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L’enfance de Yacine Adli au milieu des fans bordelais
Entre 2007 et 2012, Yacine Adli a passé pas mal de temps à manger des hamburgers au milieu de supporters bordelais, dans le bar parisien tenu par son père. Tout en supportant l'Olympique lyonnais.
La signature de Yacine Adli dans les toutes dernières heures du dernier mercato hivernal, les Girondins de Bordeaux la doivent essentiellement à Frédéric Longuépée. Le président, qui l’a bien connu lorsqu’il officiait en tant que directeur général adjoint chargé des questions commerciales au Paris Saint-Germain, a su trouver les mots pour le convaincre. Mais lorsqu’il a revêtu la tenue barrée du scapulaire pour la première fois, histoire de satisfaire les besoins des photographes, Yacine Adli ne s’est pas franchement senti dépaysé. Le milieu de terrain de 18 ans a en effet passé une partie de son enfance à traîner au milieu des effluves de houblon, les esgourdes remplies de chants à la gloire des Bordelais beuglés en plein Paris. Un éveil aux joies du supportérisme qu’il doit aux Marine et Blanc d’Île-de-France, ces fans des Girondins exilés dans la capitale, qui avaient fait du bar tenu par Abdennour, son paternel, leur QG.
Bière bon marché et victoires bordelaises
En 2007, les Marine et Blanc d’Île-de-France (MBIDF) existent depuis déjà quatre ans, mais connaissent une nette augmentation de leur nombre d’adhérents, grâce aux bons résultats obtenus par l’équipe dirigée par Laurent Blanc. À tel point que les murs de l’établissement dans lequel ils ont pour habitude de se réunir pour suivre les exploits de leurs protégés, situé près de la Gare de l’Est, ne peuvent plus les contenir. Il devient alors urgent de trouver un repaire plus conforme à leur nouvel effectif, qui compte désormais autour de 200 membres. Et c’est Alexandre, un membre du groupe, qui trouve par hasard le Z Caffé, grâce à Allomatch, une application fraîchement lancée recensant tous les bars diffusant du foot.
Très vite, Alex passe un deal avec Mourad, frère d’Abdennour et propriétaire du « Z » : le jeune homme garantit « un max de monde » durant les rencontres des Girondins, à condition d’être certain d’avoir une télé dédiée au match, ainsi qu’un tarif spécial sur la bière pour les membres des MBIDF. Marché conclu. Dès lors, ce sont, chaque week-end, des dizaines de Bordelais qui convergeront vers le 11 rue de Châteaudun, dans le 9e arrondissement, pour déguster les sucreries offertes par Gourcuff, Cavenaghi ou Wendel.
Le petit Yacine était fan de Lyon
« Être un des premiers bars à être référencés chez Allomatch nous a permis d’attirer pas mal de monde, dont les Bordelais, vu qu’on avait indiqué qu’on retransmettait les matchs des Girondins, rembobine aujourd’hui Abdennour Adli. Nous n’étions pas les seuls à diffuser les matchs de Bordeaux dans la capitale, mais nous avions la meilleure ambiance. » Les plus gros soirs, selon Abdennour, ce sont 80 sympathisants bordelais – 50 d’après les organisateurs – qui garnissent les longues tables du Z Caffé, qu’ils ambiancent avec leurs chants. « On était comme au stade, sauf que la bière coulait à flots » , résume Abdennour. Avec, au milieu de tout ça, le petit Yacine, 8 ans à peine, lorsque les matchs ont lieu l’après-midi. « Comme on faisait des super burgers, il s’en prenait un et s’installait devant un match, comme tout fils de tenancier de bar, se rappelle son père, avant d’avouer que Yacine vibrait pour une autre bourgeoise. Il se passionnait pour l’OL, c’était un fervent supporter, il adorait Juninho. Pour ses 12 ans, on lui a même offert une détection à Lyon. »
Rapidement, Abdennour Adli se lie d’amitié avec certains membres des MBIDF, à tel point qu’en mars 2010, l’association l’invite au Stade de France, en compagnie de Yacine, qui a alors 10 ans, à assister à la défaite des Bordelais face à l’OM, en finale de la Coupe de ligue. Au milieu du virage bordelais, Abdennour vibre comme rarement. Ce qui fera dire à Yacine, quelques années plus tard, lorsqu’il signera au PSG : « De toute façon, papa, toi t’es pas parisien, t’es bordelais. »
Flingué par beIN Sports
Mais toutes les bonnes choses ont une fin, et les MBIDF vident leurs derniers pichets de blonde aux alentours de 2012. La faute à l’arrivée dans l’Hexagone de beIN Sports et ses tarifs attractifs, selon Alexandre, qui est aujourd’hui responsable des déplacements au sein de l’association. Depuis, les matchs des Girondins se subissent dans le confort de son salon, à l’abri des regards, comme on s’inflige un plaisir coupable. Le Z Caffé baissera définitivement son rideau en 2015, Abdennour devant s’occuper de la carrière de Yacine, déjà approché par « des agents véreux, qui réclamaient des sommes pas possibles aux clubs intéressés. Il n’avait que 12 ans, mais l’un d’eux réclamait un million d’euros à Toulouse, Bordeaux, Monaco ou le PSG. Je n’étais même pas au courant. » Aujourd’hui, un restaurant japonais a remplacé « le Z » , rue de Châteaudun. L’ambiance y est, paraît-il, très calme.
Par Mathias Edwards