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Leonardo Pisculichi, le pied de River

Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires
Leonardo Pisculichi, le pied de River

Si le River de Gallardo vit une saison surprenante, en tête du championnat et qualifié en demi-finale de Sudamericana, c'est en grande partie grâce au pied gauche de Leonardo Pisculichi. Un surdoué de la frappe de balle, aux origines de Siniša Mihajlović et au destin d'Álvaro Recoba, qui aura dû parcourir le monde avant de trouver sa place, de Majorque au Qatar en passant par la Chine.

Temps passé et frappes enroulées

Si les muscles changent, si les os vieillissent et si le mental peut perdre la tête, certaines choses ne meurent jamais, même dans ces carrières de footballeurs pourtant construites sur un étrange business model : une prise de risque maximale à l’adolescence, quinze ans de carrière avec des « si » et puis l’inconnu. Parmi ces éternels, il y a d’abord des sentiments, comme la fierté d’un titre remporté qui sera pourtant remis en jeu douze mois plus tard, ou encore la douleur d’un titre perdu qui, lui, restera perdu pour toujours. Mais il y a aussi certaines réalités tangibles, comme un bon pied. Comme le dit Vicente del Bosque, « l’âge, ce n’est pas un mérite, c’est un état » . Surtout au moment de tirer un coup de pied arrêté. Si ça ne dépendait que de son pied gauche, Álvaro Recoba serait certainement encore à l’Inter, en train de donner un mal de tête à Roberto Mancini. Il y a dix jours, son pied gauche éternel de 38 ans marquait un nouveau coup franc décisif en plein Superclásico de Montevideo.

De même, Siniša Mihajlović défendrait encore les couleurs de la Sampdoria aujourd’hui. La semaine dernière, la Gazzetta dello Sport montrait l’entraîneur en train de martyriser son gardien Emiliano Viviano. Car un génie des coups de pied arrêtés ne vieillit pas. Comme leur nom l’indique, les phases arrêtées ont cette faculté d’arrêter le match et donc le temps, pour le rendre à ceux qui l’ont subi. Depuis 2002, la carrière de Leonardo Pisculichi a suivi la même courbe que l’un de ces coups de pied arrêtés dont il a le secret : le ballon subit un décollage rapide, puis une trajectoire flottante faite de hauts et de bas, le tout en tournant très vite sur soi-même, comme s’il n’était pas maître de son destin, pour enfin atterrir sur une tête, se faire consoler par deux grandes mains ou venir caresser des filets. Ce secret, c’est celui d’un prodige qui s’est paumé partout dans le monde avant de devenir une star de River à 30 ans passés.

Décollage et turbulences

Pisculichi est le descendant d’une famille croate : les Piškulić qui, comme beaucoup d’autres, ont préféré argentiniser leur nom (ce qui ne veut pas dire grand-chose dans un pays d’immigration). Il grandit à Rafael Castillo, ville banlieusarde située à vingt kilomètres à l’ouest de Buenos Aires, puis lègue son pied gauche de numéro 10 aux formateurs d’Argentinos Juniors, là même où ont été éduqués ceux de Maradona, Cambiasso et Redondo. Une convocation dans l’équipe des sparring partner de Bielsa en 2002, avec Mascherano et Tévez, un Mondial des moins de 20 ans en 2003, puis quelques buts glorieux en Primera. L’histoire de Piscu et River débute il y a neuf ans, en novembre 2005. Dans le petit stade Diego Armando Maradona, Piscu lance une roquette à 32 mètres des cages de German Lux et bat tout seul une équipe menée par Gallardo et Falcao. « J’avais le pied gauche fissuré, on m’avait fait des infiltrations pour que je puisse jouer, et je me souviens que j’étais sorti avec le docteur pour fêter ce but » , raconte-t-il dix ans plus tard au Grafico. La semaine précédente, avec le numéro 10 que porte aujourd’hui Juan Roman Riquelme, Leo avait marqué un quadruplé contre Tiro Federal. Le timing est parfait : les offres tombent et le pied gauche monte dans l’avion direction Majorque en janvier 2006.

Après une année de hauts – un penalty contre le Real Madrid des Galactiques – et de bas – l’arrivée d’Ariel Ibagaza – Al Arabi sonne à la porte avec un gros sac de billets. Pour être sûr de jouer beaucoup, se remplir un peu les poches et découvrir une nouvelle culture, Piscu traverse une autre moitié de monde. Au départ, le voyage n’est pas définitif. Sauf que « ce n’est pas facile de trouver une offre suffisante pour satisfaire les cheiks et partir » . Alors, Piscu reste au Moyen-Orient. Il y passera cinq ans, de 23 à 28 ans, ses meilleures années. En 2012, Shandong Luneng paye la rançon, au prix d’une triste saison : « J’ai vraiment passé un mauvais moment en Chine. Ça n’a rien à voir avec le Moyen-Orient. Les Chinois sont très fermés, ils ne parlent pas anglais et ne font aucun effort pour que tu puisses t’intégrer. Après, j’étais dans une petite ville et je pense que ça aurait été différent si j’avais vécu à Pékin… » , confie-t-il aujourd’hui. À ce moment-là du voyage, le ballon n’a absolument aucune idée d’où il va finir sa course.

La chute heureuse à River

En janvier 2014, Argentinos Juniors lutte pour ne pas tomber en deuxième division. Piscu accepte le défi sentimental et revient au pays. Malgré la relégation, une lucarne marquée à la Bombonera rafraîchit la mémoire de dirigeants de River qui sont contraints à un mercato à coût réduit. Mais River peut déjà compter sur Manuel Lanzini, meneur de poche de dix ans et vingt kilos de moins. Le destin de Piscu subira alors une déviation chanceuse : aux Émirats, l’Al Jezira Club a la bonne idée de dépenser dix millions de dollars sur le numéro 10. Marcelo Gallardo est donc contraint de faire de Piscu son milieu offensif titulaire, tantôt à gauche, parfois à droite. Dans cette équipe que la presse argentine s’empresse de surnommer à nouveau « la Machine » , Piscu devient le pied le plus décisif, déposant des ballons sur la tête de Téo Gutiérrez, donnant de la continuité aux manœuvres du jeune Kranevitter, et marquant des buts importants contre Rosario Central ou San Lorenzo.

Au milieu de la saison, le nouveau numéro 15 était responsable de 75% des buts de son équipe, et est devenu aujourd’hui la deuxième menace offensive du leader avec 5 buts marqués. À 30 ans, onze ans après cette sélection de moins de 20 ans qui devait en appeler bien d’autres, Piscu semble enfin à sa place. Au moment d’affronter Boca, Racing puis à nouveau Boca, la bande aura plus que jamais besoin des ballons fuyants de son gaucher. « Pendant toutes ces années, j’ai toujours senti que j’avais de quoi jouer pour un grand club. » Le pied. Il en avait le pied.

Targhalline : « Je n’avais pas d’autre choix que de réfléchir plus vite »

Par Markus Kaufmann, à Buenos Aires

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