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Leonid Soucis
Après de beaux exploits à la tête du CSKA Moscou, Leonid Slutsky, qui entraînait aussi la Russie à l'Euro, a connu un sérieux coup d'arrêt depuis l'élimination humiliante des Russes. Limogé en sélection, Slutsky est maintenant dans une situation compliquée en club. Focus sur un homme qui perd des plumes.
Vautrés. À deux ans de leur Coupe du monde, les Russes ont terminé le dernier Euro dans le caniveau. Une vilaine dernière place de leur poule, un misérable point marqué, et quelques pelletées de fans tarés qui ont profité de leur voyage en France pour saccager des centres-villes, l’addition ne ressemble pas à ce qu’avait prévu Trip Advisor. Mais si les Russes sont peut-être devenus très mauvais footballeurs, ils n’en restent pas moins des hommes pour qui l’honneur est une valeur phare, et l’entraîneur Leonid Slutsky avait fait son hara-kiri à peine la dernière gifle face au pays de Galles encaissée. « Je voudrais présenter mes excuses pour ce que nous avons montré. Les gens n’ont pas mérité notre niveau de jeu, et je suis prêt à prendre toute la responsabilité de l’échec sur moi. Si on n’a pas réussi, c’est mon erreur. Ne concentrez par votre attention sur les joueurs, mais parlez de moi et de mes responsabilités. » Un homme qui sait se transformer en gilet pare-balles pour protéger ses gars, assurément. Une semaine plus tard, la Fédération russe ne surprenait personne en annonçant le renvoi de Leonid Slutsky, mais sans donner le nom d’un successeur ni de date de remplacement. Dans le flou le plus complet, le football russe était parti pour un audit complet et une belle remise en question. Slutsky, de son côté, ne se retrouvait pas à la rue. Car en plus d’être sélectionneur national, il occupait le poste de coach du CSKA Moscou, avec qui il était champion de Russie en titre avant l’Euro. Ce soir, à Louis-II, c’est encore lui qui dirigera les manœuvres moscovites.
Tout pour le CSKA
Le divorce entre Leonid Slutsky et l’équipe de Russie s’est fait sans grosses complications. Les résultats de l’Euro ne lui avaient laissé aucun espoir, il s’était lui-même considéré comme responsable du drame, son contrat arrivait à sa fin, et des têtes devaient tomber. Le passage sous la guillotine fut donc rapidement expédié, et Vitali Moutko, ministre des Sports et président de la Fédération russe de football, jurait que les vraies ambitions de Slutsky étaient pour le CSKA : « Leonid pense que l’équipe nationale, ce n’est pas vraiment son truc. Il est plutôt entraîneur de club. Il préfère se concentrer sur le travail en club. » Car si l’année que Slutsky a passée à bricoler avec la Sbornaya n’a rien donné à part une humiliation européenne, depuis qu’il a pris les rênes du CSKA Moscou en octobre 2009, l’homme enquille les trophées. Avec deux coupes, deux Supercoupes (le Trophée des champions russe) et trois titres de champion, Slutsky avait mis les mains dans le cambouis dès son arrivée. À l’époque, le CSKA est mal en point. Un mois après son arrivée, Slutsky va chercher un dantesque 3-3 face à Manchester à Old Trafford en Ligue des champions, et emmènera son CSKA jusqu’en quart de finale cette année-là. Une belle réussite, même si son personnage et ses méthodes lui ont souvent valu de la méfiance, voire du mépris. « C’est peut-être mon apparence » , explique-t-il au site Russia Beyond, en référence à sa ganache de patron de restaurant des faubourgs de Moscou qui trempe dans des magouilles en arrière-salle entre deux mauvais bortschs servis au client.
Tombé de l’arbre
Dans le fond, peu importe. Et si Leonid Slutsky est sous le feu des critiques aujourd’hui, c’est surtout parce que le CSKA Moscou est bloqué. Celui que certains aimaient surnommer le « Mourinho russe » a perdu la formule magique, et son comportement bougon sur son banc de touche ou face à la presse ne sert pas sa cote de popularité, surtout quand il chouine : « Peu importe le travail que j’accumule, je dois toujours prouver quelque chose à quelqu’un. » Et même avant l’Euro, il voyait sa légitimité remise en cause au pays. Premier coach russe de la sélection depuis 2006 au moment de sa nomination, on supposait qu’il était là par la volonté de Vladimir Poutine himself, président protecteur qui ne voulait plus d’étranger à la tête de son équipe. À sa décharge, Slutsky se considère sans doute comme un pestiféré depuis que la poisse a décidé de le sponsoriser quand il avait dix-neuf ans. Jeune gardien de but, il s’était démoli un genou à tout jamais en tombant d’un arbre en voulant y récupérer le chat de sa voisine. Une scène digne d’une compile de gadins sur Youtube qui l’empêchera de rejouer pour toujours. Aujourd’hui, il est à nouveau à deux doigts de chuter, mais de la tête du CSKA Moscou. Le club de la capitale russe cherche encore sa première victoire en Ligue des champions cette saison, et a perdu deux matchs emblématiques d’affilée en championnat, face au Lokomotiv Moscou et au Spartak. Le CSKA traîne à la troisième place du classement à sept longs points du Zénith, et des banderoles anti-Slutsky fleurissent ici et là dans le stade des Koni. Décidément, le « Mourinho russe » pousse la ressemblance avec l’original assez loin.
Par Alexandre Doskov