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L’engouement autour de l’Euro est-il gâché par le contexte politique ?
Quelques centaines de supporters français étaient rassemblées sur la péniche Le Mazette, pour la projection d’Autriche-France animée par So Foot. Quiz, assiettes de nachos et bières à gogo étaient au rendez-vous. Une ambiance festive durant toute la rencontre malgré le contexte politique actuel du pays qui plombe le moral.
Mais où est passée la hype autour de l’Euro ? Déjà pas spécialement du côté des supporters français, quelques minutes avant l’entrée en lice de l’équipe de France (1-0 contre l’Autriche) ce lundi soir. Voilà trois jours que le tournoi a débuté en Allemagne et personne ou presque ne semble pris par l’enjeu. La faute au contexte politique français – une dissolution et des élections législatives surprises ? Sur la péniche Le Mazette amarrée quai de la Rapée (Paris 12e), les avis divergent autour de la question. Pour Titouan, l’actualité tendue n’a pas eu d’impact sur son excitation. « J’attendais le premier match avec impatience, ce n’est pas parce que c’est la merde dans le pays qu’on ne peut pas faire la fête ! L’Euro tombe au bon moment pour nous faire penser à autre chose. Le sport, c’est justement fait pour ça », assure-t-il, maillot floqué Griezmann sur le dos.
En attendant le ciel bleu
Même son de cloche pour Paloma, venue avec Anatole. Pour eux, l’Euro doit servir de prétexte pour réunir la population, comme lors de la victoire en Coupe du monde en 1998. « Je pense que ça va faire du bien aux Français d’avoir ce rassemblement autour du sport », estime Paloma. Pas une grande amatrice de football, Sarah est venue seule, lâchée par son copain pris par un imprévu au travail. Si elle estime qu’on ne peut pas faire fi du contexte politique, elle se veut toutefois optimiste. « Je pense que ça a changé pas mal de choses. L’actualité en général a été chamboulée, sinon ça aurait été axé sur les Bleus. Après, si ça peut permettre de fédérer, pourquoi pas ? On va espérer ! »
Si pour la majorité des personnes présentes, l’attente autour de l’Euro existe, pour d’autres il est évident qu’au moment d’entrer dans la compétition, le sentiment est différent. Dix-huit mois auparavant, la Coupe du monde au Qatar avait déstabilisé nos habitudes de consommation avec une programmation en hiver, dans un contexte propice au boycott, mais pour cet Euro « normal », la sensation n’est pas la même qu’en 2021 : « Je pense qu’il y a moins eu cet engouement comme on le voit avant tous les Euros ou les Coupes du monde. On ne se sent pas trop avant le début d’une grosse compétition… » Pourquoi, au moment d’entamer une nouvelle campagne européenne, ces personnes ne se sentent pas comme d’habitude ? Évidemment, le contexte politique y joue un grand rôle : « J’avoue que de prime abord, ça a un peu fait passer au second plan », glisse Clément entre deux gorgées de bière.
Une chose est sûre, le sujet anime les débats entre amis, comme Pierre et Flavien. Pour le premier cité, l’omniprésence du contexte politique fait de l’ombre au sportif : « On voit la conférence des Bleus, ils sont à fond, on a l’impression qu’ils sont limite plus engagés dans ça, avec la réponse de Mbappé comme quoi les élections c’est bien plus important que le match à venir. » Un avis pas forcément partagé par Flavien, qui en reprenant des frites, préfère manier l’humour pour expliquer le manque d’effervescence entourant cet Euro : « Pour moi, c’est le vent froid qu’on se prend dans la gueule, il ne fait pas beau, les mecs mettent des télés en terrasse mais il n’y a personne parce qu’il pleut… tout ça participe au manque d’excitation. »
Pierre en rajoute une couche sur ce contexte, qu’il trouve anxiogène : « Il y a un autre truc, je me disais : “Il y a la compète, on va pouvoir respirer un peu”, même si je partage les avis de (Marcus) Thuram et (Kylian) Mbappé, ça m’a fait dire qu’on ne peut même pas un peu respirer par rapport au foot. On ne peut même pas avoir une petite bulle de respiration. Mais après, ça reste des citoyens, s’ils veulent s’exprimer, ce sont des bons représentants. »
Il est souvent reproché aux joueurs de l’équipe de France de ne pas exprimer leur avis sur des questions sociétales. Pour ces élections, ont-ils eu raison d’appuyer autant sur ce sujet, quitte à mettre de côté le match de l’Autriche, comme a pu le faire Kylian Mbappé en conférence de presse ? Toutes les personnes interrogées sont unanimes à ce propos : « Oui, je pense que c’est important qu’ils aient pris la parole, on peut discuter de la forme et de ce qu’ils ont dit, mais pour moi, c’est important, ils n’ont pas d’obligation à le faire, en revanche ils en ont tout à fait le droit et c’est bien qu’ils le fassent », avoue Thomas. Clément, de son côté, pointe du doigt une situation compliquée quoi qu’’il arrive pour les Bleus : « S’ils n’avaient rien dit, ça aurait été vraiment bizarre et ça aurait encore plus monté en sauce. » Quoi qu’il en soit, cela n’a pas empêché les centaines de personnes présentes de vibrer sur chaque tacle de William Saliba, chaque accélération de Kylian Mbappé ou chaque récupération de N’Golo Kanté. La France a commencé son Euro avec la victoire, et c’est finalement en parlant d’un nez cassé que le pays va pouvoir retrouver des débats bien plus classiques autour du foot.
Par Lucie Lemaire et Maxime Verhille, à Paris
Tous propos recueillis par LL et MV.