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Leon McKenzie, de la Premier League au ring
Leon McKenzie est un combattant hors pair. Niveau football, un peu moins. Entre un bref passage en Premier League, une tentative de suicide, la prison et la boxe, le gamin de Croydon, dans le Sud de Londres, a dû user du crochet pour s’en sortir. Portrait.
Quarante-trois petites secondes. C’est exactement le temps qu’il a fallu à Leon McKenzie pour mettre KO le pauvre Kelvin Young et surtout être en mesure de remporter le titre de champion de Grande-Bretagne des super-moyens, ce soir. « Quand j’ai commencé la boxe, très peu de personnes pensaient que j’atteindrais ce niveau » , déclare Leon McKenzie. Celui qui a enfilé un short noir et doré, paré des drapeaux jamaïcain et britannique, mais surtout d’un « Big McK » , est aux anges. Depuis le début de sa carrière professionnelle, il a disputé neuf rencontres pour huit victoires et un nul. Il faut dire que Leon a grandi dans le bon environnement. Ses skills, c’est auprès du papa, Clinton, champion d’Europe dans les 80’s, qu’ils les a peaufinés. Mais aussi auprès de son oncle, le Duke, triple champion du monde super-coqs et poids mouche. Un papa qui est hyper fier de son fils : « Entrer dans le monde de la boxe comme ça après avoir joué au foot est tout simplement exceptionnel. Il est en train de réaliser l’impossible, c’est une énorme réussite. » Le petit Leon n’a pas commencé la boxe par hasard. « On m’emmerdait et j’ai dû régler mes problèmes tout seul. J’ai mis les gants et j’ai commencé à m’entraîner, rembobine celui que son paternel appelle « Champ ». J’avais seulement neuf ans, je n’étais pas forcement fort, mais j’ai découvert la boxe. » Mais avant cette nouvelle aventure qu’il a embrassée le 29 juin 2013, McKenzie a suivi une tout autre trajectoire : celle de footballeur. Un début de carrière à Crystal Palace, des fortunes diverses en Championship et surtout l’apogée à Norwich.
« Il était un peu voyou et puis il avait des amis bizarres »
Comme dans tous les bons films, la vie de Leon ne pouvait pas mieux commencer. Un papa devenu star grâce à la boxe et lui, repéré rapidement par Crystal Palace. Attaquant solide, Leon sent qu’avec son énergie et ses qualités de buteur, il peut faire son trou dans la discipline. Avec ses quelques buts, ses apparitions remarquées et son agressivité naturelle avec Peterborough, McKenzie est repéré par Norwich, alors en Championship. Arrivé à l’hiver 2003, il claque neuf buts en dix-huit matchs avec les Canaries, qui trouvent enfin l’oiseau rare qui les fera voler vers la Premier League. Déjà, Leon a un caractère bien trempé. Adil Amda, son ancien coéquipier à l’époque, se souvient de leur rencontre : « Pour mon premier entraînement, on s’est un peu accrochés. Il y a eu un gros impact et je me suis retourné, en le poussant, je lui ai dit : « Vas-y doucement ! » Il m’a répondu : « On joue au foot. Si t’as peur des contacts, c’est pas au foot qu’il faut jouer. » On voyait déjà qu’il était assez agressif, et dès que quelque chose ne lui plaisait pas, d’une manière ou d’une autre, ça partait souvent en clash. » Avant d’ajouter : « On savait qu’il avait du caractère, qu’il avait le sang chaud. Dès qu’on le voit, on se dit que c’est un peu lebad boy. Peut-être que, parfois, il essayait de jouer un peu de ça. Peut-être que, parfois, ça l’aide aussi… » McKenzie commence à se faire un nom dans le Royaume, effaçant même le record de clean sheets de Petr Čech. Pourtant, « McK » semble préférer les avantages de la vie de footeux aux terrains : « C’est le gars qui aimait les femmes et qui aimait la nuit, lance Francis Laurent, qui l’a croisé à Northampton en 2011. Il était un peu voyou et puis il avait des amis bizarres… Cinq à sept venaient voir des matchs de League Two. » Et malgré ses bonnes prestations en PL, la carrière de Leon ne décolle pas. Au contraire, il commence même sa descente aux enfers…
Jack Daniel’s, Gary Speed et Stevie Wonder
Après une série de blessures, Leon McKenzie sombre dans la dépression, au point d’être au bord du gouffre et de tenter de se suicider en 2010. « Ses problèmes ont débuté lors de son divorce avec son ex-femme. Il ne vivait pas avec ses enfants, raconte l’ancien Havrais Guillaume Beuzelin qui l’a côtoyé à Coventry lors de la saison 2008-2009. En dehors du terrain, il avait la tête ailleurs. J’ai su par la suite qu’il avait subi une dépression. Déjà à l’époque, on sentait que ça le travaillait. Parfois, il était dans un autre monde. » Mais, malgré un cocktail de Jack Daniel’s et de quarante pilules, Leon ne parvient pas à franchir la ligne, sauvé in extremis par les secours prévenus par son père à qui il avait fait ses adieux au téléphone. « La mort de Gary Speed m’a convaincu que je devais en parler. Je ne pouvais pas vivre en bonne conscience si un autre footballeur s’était suicidé sans que j’en parle. Il n’y avait rien dans les livres de coaching sur comment s’en sortir après la perte d’un proche par suicide. »
Car avant sa tentative de suicide, Leon a perdu sa sœur lorsqu’il évoluait à Peterborough. « Ma sœur Tracy m’a appelé quelques jours avant. Elle me disait qu’elle n’était pas heureuse. Je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, que ça irait mieux et que j’irais la voir bientôt. Juste après, ma mère m’a appelé, en pleurs. Elle n’était plus là. Elle avait vingt-trois ans » , écrit-il dans son livre. Une fin de carrière qui se finit tous les dimanches en Non-League, le désormais boxeur est aussi passé six mois par la case prison pour une histoire d’amendes et d’excès de vitesse impayés. Un séjour avec les « meurtriers et les violeurs » , comme il tend à le répéter dans son livre. Même en taule, cela aurait pu mal tourner à cause d’un compagnon de cellule. « Il y a toujours eu la tentation de se battre en prison et j’ai failli en venir aux mains avec un prisonnier irlandais qui est venu dans ma cellule. » Finalement, c’est la boxe et… le R&B qui viendront le sauver, sur des reprises, entre autres, de Kings of Leon. « McK » se permet même de claquer un couplet avec MC Harvey, rappeur plus ou moins reconnu outre-Manche. Dean Ashton, son compère d’attaque chez les Canaries, garde le souvenir d’un véritable crooner : « Il chantait tout le temps ! Même sur le terrain d’entraînement. Je crois qu’il se prenait pour Stevie Wonder… » Comme quoi, il ne faut pas grand-chose pour remonter la pente.
Par Gad Messika, Babacar Sall et Nicolas Taiana