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L’énigme Sidibé
Présenté comme le futur meilleur latéral droit français, Djibril Sidibé peine à convaincre en Principauté.
Il est arrivé sur le Rocher comme un prince, lui, le latéral polyvalent promis à un avenir international. Il devait effacer dix années de médiocrité chez les latéraux français, chez les latéraux monégasques aussi. Mais le football est imprévisible. Et des deux recrues amenées à sniffer les lignes du stade Louis-II, c’est finalement Benjamin Mendy, sur qui se concentraient pourtant tous les doutes en début de saison, qui a tiré son épingle du jeu. Et la polyvalence de Djibril Sidibé, qui semblait être un atout, a finalement mis en lumière les carences de l’ancien Lillois.
Avec, comme point d’orgue, ce match aller contre la Juventus, où l’absence de Mendy était sur toutes les lèvres, tant elle s’est ressentie dans l’impact offensif et physique de son équipe. « Latéral gauche, on voit que ce n’est pas son poste naturel, il n’est pas à l’aise sur son mauvais pied et ça l’empêche de percuter correctement. C’est pas le même que Mendy » souligne Lilian Martin, ancien latéral droit de l’AS Monaco. Certes, Sidibé jouait sur son mauvais pied. Certes, Sidibé revenait tout juste de son opération de l’appendicite. Mais ces excuses auraient plus de poids si le joueur formé à Troyes n’enchaînait pas les prestations médiocres depuis maintenant plusieurs mois, à gauche comme à droite.
Encore le numéro un à droite, mais pour combien de temps ?
Et cette satanée polyvalence lui a planté une seconde épine dans le pied. Car à chaque fois qu’il doit suppléer le fragile Mendy à gauche, Sidibé offre une opportunité à ses challengers de droite, Almamy Touré et maintenant Nabil Dirar, de montrer l’étendue de leur talent. Et les deux n’en manquent pas, à tel point qu’on se demande comment Sidibé va pouvoir conserver sa place de numéro un dans l’esprit de Jardim. Bien que la récente reconversion de Dirar à ce poste n’en fasse pas un spécialiste, la rigueur et le goût du combat de l’international marocain tranchent vivement avec l’apathie dont fait régulièrement preuve l’habituel titulaire. Si Djibril Sidibé a des capacités physiques très au-dessus de la moyenne, lui permettant de faire l’essuie-glace dans son couloir, il garde pourtant cette fâcheuse tendance à bâcler les tâches défensives.
Souvent trop loin du centreur adverse, léger sur le marquage lors des coups de pied arrêtés (à l’Etihad Stadium, en Ligue des champions), adepte des fautes stupides (au Parc des Princes, en championnat), il manque également de concentration sur les situations « inattendues » , en témoigne cette propension à démarrer avec un temps de retard sur les seconds ballons dans sa surface. Rien d’irrémédiable selon Lilian Martin : « Je pense qu’il faut lui laisser un peu de temps, il est jeune. Il faut qu’il prenne de l’expérience pour arriver à gérer la profondeur, savoir prendre le couloir au bon moment. Sur certaines actions, il peut manquer de concentration défensivement, mais ça se corrige avec l’expérience. Quand il fera face à des situations similaires à celles où il a manqué d’attention, il se rappellera qu’il s’était fait avoir et il sentira mieux les coups. »
L’Angleterre est encore loin
Des lacunes de jeunesse pour un latéral dont on loue avant tout l’apport offensif. Problème : son influence sur le côté droit de l’attaque monégasque est nettement moins visible depuis un moment. Et si Lemar et Mendy ont su développer une belle complicité à l’opposé, celle qui aurait dû naître entre Bernardo Silva et Sidibé n’a jamais paru flagrante. Ça ne pourrait être qu’un détail si le latéral compensait tout cela par une qualité de centre remarquable. Mais, là aussi, il affiche un niveau insuffisant. S’il maîtrise le centre en retrait malin et parfois dévastateur pour la défense adverse, il a souvent toutes les peines du monde à lever correctement son ballon dès qu’il s’agit de centrer sans déborder.
Mauvaise nouvelle pour lui : Nabil Dirar et Almamy Touré sont plutôt doués dans ce domaine. Là encore ça se travaille, mais il faut vite mettre le bleu de chauffe si l’on en croit Lilian Martin, désormais coach : « Il est plus à l’aise offensivement. Il est bon dans la percussion et performant dans les remises sur les combinaisons courtes, les une-deux. Mais, balle arrêtée, il va falloir qu’il en bouffe des centres pour les mettre correctement devant le but. Quand il est le long de la ligne et qu’il faut centrer fort, il a trop tendance à mettre les ballons au sol. » L’été dernier, Sidibé a longtemps hésité entre Arsenal et Monaco, avant de finalement renoncer à ses envies de Premier League, pensant sûrement pouvoir viser plus haut que l’équipe de Wenger grâce au tremplin à la mode. Mais s’il veut voir sa carrière décoller et ses rêves d’Angleterre ne pas s’envoler, c’est d’abord à sa place sur le Rocher qu’il va devoir s’accrocher.
Par Christophe Depincé