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L’Empire du Milieu s’invite à l’Atlético
La semaine passée, l'Atlético de Madrid officialisait l'entrée dans son capital du milliardaire chinois Wang Jianlin. Autrement dit, une première dans l'histoire du football européen. Par cet investissement, les Colchoneros espèrent dire adieu à leur tracas financier, tandis que la 42e fortune mondiale s'imagine en sauveur du football chinois.
Imposante de par son architecture soviétique et effrayante de par son inactivité, l’Edificio España est une vilaine tache qui pollue la Plaza de España de Madrid. Haute de 117 mètres, cette verrue aux 25 étages sonne creux depuis 2005 et son rachat par la banque Santander. Symbole de la bulle spéculative qui a détruit une partie de l’économie espagnole, ce bâtiment à l’abandon a finalement été racheté l’an dernier par un conglomérat venu de Chine. L’objectif n’est autre que d’y mettre un hôtel de luxe et un énorme centre commercial. Le groupe en question, le Dalian Wanda Group, ne compte pas s’arrêter là. Actuellement en pourparlers avec le gouvernement de Mariano Rajoy, il s’apprête à investir plus de six milliards d’euros sur 200 hectares. Luxe toujours, cette superficie devrait abriter pas moins de 10 000 villas. Un projet dont la démesure n’a d’équivalent que la fortune de Wang Jianlin, propriétaire du groupe et deuxième homme le plus riche de Chine. La semaine passée, il a cette fois trusté les Unes des quotidiens sportifs du pays. Et pour cause : en injectant 45 millions d’euros dans l’Atlético de Madrid, il en a acquis 20 % du capital.
La Chine et l’Inde plus que le Qatar
« Plus que cette injection de capital et l’amplification des fonds, l’idée est de nous mettre en relation avec une campagne globale, en croissance, que nous connaissons depuis trois ans. Je n’ai aucun doute qu’elle va nous aider à réussir notre expansion internationale, un objectif fondamental pour avoir la considération d’être un club global et être de cette manière un membre permanent des 16 meilleurs clubs d’Europe. » Gil Marin, fils du sulfureux ancien président de l’Atlético et actuel conseiller du club, rêve à voix haute lors de son déplacement en Chine. Aux côtés d’Enrique Cerezo, président colchonero, et de Wang Jianlin, homme aux 10 milliards d’euros, il s’imagine tout puissant. À vrai dire, difficile de le blâmer. En ouvrant le capital du club à un investisseur étranger, l’Atlético de Madrid ne fait que suivre le chemin emprunté par de nombreux autres fanions européens. En Espagne, l’expérience a deux précédents : Málaga et Valence. Le premier cité est un échec, le cheikh Abdullah Ben Nasser Al Thani se souciant peu des soucis financiers des Boquerones. À Mestalla, Peter Lim, milliardaire de Singapour, a lui réanimé toute la ferveur et les ambitions locales.
L’investissement de 45 millions d’euros du magnat chinois de l’immobilier est un pas de plus vers l’internationalisation du club. Malgré sa dette de près de 500 millions d’euros, l’Atlético s’assure un partenaire de poids tout en s’ouvrant à un marché juteux. Loin des modèles du PSG, du Real Madrid ou encore de Manchester City qui s’enracinent dans la péninsule du Golfe, la direction des Matelassiers a choisi comme cible les deux mastodontes asiatiques : l’Inde et la Chine. Après son partenariat avec le gouvernement de l’Azerbaïdjan, l’Atlético parraine actuellement une franchise de l’Indian Super League, l’Atlético de Kolkata. Un partenariat dans lequel les Rojiblancos prêtent leurs couleurs et offrent leurs services en terme de formation et de gestion économique – une certaine idée du comble, hein. En contrepartie, le club madrilène détient 25 % de l’Atlético de Kolkata. En cas de succès populaire, les retombées économiques peuvent être immenses dans un pays qui compte plus d’un milliard d’habitants… Surtout, les Colchoneros espèrent bien attirer un nombre important d’annonceurs de ces géants d’Asie.
Un investissement pour la formation de jeunes Chinois
Cette stratégie, qui mise sur le long terme, permet également à l’Atlético de conserver son modèle de gestion. Car Gil Marin l’assure, « Wang Jianlin n’a aucune intention de le modifier » . Désormais présent dans le conseil d’administration, le milliardaire chinois laisse à Gil Marin ses 52 % d’actions et à Enrique Cerezo ses 20 à 8 %. La 42e fortune mondiale selon Forbes est même un amoureux de longue date du ballon rond. Lors du millénaire précédent, il avait ainsi créé le premier club professionnel chinois, le Wanda Dalian. Après avoir quitté en 1999 la scène footballistique à cause de la trop grande corruption qui y régnait, il revient aux affaires en 2011. Cette année-là, il signe un partenariat avec la Fédération nationale pour envoyer de nombreux jeunes en formation en Europe. « J’ai investi beaucoup d’argent là-dedans, rappelait-il la semaine passée. Mon espoir est que les jeunes Chinois puissent jouer des matchs de championnat européen. J’espère que trois à cinq de ces jeunes pourront jouer dans de grands clubs européens, et que, dans cinq ans, des joueurs formés en Espagne participent à la Coupe d’Asie avec la sélection chinoise. » Jeunesse toujours, il avait rencontré la première fois Enrique Cerezo en juin 2014 pour superviser la progression des jeunes Chinois évoluant dans la cantera de l’Atlético. Par là même, il avait repéré l’Edificio España avant de se l’offrir le lendemain. Ou quand le football n’est qu’un prétexte…
Par Robin Delorme, à Madrid