- 17 mai 2007 – Le jour où…
Leroy Rosenior, propulsé coach pendant… 10 minutes
Il y a huit ans, le club de Torquay United en Angleterre convoquait la presse pour annoncer l'arrivée d'un nouvel entraîneur aux manettes de l'équipe première : Leroy Rosenior. Le point média terminé, l'élu recevait un coup de fil du président pour lui annoncer qu'il était relevé de ses fonctions. Retour sur le mandat d'entraîneur le plus court de l'histoire.
L’histoire de Brian Clough à Leeds United est connue. En 1974, durant 44 jours, le charismatique entraîneur vainqueur du championnat d’Angleterre 1972 avec Derby County va se trouver aux manettes d’une équipe qui le déteste et va le pourrir jusqu’à obtenir son départ prématuré. Une affaire relatée dans un livre de David Peace, adapté en film sous le titre The Damned United. 44 jours comme entraîneur d’une équipe, c’est court, mais ce n’est pas un record. C’en est même loin. Le plus éphémère des mandats n’a duré que 10 minutes, et la victime se nomme Leroy Rosenior. Le 17 mai 2007, il y a exactement 8 ans, l’ancien joueur de Fulham, QPR et West Ham, père de l’actuel joueur de Hull City Liam Rosenior, est passé en 600 secondes de la joie d’avoir un nouveau taf dans son club de cœur à la désillusion d’apprendre qu’en fait il ne faisait plus partie des plans pour préparer la saison suivante. Pour comprendre comment un tel cas de figure a pu se produire, il faut revenir au contexte de l’époque.
« Une chose est sûre, je suis enthousiaste »
Mai 2007, Torquay United achève une saison désastreuse en League Two, la D4 anglaise, et doit déjà se tourner vers la suivante à l’étage inférieur, la Football Conference. L’entraîneur en place pour terminer la saison est prié d’aller voir ailleurs, et la direction du club se met en quête de son successeur. Elle finit par le trouver en la personne de Leroy Rosenior, un ancien de la maison, en poste de 2002 à 2006 pour un bilan plutôt positif, avec une montée jusqu’en troisième div’. Après un échec à Brentford, Rosenior est de nouveau sur le marché, libre, et accepte de relever le difficile challenge proposé par le président Mike Bateson. Son arrivée est annoncée sur le site du club, dans un billet où il déclare : « Je ne promets pas qu’on va retrouver subitement la voie du succès, mais une chose est sûre, je suis enthousiaste à l’idée d’être de retour dans un club que j’aurais aimé ne jamais avoir quitté. » La presse locale est convoquée pour une conférence de présentation le 17 mai en début d’après-midi.
« Je savais que c’était un poste précaire, mais… »
Cette conférence a bien lieu, et Rosenior réitère aux journalistes présents sa joie de revenir à Torquay et son envie de bien préparer la saison à venir. Fin des interviews à 15h30. Dix minutes plus tard, son téléphone sonne : à l’autre bout du fil, le président Mike Bateson lui apprend qu’il vient de vendre la majorité des parts du club à un nouveau consortium, qui n’a pas l’air de vraiment le souhaiter comme nouvel entraîneur. Craintes confirmées peu après : alors qu’il venait juste de signer avec Torquay, Rosenior est prié d’aller voir ailleurs. « Je savais que c’était un poste précaire, mais pas à ce point » , déclare-t-il simplement. Hasard du calendrier, deux événements se sont bousculés en cette même journée du 17 mai 2007 pour Torquay United : d’une part, l’officialisation de l’arrivée du nouveau coach et, dans le même temps, la vente de 51 % des parts du club à un consortium dont fait notamment partie un ancien dirigeant viré quelques jours avant, un certain Colin Lee. Bateson, en place depuis 1990, avait mis le club en vente depuis quelque temps déjà et c’est une coïncidence que la transaction aboutisse finalement le jour même de l’intronisation de Rosenior, héros malheureux de l’affaire. Le numéro un du consortium, Chris Boyce, réintroduit dans la foulée son partenaire Colin Lee comme directeur général, lequel officialise le 2 juin l’arrivée d’un nouvel entraîneur, Paul Buckle. Un choix judicieux puisque Buckle parviendra à faire remonter le club en League Two au bout de deux saisons. Possible que Rosenior y serait parvenu aussi, mais il n’a pas eu le temps de faire ses preuves. À peine eu le temps d’aller pisser dans les toilettes de Plainmoor, le stade de Torquay, en vérité…
Par Régis Delanoë