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  • Décès de Johan Cruyff

L’enfance d’un roi

Par Axel Cadieux et Matthieu Rostac, à Amsterdam
16 minutes
L’enfance d’un roi

Entre sa naissance en 1947 et son premier match en équipe professionnelle de l’Ajax Amsterdam, dix-sept ans s’écoulent. Dix-sept ans à battre le pavé du quartier laïcard et communiste de Betondorp, à proximité du stade De Meer, l’ancienne enceinte de l’Ajax Amsterdam. Dix-sept ans à courir, dribbler, apprendre, gueuler, se rebeller, provoquer, émerveiller, fumer, chercher un père, s’affirmer et se faire un nom. Pour devenir Johan Cruyff, une bonne fois pour toutes.

Visage poupin, T-shirt blanc échancré, jean délavé sans forme et bracelet aux couleurs du Kenya : Rick Verheul, jeune Hollandais de 21 ans, accueille pieds nus, dans un grand sourire. Étudiant (donc) fauché, il s’occupe à temps partiel de l’entretien des jardins du voisinage pour récolter un peu d’argent de poche et faire baisser le prix du loyer. Il vit en colocation dans cette petite maison blanc et vert d’une quarantaine de mètres carrés. Un salon bordélique rempli de cadres et de cartons, de jeux de société qui jonchent le sol et d’assiettes sales sur la table. « C’est mon appart’, c’est vrai. Mais c’est aussi un peu le sien, et ça, je ne peux pas l’enlever de ma tête. Il est même venu nous rendre visite une fois. Regardez la photo accrochée au mur, c’est lui. Malheureusement, je ne suis pas à ses côtés, car j’étais derrière l’appareil… »

Quelle grande gueule il avait ! Il n’arrêtait jamais de parler et avait une opinion sur tout, tout le temps

Au centre du cliché, un type rayonnant, veste orange fluo sur les épaules, entouré de deux jeunes gens à peine intimidés par l’homme le plus célèbre des Pays-Bas : Johan Cruyff en chair et en os, de retour dans sa maison d’enfance, cinquante-cinq ans après l’avoir quittée. « Il a été adorable, a serré la main de tout le monde, nous a demandé la permission pour visiter. C’était très bizarre de le voir assis dans mon canapé, poursuit Rick. Ça a pas mal changé depuis le temps, des murs ont été abattus, mais j’aime imaginer que je dors dans sa chambre. » Le reste de l’année, quelques touristes espagnols curieux rôdent autour de la maison et jettent un coup d’œil rapide sans oser frapper. Certains tentent de déchiffrer le texte en néerlandais, une citation de Cruyff, qui recouvre une des fenêtres de la maison. Un coup de pub du promoteur du quartier, validé par Rick, amusé par tout ce folklore auquel il ne s’attendait pas vraiment. En revanche, il est moins enthousiaste au sujet du projet de transformation de sa maison en musée, ce qui l’obligerait à déménager avant décembre prochain. C’est qu’ici, Cruyff est une légende : avant de devenir roi d’Amsterdam, le joueur avait été sacré prince de Betondorp.

Bible, feuilles de soin et « Monsieur Ajax »

Betondorp, « le village en béton » , désigne un quartier à cinq kilomètres à l’est d’Amsterdam. Des centaines de maisons identiques à celle de Rick et un voisinage majoritairement composé de retraités. Ici, tout le monde se connaît, et le moindre étranger est guetté avec suspicion. En 1947, c’est dans une atmosphère diamétralement différente que naît le petit Johan Cruyff, dans un hôpital à quelques rues de là. Betondorp est alors une petite ville ouvrière à part entière, détachée d’Amsterdam, qui grouille d’échoppes, de bibliothèques et de lieux de vie. Ali Lagard, 89 ans et regard bleu profond toujours perçant, a passé sa vie ici : « Juste après la Seconde Guerre mondiale, je cherchais du travail dans un magasin de vêtements et la première question qui m’a été posée, c’était à propos du journal que lisait mon père, pour savoir si la famille était socialiste ou communiste. Si vous n’étiez ni l’un ni l’autre, je peux vous dire que vous n’étiez pas le bienvenu à Betondorp ! » Ali se lève difficilement et retourne auprès de ses copines du même âge, qui se retrouvent régulièrement dans cette ancienne bibliothèque réhabilitée en centre social. Au-dessus de leurs têtes, une inscription en latin vieille de quelques décennies, inscrite avec ironie dans des vitraux d’église : « Méfiez-vous des gens qui n’ont lu qu’un seul livre. » Sous-entendu, la Bible. C’est ça, l’ADN de Betondorp : un quartier très à gauche, anticlérical et créé ex nihilo dans les années 1920 pour résister au fascisme ambiant en éduquant les masses ouvrières.

Juste après la guerre, le « village rouge » accueille une nouvelle famille : les Cruyff. Le père, Hermanus, tient une épicerie au Akkerstraat 32, à l’endroit même où vit désormais Rick. Derrière le commerce, incontournable à Betondorp, Petronella « Nel » Cruyff s’occupe de la maison et de ses deux enfants : Henny, né en 1945, et Johan, de deux ans son cadet. Les frères sont sportifs, pour ne pas dire hyperactifs. Ils s’essayent au baseball – Johan joue receveur –, puis se tournent vers le foot avec les autres gosses du coin. Mme Swart, 86 ans, habitait la maison en face de celle des Cruyff. Désormais installée quelques dizaines de mètres plus loin, dans un petit appartement parfaitement ordonné, où trônent bibelots, photos vintage de son mari décédé et feuilles de soins médicaux, elle remonte soixante ans en arrière : « Johan avait tout le temps un ballon aux pieds. Il était très maigre, pas très robuste, et ça inquiétait d’ailleurs sa mère. Il jouait soit avec d’autres petits, soit contre un mur, tout seul. » Un autre voisin, Sjaak Swart (un patronyme répandu aux Pays-Bas), surnommé « Monsieur Ajax » pour son record de buts marqués avec le club amstellodamois entre 1956 et 1973, se souvient d’un gamin qui « à huit ans, jouait tout le temps dans la rue et qui a toujours fait partie du paysage. Il ne ressemblait à rien, tout maigre. Il évitait les coups, avait des yeux dans le dos » . Très vite, les recruteurs de l’Ajax qui ont l’habitude de surveiller les jeunes talents dans les rues de la ville le repèrent. Le stade De Meer, qui accueille les Godenzonen – Fils des dieux, surnom des joueurs du club –, se trouve à quelques centaines de mètres de Betondorp. En 1957, à 10 ans, le petit Johan obtient sa licence à l’Ajax, quelques semaines après que ses parents lui ont offert sa première paire de crampons. Un symbole, d’autant que la mère donne bénévolement un coup de main dans les cuisines de l’Ajax, pendant que le père livre chaque semaine le club en fruits et légumes. Johan a un pied dans l’institution phare de la ville et un talent hors du commun balle au pied. Forcément, il ne passe plus inaperçu. Et sa personnalité déjà bien affirmée n’arrange rien : « Quelle grande gueule il avait ! Il n’arrêtait jamais de parler et avait une opinion sur tout, tout le temps » , se souvient Mme Swart. Déjà, tout gosse, il mène les autres gosses à la baguette, impose sa vision des choses. Même aux adultes. « Quand j’étais enceinte, reprend l’octogénaire, Petronella lui demandait souvent de m’aider à porter les courses que je venais de faire. Son frère Henny aidait sans problème, mais Johan refusait, ça lui déplaisait beaucoup. Cela dit, on parle là d’un gamin, il n’était absolument pas méchant dans le fond… »

Adam, Eve et la baguette en bois

Village communiste ou pas, la famille Cruyff a l’entrepreneuriat dans le sang et le commerce monté par le père devient un passage obligé pour tous les habitants de Betondorp. Sans être né avec une cuillère en argent dans la bouche, Johan ne manque de rien. Mme Swart : « C’était une famille assez riche et visible à Betondorp. La politique du village, c’était d’attirer les gens qui avaient déjà une bonne situation professionnelle, et les Cruyff en étaient de parfaits exemples, ils travaillaient très dur pour prodiguer une excellente éducation à leurs enfants, car ils ne venaient pas d’un milieu particulièrement aisé à la base. Donc la priorité restait la discipline et le labeur, pas le foot, même si le père en était fou. Ce qui est sûr, c’est que ces gens donnaient tout pour leurs enfants… » En privé, le paternel n’imagine pas son fils faire carrière dans le football. Mais en public, au zinc, il clame que son fils « vaudra 100 000 florins » un de ces jours. Hermanus est à la fois le modèle et le moteur de Johan, celui auquel il veut ressembler et, surtout, qu’il ne veut pas décevoir. Alors en 1959, c’est un tremblement de terre pour l’enfant de 12 ans : « Manus » , victime d’une crise cardiaque, décède subitement, à 44 ans. Le petit village perd une figure publique et voit la famille se décomposer. Mme Swart s’en souvient parfaitement : « Ils étaient totalement intégrés, avaient de bonnes relations avec tout le monde, la mère était adorable. Quand le père est mort, ça a tout changé. Ils ne pouvaient plus tenir le commerce, alors ils ont fermé, puis ont déménagé à l’autre bout de Betondorp, et on ne les voyait plus que très rarement. Quant à Johan, il a été pris en charge par le club… »

À un âge où les autres enfants traînent encore dans les jupes de leur mère, Johan Cruyff va donc apprendre la vie à l’Ajax Amsterdam. À défaut de le faire à l’école… Au collège protestant Groen van Prinstererschool, où sa mère l’a inscrit parce que l’enseignement y serait meilleur, Cruyff ne goûte que très peu l’éducation biblique. Une constante dans la vie du joueur, d’après Henk Spaan, auteur du livre Le fils de Cruyff et autres poèmes : « S’il a apporté quelque chose à la société néerlandaise, c’est sa défiance envers les autorités, ne pas être des servants. Cruyff, de par son statut exceptionnel, n’était jamais soumis au pouvoir. C’est quelque chose que Cruyff a en lui depuis la mort de son père, l’autorité a disparu à ce moment-là. » Lors des cours de chansons religieuses, il s’amuse à lancer des changements de rythme pour mettre le boxon dans l’harmonie cantique.

Dès la fin des années 50, il allait voir le joueur le plus vieux de l’équipe et le tutoyait, tranquille ! Il était comme ça. Il en a probablement irrité plus d’un…

Il pose également beaucoup trop de questions sur le pourquoi du comment d’Adam et Eve, ou refuse de prier les yeux fermés, prétextant qu’il ne va pas à la messe le dimanche. En fonction, les punitions varient : recopier cent fois les phrases « Je suis Johan Cruyff et je pense avoir toutes les réponses, mais ce n’est pas vrai, parce que dans ce monde, je ne suis rien de plus qu’un grain de sable » ou encore « Le football est pour les pauvres d’esprit. Croire en Dieu est la seule Vérité, le seul sport authentique et profond. » Ça, c’est quand il ne se fait pas châtier à grands coups de baguette de bois sur les doigts. Une baguette de bois qu’il brise en deux sous les yeux de son professeur, engendrant le renvoi… de ce dernier ! Par la suite, Cruyff tente par deux fois d’obtenir son brevet des collèges. Sans succès. « Je n’ai pas eu une longue scolarité, donc j’ai tout appris sur le tas » , concède le piètre élève Cruyff dans l’ouvrage Soccer Men de Simon Kuper.

Tours en Solex et premières cigarettes

En lieu et place de brillantes études, Cruyff travaille à la boutique de sport Perry van der Kar située sur la rue Ceintuurbaan, à Amsterdam. Un job que lui a dégoté… l’Ajax. Tout comme celui de sa maman. En plus d’avoir refait sa vie avec Henk Angel, concierge du stade De Meer et surnommé « Oncle Henk » par Johan et son frère Henny, Nel est employée à plein temps par le club en tant que femme de ménage. Pendant qu’elle fait la poussière chez Keith Spurgeon et Vic Buckingham, les entraîneurs de l’équipe première, Johan, lui, parfait son anglais tous les jours à midi pile lors du déjeuner des tacticiens britanniques. Parfois, il accompagne sa mère jusque dans les vestiaires des joueurs, où il lui arrive de croiser les idoles Henk Groot et Sjaak Swart, le voisin. Ce dernier se souvient que « Cruyff revenait au stade après l’école, et renvoyait la balle… Il était tout le temps présent, comme s’il était programmé pour intégrer l’équipe première. Il était comme Messi aujourd’hui et il faisait des trucs jamais vus avec la balle. » Cruyff se sent à De Meer comme à la maison, et prend vite la confiance. « Dès la fin des années 50, il allait voir le joueur le plus vieux de l’équipe et le tutoyait, tranquille! Il était comme ça. Il en a probablement irrité plus d’un… » , rigole David Endt, ancien joueur et dirigeant de l’Ajax. À 14 ans, Johan Cruyff a tout du profil du « petit con » : pendant son temps libre, il fait les quatre cents coups avec Piet Keizer, de quatre ans son aîné, à qui il choure le Solex de temps en temps et avec lequel il tire sur ses premiers mégots. « Il fumait avant le match, après le match, parfois même à la mi-temps en cachette » , dixit Sjaak Swart.

Dans une note révélée par sa famille, Dolf Grunwald, psychologue du sport engagé par Rinus Michels, jusqu’en 1970, pour analyser les comportements des joueurs de l’Ajax Amsterdam – et notamment ceux de Cruyff –, écrit : « Cruyff refuse vraiment l’autorité parce qu’il compare inconsciemment tout le monde à son père. » Tout au long de sa vie, le joueur néerlandais n’aura de cesse de se chercher des mentors, puis de les jauger de 1 à 10 sur « l’échelle de Manus » . Avec, à chaque fois, le même schéma : une relation filiale qui débouche sur une crise d’adolescence informelle, avant de finir par une réconciliation. Ce sera vrai avec son agent et beau-père Cor Coster, tout au long de sa carrière, et ça l’est à l’époque avec Michels, son coach. La note du psychologue se poursuit en ces termes : « S’il pouvait arrêter de voir en Rinus Michels quelqu’un qui n’est pas aussi grand que son père, l’équipe ferait un grand bond en avant. » À l’époque pourtant, le créateur du totaalvoetbal multiplie les allers-retours entre Betondorp et De Meer pour amener Cruyff aux entraînements et aux matchs, même si la maison familiale se trouve à quelques jets de pierre du terrain de l’Ajax.

Sa mère lui interdit les matchs du dimanche à l’extérieur, jugés trop dangereux.

Seules deux figures patriarcales n’ont pas connu l’ire de Cruyff : Oncle Henk, notamment parce qu’il décède alors que Cruyff n’a que 35 ans, et celui qui permet à Johan de faire un bond en avant : Jany van der Veen, l’entraîneur des équipes de jeunes à l’Ajax dans les années 60. David Endt : « Van der Veen a rencontré Cruyff à 15 ou 16 ans. Il l’a fortement aidé, comme beaucoup d’autres jeunes. Il savait toucher les cordes sensibles et enseigner le métier avec discipline. C’était un grand homme, avec une approche très fine du foot. Il a essayé de cadrer Johan qui était un gamin très têtu qui pouvait vous rendre fou. C’était sa nature de tout faire à sa sauce, comme il voulait, sans prendre en compte l’opinion de ceux qui commandaient. » Van der Veen est le seul à obtenir le silence d’un homme qui a habituellement un avis sur tout. Ensemble, aux côtés de Barry Hulshoff et Wim Suurbier, ils remportent le championnat des Pays-Bas junior lors de la saison 1964-65. Vingt ans plus tard, la première chose que fait Johan Cruyff, fraîchement nommé entraîneur de l’Ajax, est de rappeler le formateur vétéran, âgé de 68 ans, pour une dernière pige au poste de chef du recrutement. Il découvre alors notamment les frères Witschge, Aron Winter ou encore Edgar Davids.

« Ils le défonçaient, ils le tuaient »

1964-65, c’est aussi la saison où Johan Cruyff débute en équipe première de l’Ajax, à l’âge de 17 ans. Le 15 novembre 1964, plus précisément, lors d’un déplacement en province de Groningue pour affronter le GVAV. Depuis plusieurs années, Cruyff a pour habitude d’en mettre plein les mirettes aux observateurs d’un jour, aux quatre coins des Pays-Bas, face à des gamins de son âge. Dont Henk Spaan : « J’étais présent lors d’un tournoi de jeunes à Amsterdam, le Pentecost Tournament. Il y avait des pépites de l’Ajax, du PSV, d’Arsenal… Tout le monde était très impressionné et c’est normal : c’était le meilleur, de très loin. Le seul que j’aie vu faire de telles choses avant lui, c’est peut-être Di Stéfano. » Naturellement, Cruyff s’installe dans le groupe pro ajacide. « C’était un enfant du club, ils le connaissaient tous depuis très petit. Et ils savaient qu’il allait devenir le meilleur, assure Henk Spaan. Ce n’est pas le problème d’être apprécié ou pas, c’était juste naturel, il était là tout le temps, faisait partie des murs. Ils étaient seulement un peu inquiets, car il était très chétif. Quand il a commencé en équipe première, c’était encore un problème. »

Pour sa première sur le terrain du GVAV, Cruyff – dont les journalistes locaux peinent à prononcer le nom – découvre que, malgré son statut de pépite à l’Ajax, il demeure un anonyme aux yeux de l’Eredivisie. Avec son petit corps, Johan est encore trop frêle pour les joutes boueuses et hivernales. « C’était assez violent. Cruyff était très vif, dribbleur, et comme ils ne pouvaient pas le stopper, ils le défonçaient, ils le tuaient! » , s’emballe David Endt. Et ça ne plaît que très peu à sa maman, Nel. Elle lui interdit les matchs du dimanche à l’extérieur, jugés trop dangereux. Au lieu de ronger son frein, Cruyff, pas encore majeur, poursuit son entreprise d’intégration au sein de l’Ajax. À sa manière : en contestant tout et en se frottant sans hésiter aux joueurs parfois les plus expérimentés du groupe. Pour le soutenir dans sa démarche, il s’appuie notamment sur Klaas Nuninga, attaquant de 25 ans, récemment signé par l’Ajax en provenance du GVAV. « Ils étaient proches dans leur positionnement sur le terrain donc ils se parlaient énormément, affirme Menno Pot, auteur de l’ouvrage historique Sporen van Ajax. Même à 17 ans, Cruyff parlait trop, et tout le monde avait peur de lui. Il avait une grande gueule. Nuninga arrivait du nord des Pays-Bas, donc un mec plutôt tranquille, sans ego, capable de savoir écouter et observer les gens. Il a très vite remarqué qu’en suivant les conseils de Cruyff, l’équipe devenait meilleure. C’est lui qui a convaincu le reste de l’équipe que ce que disait Cruyff pouvait leur être bénéfique. »

« La folie Johan Cruyff »

Dans la foulée, Cruyff s’installe définitivement en équipe première, rencontre Danny Coster au mariage de Piet Keizer le 13 juin 1967, puis se marie avec elle un an et demi plus tard, quittant par la même occasion le cocon familial de Betondorp à l’âge de 21 ans. Sur le terrain comme en dehors, la révolution Cruyff est en marche, doucement mais sûrement. David Endt est aux premières loges pour profiter du spectacle : « On n’avait pas l’habitude du foot de haut niveau, donc on ne pouvait pas comparer. On n’était pas sûr de la qualité réelle de Cruyff et de l’équipe. On savait qu’il était bon, mais à quel point ? Peut-être pas à l’échelle internationale… Mais en 1968-69, on a commencé à battre de grosses écuries. On se demandait si on n’était pas dans un rêve. Car jusqu’à présent, on était la lie de l’Europe. Et on s’est rendu compte de la folie Johan Cruyff. » Quarante-cinq ans plus tard, le quartier de Betondorp accueille un terrain baptisé Cruyff Court, construit par la Johan Cruyff Foundation. À l’endroit même où l’enfant du cru a réalisé ses premiers jongles. Le 5 juin 2014, Cruyff en personne a fait le déplacement pour venir inaugurer son espace dans son village. Ému, il laisse échapper quelques larmes avant de faire le tour de Betondorp. Et de faire un crochet par chez Rick, donc : « Avec mon coloc, on avait rangé le salon avant qu’il vienne, quand même… » Ça aurait été bête de gâcher la photo avec quelques assiettes sales.

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