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L’envol du Kondog’
Alors que Jardim pointait du doigt le manque de professionnalisme des jeunes joueurs français il y a quelques mois, Geoffrey Kondogbia est en train de prouver à son entraîneur que jeunesse peut aussi rimer avec rigueur. À onze jours de son quart de finale aller face à la Juventus, le milieu monégasque n'a jamais paru aussi affûté. N'est-ce pas, Arsène ?
À Monaco, cette saison, Geoffrey Kondogbia arbore le numéro 22. Comme à Séville il y a deux ans, et comme son âge. À 22 ans, beaucoup de jeunes de sa génération squattent les bancs de la fac, s’enivrent dans des soirées étudiantes jusqu’au petit matin et se demandent de quoi demain sera fait. Pas lui. Né en Seine-et-Marne, mais formé au Racing Club de Lens qu’il rejoint dès l’âge de 11 ans, Geoffrey Kondogbia aurait pu signer dans un top club européen sitôt son apprentissage dans le Pas-de-Calais effectué. Mais à l’inverse de son ex-coéquipier lensois Raphaël Varane, il a préféré gravir les échelons un par un, quitte à briller plus tard mais plus fort. Aujourd’hui titulaire à l’AS Monaco qu’il a rejointe à l’été 2013 après une année pleine en Andalousie, Geoffrey Kondogbia réalise une deuxième partie de saison exceptionnelle, en témoignent ses dernières prestations face à Arsenal et avec l’équipe de France. Pas toujours régulier l’an passé sous les ordres de Claudio Ranieri, l’ancien Sang et Or semble désormais avoir franchi un cap à la fois physique et psychologique. Grand artisan de la qualification monégasque face à l’ogre londonien en Ligue des champions le mois dernier, le jeune Français pourrait bien remettre le couvert dans quinze jours face à la Juventus. Sous les yeux de Paul Pogba, blessé, et d’un certain Didier Deschamps…
Jeune et ambitieux
Rien ne sert de courir, il faut partir à point, disait La Fontaine. Cette citation, Geoffrey Kondogbia pourrait l’avoir inscrite au milieu du front que ça ne choquerait personne. Confortablement installé dans le milieu de terrain de l’AS Monaco depuis un an et demi maintenant, le grand gaillard de Nemours a préféré revenir faire ses gammes en France plutôt que d’aller jouer les seconds couteaux chez une grosse cylindrée européenne. Un temps courtisé par le Real Madrid qui était prêt à lâcher huit millions pour en faire son Xavi Alonzo bis, Kondogbia était également sur les tablettes de City, Milan, Dortmund ou encore l’Inter. Et puis finalement, le choix s’est porté sur Monaco, son Rocher, son président milliardaire et son stade sur parking. Attiré par les nouvelles ambitions du promu, le joueur rejoint la Principauté en août 2013 pour vingt millions d’euros. Moins de deux ans plus tard, Geoffrey Kondogbia est devenu une pièce maîtresse du dispositif de Jardim et semble enfin paré au décollage.
Pourtant, cette sagesse apparente ne fut pas toujours sa principale vertu, comme le confirme Jean-Louis Garcia, son ancien coach au Racing Club de Lens : « Il était un peu impatient, comme ont tendance à l’être les jeunes d’aujourd’hui. Il aurait voulu que les choses arrivent vite, notamment au niveau de la qualité de ses performances. Il était très ambitieux et exigeant avec lui-même. Il pouvait parfois se mettre à marcher parce qu’il était en colère ou frustré. Tout le monde lui promettait le haut niveau et une belle carrière, et il voulait y goûter rapidement. On était en Ligue 2 et je pense qu’il aurait voulu qu’on joue tout le temps le haut du tableau. » À force de travail et de persévérance, le haut du tableau arrive deux saisons plus tard. Geoffrey Kondogbia a 21 ans et l’AS Monaco termine deuxième de Ligue 1 pour son retour parmi l’élite, à neuf longueurs du PSG d’Ancelotti. Alexandre Coeff, son pote et ex-coéquipier au RC Lens, se souvient lui aussi d’un garçon particulièrement déterminé : « J’ai le souvenir d’un joueur vraiment décomplexé. Il n’avait peur de rien. On sentait qu’il n’avait pas de pression particulière, alors qu’il faisait partie des plus jeunes sur le terrain. Il tentait beaucoup de choses, il aimait le ballon et ça se voyait. Alors qu’un joueur qui débarque en pro aurait peut-être simplifié son jeu, lui est resté comme il était et a continué de faire ce qu’il savait faire. »
Puissance 4
Si l’on devait mettre un adjectif sur le dos de Kondogbia à l’heure actuelle, « puissant » serait sans doute l’un des termes les plus appropriés. De son match référence à l’Emirates le 17 février dernier jusqu’à ses dernières prestations en équipe de France, c’est surtout cette force et cette capacité à percer les rideaux défensifs que l’on retient en priorité. Pour Jean-Louis Garcia, qui l’a entraîné pendant toute la saison 2011/2012, le jeune tricolore est avant tout un joueur extrêmement technique. « Ce n’était pas le récupérateur de ballon ni le joueur de pressing. Ce n’était pas naturel chez lui de chasser, de harceler et d’avoir un souci tactique de replacement. C’est un joueur grand, costaud, mais avant tout technique. C’est quelqu’un qui aime beaucoup toucher le ballon et parfois il avait tendance à trop le porter. Il sortait du lot par ses qualités techniques, sa percussion, sa capacité à trouver le décalage et des passes très compliquées qui cassaient les lignes. Malgré son gabarit, ce n’était pas un joueur de duels. »
Ce sens du contact et du défi physique, Geoffrey va notamment le développer en Espagne où il devient rapidement titulaire sous les ordres de Michel, puis Unai Emery. « Je pense que sa grande transition, ça a été à Séville où il a vraiment franchi un palier. J’ai été surpris, en bien, car il a montré des choses très intéressantes que je n’aurais pas soupçonnées vu son âge » , affirme Jean-Guy Wallemme qui l’a lancé chez les pros avec le RC Lens un soir de novembre 2010. « À la différence de Raphaël [Varane ndlr] à ses débuts, Geoffrey n’avait pas fait un grand match ce jour-là. C’était à Bollaert devant 35 ou 40 000 personnes et il s’était un peu noyé dans la performance moyenne qu’on avait pu faire. Il était un peu moins en confiance sur ce premier match. »
Un pilier pour le prochain Euro ?
La confiance, le champion du monde U20 2013 baigne désormais en plein dedans. Passeur décisif il y a cinq jours avec les Bleus pour sa troisième sélection, le Monégasque a volé la vedette à Alexandre Lacazette et Nabil Fekir sur qui tous les regards étaient braqués. Même si la concurrence s’annonce rude – notamment avec Paul Pogba avec qui il remporta la Coupe du monde U20 -, Geoffrey Kondogbia peut commencer à rêver en grand à moins d’un an et demi du prochain Euro. « Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il va s’imposer. Il a une mentalité de vainqueur, c’est un travailleur. Il aime être remarqué et il sait quoi faire pour cela. Il a pour projet de faire beaucoup mieux, d’aller beaucoup plus loin et je suis certain qu’il le fera. Avec Rapha et Paul, ça va devenir des cadres de cette génération » , conclut Alexandre Coeff. À l’évidence, la génération Y n’a pas dit son dernier mot.
Par Morgan Henry