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L’énigme Fredy Guarín
On ne sait jamais si son prénom prend un seul ou deux « d », on ne sait jamais s'il est fort ou s'il est nul, et on ne sait jamais s'il a vraiment réussi à s'imposer à l'Inter. Le Colombien Fredy Guarín, capable à la fois de réaliser des gestes géniaux et de manquer les contrôles les plus élémentaires, est une véritable énigme. Parce que sans contrôle, la puissance n'est rien. Mais quel joueur est-il vraiment ?
Sept sur sept. Fredy Guarín s’est montré décisif sur les sept derniers buts marqués par l’Inter lors de ses deux victoires contre Palerme (3-0) et l’Atalanta (1-4) : 3 buts, 3 passes décisives et un penalty provoqué. Depuis le retour de Roberto Mancini sur le banc de l’Inter, Fredy Guarín est redevenu un acteur incontournable du monde noir et bleu. Avec 12 titularisations en 12 matchs sous les ordres de Roberto Mancini, le Colombien a ainsi atteint un petit sommet de sa carrière en Italie. Mais sont-ce les premiers pas d’une saison de domination des milieux de toute la Botte ? Ou un mirage de plus ?
Guarín le dragon indomptable
Ce n’est pas la première fois que Guarín fait naître d’immenses espoirs autour de ses capacités, mais ce ne serait pas non plus la première fois qu’il arriverait à les ruiner. À son arrivée en provenance de Porto pour 15 millions d’euros en janvier 2012 (1,5 millions pour le prêt, 13,5 pour le rachat), le Colombien avait récupéré le numéro 14 de Diego Simeone et était venu remplacer Thiago Motta dans le milieu de Ranieri. Entre les blessures, les changements tactiques et l’arrivée d’Andrea Stramaccioni, Guarín était devenu en quelque sorte un animal étrange difficile à dompter. Une puissance exceptionnelle, une frappe de balle de mule et quelques gestes techniques improbables – un peu de semelle, un bon crochet extérieur et un goût certain pour le grand pont.
Mais aussi des moments de détachement complet, des contrôles en touche, une certaine présomption à l’heure de faire face à une prise à deux et donc un jeu qui manque cruellement de justesse et de bon sens. Un certain désamour pour les choses simples, peut-être. Fredy Guarín est un dragon, et toutes ces années, il lui est arrivé qu’il se brûle avec son propre feu. D’où l’enjeu fascinant pour les plus grands entraîneurs européens, qui ont l’un après l’autre tenté de le faire venir pour lui apprendre à cracher sa frappe de balle (Chelsea, Atlético, Real Madrid).
Guarín l’attaquant du milieu
En fait, ces doutes ont toujours existé. « À 16 ans, il n’était pas dans la liste des jeunes potentiels pouvant faire carrière. Personne ne pensait qu’il serait arrivé là où il est maintenant, ils disaient qu’il n’allait jamais avoir le niveau pour jouer en Europe… » , dit Bernardo Redin, l’entraîneur qui a fait débuter Fredy Guarín en équipe première à l’Atlético Hulia. À l’époque, le coach voit la flamme : « À l’époque, il jouait milieu offensif, il avait une superbe conservation de balle, une bonne vision du jeu et un grand tir » , racontait-il cette semaine aux micros de Diario Mio en Colombie. Des atouts qui se nourrissent tous de phases de jeu ponctuelles, et beaucoup moins de la construction d’un collectif.
Guarín se nourrit du collectif. Mais lorsque cela coince, il ne peut faire rouler la machine tout seul. En fait, il s’agit aussi d’atouts par nature inconstants. Et ce n’est donc pas étonnant de se rendre compte que le milieu a des statistiques d’attaquant : 2,9 tirs par match (9e de Serie A), 2,9 dribbles réussis par match (8e de Serie A), seulement 77% de passes réussies (plus que les 59% de Luca Toni, mais moins que les 84% de Tévez, pour donner une idée), 1,8 passe clé par match (18e de Serie A).
L’importance de Mancini, et de Brosović…
À Milan, le problème de Guarín a longtemps été de ne pas réussir à reproduire ces situations avec régularité. Et son rôle s’est ainsi rapidement réduit à celui de supersub. Lors de la victoire de Stramaccioni au Juventus Stadium en novembre 2012, c’est d’ailleurs son entrée à l’heure de jeu qui donne le souffle nécessaire pour faire tomber la forteresse turinoise. Un moteur de verticalité, oui. De jeu, certainement pas. Mais une fois de plus, Roberto Mancini confirme son don pour faire ressortir le meilleur de « talents controversés » . Dès son arrivée, le Mister avait étonné la Botte par son admiration pour le Colombien, affirmant rien de moins qu’un « Guarín est l’un des meilleurs milieux au monde » . Aujourd’hui, l’agent Marcelo Ferreyra ne doute pas une seconde de l’importance du Mancio dans le développement de son joueur : « Ce Guarín (une expression qui confirme qu’il y en a plusieurs depuis son arrivée à l’Inter) est le fruit du travail et de la confiance de Roberto Mancini. Ils partagent la même vision du football. »
Alors que Guarín semble plus libre et offensif que jamais, ces deux rencontres brillantes coïncident aussi précisément avec l’inclusion de Marcelo Brozović dans le milieu à trois de Mancini. Protégé par les kilomètres de Medel et le volume du Croate, et bien aidé par les mouvements de Shaqiri, Guarín s’épanouit enfin dans un milieu équilibré. Surtout, il peut se concentrer sur ce qu’il sait faire de mieux : donner de la verticalité et créer des situations de buts, par une frappe, une feinte de frappe, ou les deux en même temps. Guarín ne sera jamais Arturo Vidal. En revanche, il rappelle souvent au peuple nerazzurro les mouvements verticaux de Nicola Berti, qui a lui-même répété qu’il se revoyait parfois dans les enjambées du Colombien. Alors, les Interistes attendent encore de voir leur Guaro remonter tout le terrain pour marquer un but historique en Europe, comme Berti contre le Bayern. À Glasgow ?
Par Markus Kaufmann
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