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- Escroquerie immobilière
« L’entourage du joueur est souvent son plus grand ennemi »
C'est un scandale qui concernerait de nombreux joueurs de foot victimes d’escroquerie dans le cadre de dispositifs (légaux) de défiscalisation dans l'immobilier, dont certains seraient carrément confrontés à des dettes colossales. Le problème de l'escroquerie immobilière révélé par So Foot fin 2014, dans un dossier sur les footballeurs ruinés, connaît un nouvel écho avec la publication d’une enquête de L’Équipe il y a quelques jours. En quoi ça consiste, exactement ? Le mieux, c’est de demander à Marc Pérez, gestionnaire en patrimoine pour le groupe 2R, spécialisé notamment dans le conseil fiscal et financier.
En investissant dans des bâtiments historiques, quel était le but recherché par les joueurs victimes d’escroquerie immobilière, comme l’a révélé L’Équipe en début de semaine ? Le but de la loi Malraux ou Monument historique est de rénover des bâtiments dits « historiques » avec l’obligation de mise en location pendant un minimum de 9 ans. L’avantage de ce placement est lié au déficit engendré par les travaux.
En effet, la loi Malraux permettait jusqu’en 2009 de passer la totalité des travaux effectués dans l’année sans plafonnement de leur montant. Les joueurs de foot étant dans des tranches fiscales importantes, cela leur permettait de réduire une grosse partie de leur impôt. Exemple : je suis dans une tranche à 41% et je réalise 100 000€ de travaux, j’économise 41 000 € d’impôts. Depuis 2009 et 2013, des modifications ont été apportées pour limiter les déficits engendrés par les travaux. Néanmoins, cela reste très avantageux, car le gain fiscal engendré n’entre pas dans le plafonnement des niches fiscales de 10 000 €. La finalité consiste souvent ni plus ni moins à payer moins d’impôts, et d’utiliser l’argent de cet impôt pour se créer un patrimoine immobilier. Une fois les travaux terminés, l’impact sur la fiscalité est immédiat. Les travaux de rénovation réalisés sur un bien immobilier classé ou inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques permettent de bénéficier d’une fiscalité particulièrement attractive puisque ces dépenses sont déductibles du revenu imposable du contribuable qui les réalise sans limite et hors plafonnement des niches fiscales.
Comment peut-on se faire escroquer sur un tel dispositif ?En général, la victime se retrouve face à des projets jamais livrés ou livrés avec beaucoup de retard dans le meilleur des cas. Ou face à un prêt qui entre en amortissement alors que le bien n’est pas livré et qu’il n’y a donc pas de loyers versés. Ça peut aussi être des travaux qui traînent en longueur et qui se révèlent plus coûteux que prévu. Et face à cela, le seul à devoir rendre des comptes et payer reste la victime. En général, dans ces cas-là, pour se défendre, les angles d’attaque pour les avocats des victimes sont l’abus de confiance et le défaut de conseils. Encore faut-il que cela soit démontré et prouvé…
Quelles erreurs ont faites ces footballeurs ?L’erreur est malheureusement liée au facteur humain plus qu’à la loi elle-même. En effet, l’entourage du joueur est souvent son plus grand ennemi. Le joueur se concentre sur son travail et charge son entourage, souvent non qualifié, de gérer son patrimoine. Au vu des sommes engagées, des commissions importantes sont versées aux apporteurs d’affaires, ce qui facilite la mise en relation entre l’escroc et le joueur lui-même. La confiance apportée par l’entourage fait le reste. Le fait, comme le disent certaines victimes, de ne pas passer par un notaire, laisse perplexe. Toute acquisition en France d’un bien immobilier nécessite l’intervention d’un notaire. Il est facile d’imaginer que des procurations aient été signées afin d’éviter que l’acquéreur se retrouve face au notaire, et ainsi faciliter les signatures des projets. On ne présente au joueur que le gain fiscal, sans le mettre en garde des risques encourus. Toute opération de ce genre doit être accompagnée de garanties solides et efficaces afin de minimiser le risque, même si le risque zéro n’existe pas. Il faut être conscient qu’au vu des sommes engagées, il y a un facteur risque à ne pas négliger. L’art de ces escroqueries est justement de mettre ces risques sous cloche face à leur victime et de n’évoquer pour l’un (le joueur) que le gain fiscal et pour l’autre (l’entourage) que la commission qu’il va toucher.
Vers quels dispositifs plus sûrs de défiscalisation les footballeurs seraient-ils plus avisés de se tourner ?Tous les dispositifs légaux sont viables à partir du moment où ils sont bien montés. Il est nécessaire de s’entourer de compétences, et surtout de vérifier que ces dispositifs soient accompagnés de garanties. Il faut également rappeler qu’il est indispensable d’être présent face au notaire pour tout acte d’acquisition immobilière. Tous les dispositifs fiscaux légaux sont intéressants. On doit prendre en considération les objectifs du client, et lui trouver la solution. Chaque personne est différente. Il faut être accompagné de professionnels pour pérenniser ces opérations.
Est-ce une arnaque dans laquelle tombent beaucoup de gens, footballeurs ou pas ?Les arnaqueurs choisissent toujours leur cible en fonction de leur point faible. Comme nous le disions tout à l’heure, celui des footballeurs est leur entourage. Pour répondre à votre question, non il n’y a pas que les footballeurs qui tombent dans leurs griffes. Il est courant de voir des gens se faire arnaquer, et ce, quel que soit le niveau de revenus. Pour un arnaqueur, seul le point faible compte.
Les footballeurs ne seraient donc pas des cibles plus faciles du fait de leurs revenus ?Non, ils sont juste un peu plus exposés du fait de leur notoriété. Leur carrière ayant une durée limitée, ces derniers sont plus à l’écoute de la possibilité de développer leur patrimoine afin de maintenir un train de vie une fois leur carrière terminée.
Propos recueillis par Pierre Maturana