie national que ce jeu de main avec son Top 14 si beau. Un levier pour faire la nique au french bashing chez les Rosbeefs. Malheureusement, le seul qui aurait pu péter un câble et détourner la voiture de fonction, c’est Benoît Hamon. Manque de pot, il n’a pas été reconduit à son poste. Et comme, a priori, le grand-père de Manuel Valls n’a pas écrit les paroles du haka…
Avec quel ouvreur les Blacks vont-ils finir la compétition ?
Posséder un double « A » en début de prénom pour figurer tout en haut de la liste. Comme un mauvais plombier dans l’annuaire, Aaron Cruden avait tout compris. Sauf que l’ouvreur des Waikato Chiefs est plus du genre couvreur, à enchaîner les tuiles avec les All Blacks. En 2011, il avait attendu la finale pour laisser sa place prématurément au « cauchemar » Stephen Donald, finalement sauveur des Néo-Zélandais. Cette année, Cruden a préféré se priver de Mondial dès le mois d’avril. Reste donc trois ouvreurs pour tenir le poste de premier 5/8e en Angleterre : Daniel Carter, Beauden Barrett et Colin Slade. Soit un vétéran élu meilleur joueur du monde en 2012, mais globalement absent des Coupes du monde, un mec censé représenter l’avenir, mais encore un peu vert à ce niveau et un autre dont le talent sied tout à fait à la Section Paloise, un peu moins aux All Blacks. Forcément, Carter tient la corde. D’autant qu’il s’agit là de sa dernière Coupe du monde. Mais à 33 ans, l’ancien de l’USAP va mourir pour les péchés de ses frères en offrant son genou à ce gourmand de Fernandez-Lobbe. Deux matchs plus tard, Slade est incapable de tirer les ficelles face à un Tonga élimé, et se voit remplacé par le beau Den. À 24 ans, Barrett a un boulevard devant lui, même si Lima Sopoaga, appelé pour pallier la blessure de Dan Carter, lui suce méchamment la roue. Après une entrée de feu face à l’Angleterre en demies, Sopoaga chipe in extremis la place d’ouvreur à Barrett pour la finale. Pourquoi ? Parce que s’il ne doit en rester qu’un, autant que ce soit un Highlander.
Qui va être la hype de ce tournoi ?
Non, le futur frisson du tournoi ne joue pas à Bath, il ne s’appelle pas George, Jonathan ou Anthony, il s’appelle Jonny May et joue les braqueurs dans le bas de tableau anglais avec Greig Laidlaw, Billy Twelvetrees et James Hook comme coéquipiers et un stade à poutres apparentes comme terrain de jeu. Dans la vie, Jonny n’est pas du genre à cogiter face à un problème, il préfère le prendre de face, à pleine vitesse et compter sur son instinct pour s’en sortir : deux, trois changements de direction, un sourire en coin et l’affaire est dans le sac. Jonny aime les courses rectilignes, avancer dans le trafic et les plongeons à quelques mètres de la ligne blanche. Jonny a les appuis d’un joueur de 7, la bonhomie d’un footballeur et le jump d’un ailier de Super Rugby. Jonny aurait pu être une simple version améliorée d’Adrien Planté, il a préféré être l’ailier que l’Angleterre attend depuis Jason Robinson.
Quelle WAG va affoler la presse anglaise ?
Grande, blonde, bien pourvue par la génétique et petite amie du capitaine anglais Chris Robshaw. Aucun doute, Camilla Kerslake va faire parler d’elle. D’ailleurs, ça a déjà commencé. Dans les tabloïds, la chanteuse de classique est plus souvent citée avec une grande photo dans les premières pages, que dans le cahier « critique musicale » . Pour preuve : pas plus tard que la semaine dernière, lors d’une soirée pour le XV de la Rose, elle s’est adressée à Chloe Madeley, la petite amie de James Heskell, en ces termes : « Une frimeuse bas de gamme » . Ce à quoi elle a répondu : « C’est bizarre, elle n’est pas si populaire que ça. Mais elle semble penser qu’elle est un cran au-dessus et que les autres filles sont kitsch. » En gros, ça promet.
Question bonus
Quel joueur de Pro D2 va crever l’écran ?
Felipe Berchesi évidemment. Il y a un an, il découvrait la Fédérale 1 avec Chambéry. Une première saison en France à l’issue de laquelle il réglé tout le monde, décrochant le titre de meilleur buteur de la division. Il fut même assez convaincant pour séduire un club de Pro D2 : Carcassonne, qui lui a fait parapher un contrat de deux ans. Pour fêter tout ça, l’ouvreur uruguayen Felipe Berchesi, 15 sélections depuis 2011, s’est vu offrir un défi : lancer l’attaque des Los Teros dans le groupe A, le plus hardcore de la compétition avec l’Angleterre, l’Australie, les Fidji et le pays de Galles. Formé au Carrasco Polo, passé par l’Italie à Badia et donc Chambéry, le freluquet (80kg) de 24 ans, a quatre matchs devant lui pour se faire un nom et montrer la classe de son pied droit. S’il pleut comme probable, il sera forcément plus mordant que Luis Suárez. La Garra Charrua va s’exprimer.
Tampon! est disponible dans tous les bons kiosques.
Par la rédaction de Tampon!