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Lens : à vivre une fois dans Séville
Certains leur promettaient l'enfer, les Sang et Or ont trouvé - à défaut du paradis - le bonheur à Séville. Dans la fournaise andalouse de Sánchez-Pizjuán où 2000 fidèles ont remué ciel et terre pour être de la partie, les hommes de Franck Haise se sont remis à l'endroit comme il le fallait.
Le poing est rageur, les visages radieux : lors de ce retour aux affaires sur le Vieux Continent, les Lensois ont probablement lancé leur saison. Il y a pire pour relever la tête que de le faire en Ligue des champions. Mais avant de se rassurer dans l’arène du Sánchez-Pizjuán, il a d’abord été question d’amadouer la cité andalouse. Des sticks par-ci, des chants par-là – non sans quelques œufs balancés par des locaux chatouilleux –, les Sang et Or ont investi Séville comme on entre à Disney : avec de grands yeux et de l’excitation à chaque coin de rue.
Le retour des ambassadeurs
Sous la relative fraîcheur des arbres du Prado de San Sebastian, quartier général du jour, Alexandre traîne non sans fierté son maillot Ola des années 1990. Comme ses compères, il a claqué quelques centaines d’euros (généralement entre 200 et 500 euros) pour cramer sous le soleil sévillan. Avec un argument, au-delà du plaisir : exporter le Sang et Or lifestyle. « On s’identifie aux valeurs du club, considère le trentenaire officiant dans l’immobilier. Ici, à l’étranger, les gens ne savent pas qui nous sommes. Quand on a loué la voiture à Malaga, le loueur nous a demandé quel était ce blason qu’on portait sur nos maillots. Quand on lui a dit que notre club jouait la Ligue des champions, il n’en revenait pas. C’est ça aussi qui est génial avec ce retour en Europe. Faire découvrir Lens. »
Avec son Moreira floqué dans le dos, Alexis, chargé d’affaires dans une centrale nucléaire, tire dans le même sens : « On s’est baladé toute la journée, les gens étaient curieux. D’autres nous prenaient pour des cinglés parce que certains ont fait 27 heures de bus pour être là. Le plaisir pour nous, c’est de montrer ce qu’est Lens, ce que ça représente avec les valeurs de solidarité et d’humilité. J’ai envie que lorsqu’ils rentrent dans le stade, les supporters de Séville se demandent qui sont ces malades dans le parcage. » Les Sévillans ont dans un premier temps jeté leur regard sur ce cortège, sur plus d’une centaine de mètres. Conduit par les ultras lensois et une bâche toute trouvée « Lens coupe d’Europe », le contingent du Pas-de-Calais était, de mémoire de supporters, l’un des plus impressionnants de leur histoire. Une demi-heure à sillonner la ville, escortés par une Guardia aux aguets, entre Corons résonnant jusqu’à Bollaert et torches rouges comme le soleil.
« On voulait se jauger et on l’a très bien fait. »
Mais une belle claque visuelle et sonore dans les artères andalouses ne ferait pas tout : fallait-il encore répondre sur le terrain. Et c’est bien là que les Lensois ont confirmé qu’il ne fallait pas si facilement les enterrer après cinq journées loin d’être réjouissantes en Ligue 1 (1 nul, 4 défaites). Entre Ramos, Rakitić et Ocampos, il s’agissait de « répondre à une entame très forte, jugeait Franck Haise. Il fallait faire preuve de caractère et de personnalité. Au fur et à mesure, la confiance a augmenté et on s’est sorti de cette forte pression. » En commençant par ce « but fou qui a fait beaucoup de bien », jugeait après coup Florian Sotoca. Une mine d’Angelo Fulgini, travaillée depuis un moment à l’entraînement. « Je me suis dit que ce serait le bon moment de le mettre, souriait Haise. C’était un vrai match de Ligue des champions, ce que nous n’avions jamais connu, avec une intensité différente de 99% des rencontres de Ligue 1, car continue. » Parce que si les Lensois ont d’abord joué leur rôle de petit Poucet, ils se sont, au fil des minutes, retrouvés pour « être à la hauteur de l’événement, poursuit l’attaquant artésien. On voulait se jauger et on l’a très bien fait. »
En début de semaine, les Sang et Or se sont, d’après Sotoca, « dit les choses. Il fallait jouer plus simplement, être plus humble. Nous avons montré le visage des années précédentes. Nous ne l’avions pas perdu, mais nous étions en difficulté et là on peut avoir la tête haute ». Un regard partagé par Franck Haise. Le technicien artésien ne voulait « pas être con » s’il ne prenait pas de plaisir en cette soirée. Il n’en a pas pris beaucoup car « un coach prend rarement de plaisir avant la dernière seconde, mais les joueurs ont montré de belles choses. J’attendais qu’on soit à la hauteur. Je ne sais pas si c’est du plaisir, mais vu la période dans laquelle on est, le Racing Club de Lens est toujours là. Avec ses valeurs, son ADN et sa qualité de jeu. » Qu’il faudra « être capable de reproduire », achevait l’entraîneur lensois. Bien conscient que dimanche face à Toulouse les paillettes européennes seront rangées dans le placard. Et qu’une autre bataille sera à livrer.
Par Florent Caffery, à Séville
Propos recueillis par FC.
Photos : Iconsport et FC.