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Leno et Ter Stegen : ennemis pour la vie
Ce mardi soir, l'affiche entre Barcelone et le Bayer Leverkusen réserve des retrouvailles particulières pour deux hommes, à chaque bout du terrain. Depuis plus de 6 ans, Bernd Leno et Marc-André ter Stegen sont les meilleurs ennemis des portiers allemands.
« Il faut en laisser un à la maison. » Rudi Völler n’a pas hésité à mettre les pieds dans le plat en juin dernier, à l’approche de l’Euro U21. Pour le directeur sportif du Bayer Leverkusen, les minots de la Nationalmannschaft ne peuvent prendre le risque d’une ambiance pourrie dans les vestiaires qui gâcherait leurs belles chances de victoire. Entre Marc-André ter Stegen (FC Barcelone) et Bernd Leno (Bayer), il faut faire un choix et en laisser un sur le bord de la route. Pourquoi ? Parce que les deux hommes se détestent cordialement et rivalisent depuis leur plus jeune âge. Parce que les deux hommes savent aussi très bien que si l’un jouera la compétition, l’autre observera. Ainsi est faite la dure vie du gardien de but.
Or Hrubesch, le coach des U21, a choisi de ne pas choisir. Il n’a pas séparé les deux rivaux pour mettre toutes les chances de son côté, selon lui. « Je serais fou de ne pas prendre avec moi deux gardiens de top niveau de ce genre » , avouait-il dès le début des qualifications, en 2013. Ensuite, c’est évidemment Ter Stegen qui s’est imposé comme titulaire. Le suspense n’a pas vraiment eu lieu : MaTS a joué en grande partie les matchs précédents des espoirs et vient de remporter la C1 à Berlin en étant titulaire. Pourtant, Leno n’est pas du même avis et tire la tronche. « Je ne comprends pas ce choix. Moi, je joue tous les trois ou quatre jours. L’autre non. » L’autre ne joue effectivement pas aussi régulièrement, relégué la saison dernière sur le banc pour le championnat – mais titulaire pour la Copa del Rey et la Ligue des champions. L’autre, c’est Ter Stegen, un nom que Leno n’arrive pas à prononcer.
L’enfer, c’est l’autre
Cela fait bien longtemps que Leno doit regarder son concurrent sans réussir à le détrôner. La situation traîne en longueur. La guerre froide entre les deux hommes existe depuis 2009 et une autre compétition européenne, chez les U17. C’est alors que la situation dégénère, avec pour motif principal une broutille de voisinage sur fond de concurrence extrême. Leno téléphone parfois tard, « lui [veut] dormir » . La cohabitation ne tient pas, et les insultes pleuvent façon Diaby et Ben Arfa dans À La Clairefontaine. Les ados sont séparés dans des chambres individuelles et se vouent aux gémonies. Jamais ils ne pourront être amis, plus encore sous un même maillot.
Le problème est en fait simple : Leno a eu le malheur de naître la même exacte année, en 1992, que Ter Stegen. Depuis leur enfance, ils ne font que se croiser dans les équipes de jeunes, luttant pour une seule place sans développer les mêmes qualités. « Tous deux ne sont pas des copies l’un de l’autre, c’est l’une de leurs forces » , déclare Horst Hrubesch, admiratif. Ter Stegen se montre plus à l’aise dans le jeu au pied ? Leno multiplie les prouesses sur sa ligne et les arrêts réflexes. Bernd Leno découvre le haut niveau sous la tutelle de Jens Lehmann au VfB Stuttgart ? Marc-André ter Stegen convoque Oliver Kahn comme son grand modèle à suivre. Les deux hommes sont comme deux aimants contraires.
The Tonight Show
À ce petit jeu, malheur au vaincu. Leno a toujours vécu avec une petite longueur de retard. La hiérarchie n’a jamais été véritablement remise en question. C’est Marc-André qui profite du terrain, tandis que Bernd regarde. Aujourd’hui, l’étape des espoirs dépassée, tous deux se disputent une place, et une seule : celle qui permettra de voir l’Euro 2016 avec Manuel Neuer et Ron-Robert Zieler, deux membres indéboulonnables de la Mannschaft. Il y a quatre semaines, après la dernière fenêtre internationale, Andreas Köpke a confirmé « qu’un ou deux jeunes gardiens seraient testés » à l’avenir. Ter Stegen était déjà dans le groupe. Leno n’a pas encore de sélections chez les A, mais il connaît le rôle de doublure comme personne.
Köpke va au Camp Nou ce soir, alors que la décision du groupe allemand pour les matchs contre l’Irlande et la Géorgie aura été donnée quelques heures plus tôt. Leno et Ter Stegen se savent observés, tant pour leurs performances dans les grandes compétitions que pour leur comportement et leur réaction aux annonces de ce genre. L’ancien gardien de l’OM prévient d’ailleurs : « Dans ce type de tournoi, il faut laisser son ego de côté. » La bataille va surtout être relationnelle et médiatique. Ainsi, les deux concurrents jouent désormais la carte de la sagesse et de la bonification avec le temps. Même Leno, souvent le plus amer des deux, met de l’eau dans son vin quand il parle dans les colonnes de Kicker : « On se respecte en tant qu’hommes et en tant que professionnels. » Sans dire son nom pour autant, à l’autre.
Par Côme Tessier