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Lens, 33 jours plus tard
C'était il y a un mois et deux jours, un peu avant 22h : le RC Lens apprenait qu'il ne retrouverait pas l'élite. À l'heure de la reprise, que peut espérer le Racing pour la saison à venir ?
Eux, ils ont finalement vu le soleil. Le 13 octobre 2010, après 69 jours ensevelis sous terre, les 33 mineurs chiliens de Copiapó sortent de l’obscurité et retrouvent la lumière qu’ils n’auraient pas dû quitter – jusqu’à s’y brûler, plus tard, victimes mal préparées de la sur-médiatisation planétaire de l’événement. Du côté des corons, on n’en est pas encore là. La faute au but d’un remplaçant amiénois à la dernière minute des 3 500 que compte, grosso modo, la saison d’un club. La faute, aussi, à des virages mal négociés par le Racing, face à Auxerre, Le Havre ou Strasbourg pour ne parler que du money time. Résultat, Lens s’est retrouvé à la place du con au moment du baisser de rideau et va devoir s’enfiler une nouvelle fournée de Domino’s avec un risque certain d’indigestion. Le genre d’empiffrage qui rendrait raffinées les rations de survie envoyées pendant plus de deux mois à los 33.
Temps des cerises et gouttes de sang
33, c’est aussi le nombre de jours qui séparent les larmes et la sueur, la fin du bal et la reprise. Un peu plus d’un mois plus tard, il faut repartir au turbin. Une situation qu’a connue Pascal Cygan il y a près de 20 ans, à quelques kilomètres de là, avec Lille. En 1999, le LOSC ne retrouve pas la Division 1, la faute à une différence de buts défavorable par rapport à Troyes. Cygan se souvient : « Forcément, on est dépités. On part en vacances, mais il faut une bonne dizaine de jours pour se remettre la tête à l’endroit. » En revanche, la déception passée, les joueurs tentent d’en tirer le meilleur parti : « Tout ce qu’on peut faire, c’est faire en sorte de ne pas répéter les mêmes erreurs. On peut essayer de mieux se préparer individuellement pour ne pas revivre la même situation. » Pour surfer sur la vague, en somme. Avec ce petit bémol que pointe Pascal de Wasquehal, à propos de Lens : « J’ai cru entendre qu’il y aurait pas mal de changements. Est-ce que c’est la bonne solution ? Ce n’est pas sûr. »
De fait, à Lens, la dynamique est précaire. Solferino, la holding propriétaire du club, n’a que moyennement apprécié de rester coincé au pied du podium. Conséquence, le temps de la reprise sera aussi celui des changements en coulisses. Les patrons ont convoqué une conférence de presse à 14h30 ce mercredi, durant laquelle ils vont annoncer la montée en grade d’Arnaud Pouille au poste de directeur général, dans l’idée d’épauler Gervais Martel sur les aspects financiers. Un coup de main pour, à terme, bousculer l’emblème de plus en plus encombrant du Racing ? C’est en tout cas la direction que prend la rumeur.
Faire bander Bollaert
Pour l’instant, deux têtes sont déjà tombées : celles de Véronique Adam, responsable de la billetterie, et de Dominique Régia-Corte, speaker et responsable des relations avec les supporters. L’enjeu est grand, tant Bollaert peut être un acteur majeur de la saison sang et or. La cinquième affluence de France (28 996 supporters de moyenne) a beau être fidèle et passionnée, elle n’en peut plus de voir son Racing faire l’étoile de mer dans l’antichambre. Ni de mater Gervais Martel enchaîner les positions hasardeuses, jusqu’au dernier épisode de la contestation de la montée d’Amiens, à laquelle les Red Tigers ont répondu d’une gifle en forme d’avertissement : « Nous voilà, de nouveau, honteux des agissements de notre club. (…) Oui, 10 années que le RC Lens fait rire la France du foot ! (…) Sachez qu’on ne lâchera rien cette saison, qu’on ne laissera rien passer et que la seule finalité possible et envisageable, c’est la Ligue 1 ! » Au moins, c’est clair.
Il y a la pression populaire, et puis la situation financière. Avec son stade et son centre sportif, le Racing fait face à des frais structurels démesurés pour la Ligue 2 et doit gérer un budget de l’ordre de 20 à 30 millions d’euros. Résultat, en végétant dans la morne plaine de la Domino’s, Lens risque de devoir équilibrer en lâchant du lest, mettant en péril ses objectifs de sommets. Si les derniers mercatos ont été plutôt satisfaisants, celui de cet été apparaît nettement plus périlleux. Benjamin Bourigeaud, l’enfant du pays, est déjà parti à Rennes, de même que Mathias Autret (à Brest) et Kenny Lala (à Strasbourg). Quant à John Bostock, le meilleur joueur de la saison passée en Ligue 2, ou Christian Lopez et ses seize buts, ils vont être courtisés. Solferino et Casanova vont devoir dégainer leurs charmes pour retenir leurs perles.
De l’ombre à la lumière
Si, à Lille, le grand chambardement est en cours – emportant au passage Pascal Cygan l’apprenti entraîneur, qui s’est vu signifier sa non-participation au nouveau projet – à Lens, Alain Casanova devrait avoir une seconde chance à la technique. Mais surtout, tout pourrait se jouer dans les têtes selon celui qui a fait partie des Invicibles Gunners en 2003-2004 : « Psychologiquement, on commence la saison au taquet, peut-être que quelque part, on se sent plus forts. Et nous, on a fait une saison extraordinaire, contrôlée de bout en bout. » Bis repetita à Lens ? En tout cas, « ils sont dans la même situation que nous, ils ont l’obligation de monter, avec le potentiel du club, et les supporters qu’ils ont, ils sont obligés. Maintenant, il n’y a aucune garantie. » Vrai. Mais, en 2010, il n’y avait aucune garantie non plus de remonter 33 mineurs enfouis à 688 mètres de profondeurs. Alors, la prochaine fois qu’il commandera sa pinte au comptoir de la Loco, Arnaud pensera peut-être à cette histoire pour se remonter le moral. Pour se dire qu’il n’est pas un « poissard » et que non, son Racing Club n’est pas celui de la lose.
Par Eric Carpentier