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Lens-Lille : des sanctions individuelles, et vite !
À la suite des incidents dans le derby du Nord, la LFP a dégainé ses sanctions classiques : des bons vieux huis clos qui punissent tout le monde sans satisfaire personne. Mais au lendemain de cette annonce, la ministre déléguée aux Sports, Roxana Maracineanu, a appelé à des « sanctions plus individuelles ». Ce n’est pas trop tôt.
Après trois ans au ministère des Sports, Roxana Maracineanu commence à connaître la musique. Alors, après les incidents qui ont émaillé le derby du Nord, la ministre déléguée aux Sports a décidé de changer de disque. Comment ? En appelant à une individualisation des sanctions, là où la LFP s’est enfermée depuis des années dans des punitions collectives, à base de huis clos injustes et inadaptés, qui n’ont aucun effet. Et aucun sens.
Une drôle de justice
C’est sur le plateau de BFM TV que l’ancienne nageuse a mis les pieds dans le plat : « On va aller vers des sanctions plus individuelles. Dans le stade de Lens, il y a l’attirail pour repérer individuellement les personnes qui ont agi. Il ne faut pas punir tout un stade ou un groupe de supporters parce qu’il y a des débordements qui concernent quelques personnes. » Ne pas punir tout un stade pour des agissements de quelques écervelés, c’est précisément ce que demandent la plupart des habitués des travées depuis des années. Cela paraît évident à rappeler, mais que ce soit à Nice ou à Lens, les incidents déplorables ne sont le fruit que de quelques individus. Dès lors, pourquoi priver le reste du stade de plusieurs matchs ? Pourquoi priver les supporters lillois qui n’étaient pas à Bollaert des prochains déplacements du LOSC ? Pourquoi priver aussi les supporters adverses des prochains matchs à Lens, à cause de débordements autour d’une rencontre qui ne les concernait pas ? On ne nous enlèvera pas l’idée que c’est une drôle de justice.
Au-delà de l’aspect purement injuste de la décision, cela ne fait d’ailleurs que creuser le fossé entre les ultras et le reste du stade, tout en balançant un tas de clichés et d’idées reçues dans ledit fossé. Arrêtons avec les raccourcis : si tout n’est évidemment pas rose dans un kop, tous les fauteurs de troubles ne sont pas forcément des ultras. Les incidents de l’Allianz Riviera, avec des projectiles venus de toutes les tribunes, sont là pour le rappeler. Et quand bien même un groupe voit quelques-uns de ses membres fauter, faut-il punir tout le monde ? Après tout, sur la pelouse, le carton rouge est individuel, lui. Et demander aux leaders d’un virage de se tenir responsables du comportement de centaines d’individus, c’est au mieux de l’hypocrisie, au pire de la bêtise. Non, les groupes ultras ne peuvent pas répondre des actes de toutes les personnes présentes dans leur tribune. D’autant que la plupart des personnes assises dans les travées populaires ne sont pas cartées et donc pas liées directement au groupe.
La Ligue, as-tu du cœur ?
Sans aller dans une politique de sanction à outrance, il est donc temps, comme le suggère la ministre, d’employer l’arsenal juridique à disposition des clubs pour éviter ces débordements. Avec les structures actuelles, fermer tout un stade au premier incident relève de la paresse. Sans remettre du grillage partout – ce qui animalise et excite plus qu’autre chose les supporters -, les solutions existent. Dans des stades « ultra-modernes » , où il y a plus de caméras braquées sur les tribunes que pour filmer le match, cela ne doit pas être très compliqué d’identifier clairement les fautifs et de porter plainte individuellement contre eux. À la justice de trancher ensuite. Encore faut-il que les clubs en aient le courage. « Il faut aussi que les clubs osent se séparer de certains « aficionados » qui apportent un certain nombre d’abonnés et de supporters, avec lesquels, historiquement, les clubs n’ont pas voulu se fâcher », a reconnu, lucide, Roxana Maracineanu, rappelant que « l’attirail des sanctions existe », mais qu’il « n’est pas suffisamment activé ».
À force de penser à protéger leur image avant tout, ainsi que leur relation avec ceux qui font l’ambiance de leur stade, les clubs se retrouvent dans cette position intenable, obligés de fermer les yeux sur des débordements qui pénalisent tout le monde. Car pour les groupes ultras dont sont issus certains fautifs – mais pas tous, on insiste -, cela dessert la cause. Le seul exemple du derby du Nord suffit à le rappeler, puisque les incidents à Lens ont eu lieu trois heures avant une première expérimentation encourageante pour le retour des fumigènes dans les stades, à Toulouse. Un hasard de calendrier qui fait tache, car samedi, on a bien plus parlé de Bollaert que du Stadium. Dommage. Autrement dit : alors que la cause ultra avance enfin en France – portée par quelques acteurs clés, et dont témoigne l’évolution du discours de la ministre à ce sujet -, il est temps d’appliquer des sanctions individuelles. Cela rendrait en vérité service à tout le monde. À commencer par les tribunes concernées.
Par Adrien Hémard