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L’élégant Iborra, au nom de la fille
Méconnu du grand public, Vicente Iborra n'en demeure pas moins un joueur rare de par sa technique et son grand gabarit. Surtout, ce milieu tout terrain formé à Levante a su se remettre de la mort prématurée de sa fille. Présentation d'un artiste touchant.
Vicente Iborra de la Fuente respire et transpire la classe. Plus que son blase poétique, Vincent de la Source – en VF – « c’est l’élégance même sur le terrain » , confirme Timothée Kolodziejczak, son nouveau coéquipier sévillan. Milieu tout terrain, ce grand gaillard, né dans la province de Valence en 1988, est devenu l’une des pièces fondamentales du système d’Unai Emery. Un joueur polyvalent, ambidextre des pieds, aussi fin techniquement que puissant physiquement, capable de résoudre pas mal de casse-têtes tactiques de par sa seule présence. « C’est un joueur très technique, très à l’aise avec le ballon. Il accompagne énormément les actions offensives. Et malgré cela, il se bat constamment au milieu de terrain et court beaucoup. C’est un milieu de terrain ultra-complet » , résume Grzegorz Krychowiak, souvent aligné à ses côtés pour former le fameux doble pivote du coach basque. Encore décisif le week-end dernier face à Cordoue, il devrait être de la partie face au Borussia Mönchengladbach ce jeudi. Entre caresses et coups d’épaule, Vicente Iborra fait son nid.
« Il est brisé, mais il veut jouer »
Plus connu pour son style tout en testostérone qu’en neurone, c’est pourtant la cantera de Levante qui façonne Vicente Iborra. Pour cause de marasme financier durant l’été 2007, la direction des Granotes est dans l’obligation d’inscrire des jeunes pousses de son centre de formation. Plus forcée que voulue, la promotion avec l’équipe première d’Iborra est une bénédiction pour les spectateurs du Ciutat de Valencia. Rapidement, il devient un maillon important du milieu de terrain et participe grandement à la remontée en Liga du club à l’été 2010. Sélectionné avec les Espoirs espagnols la même année, sa croissance ne semble connaître aucun contretemps. Et ce, jusqu’en décembre 2011. « Actuellement, il est brisé, mais il m’a demandé de jouer si je l’en pensais capable » , raconte en ce 10 décembre Juan Ignacio Martinez, alors entraîneur de Levante. Suite au décès de sa fille Alma, enfant prématurée née après seulement six mois et demi, il entre en jeu et participe à la victoire des siens face à Séville. Hasard de la vie, c’est ce même FC Séville qu’il rejoint à l’été 2013 contre six millions d’euros.
« Tu viens de me l’apprendre, réagit Timothée Kolodziejczak à l’annonce de ce tragique événement. Ça ne se sent pas du tout, le mec a toujours le sourire, il ne se plaint jamais. Il n’a jamais l’air triste, pensif. » Penser, il le fait avec ses pieds. Annoncé comme le nouveau Busquets par ses anciens dirigeants de Levante, il débarque au FC Séville avec le costume de remplaçant de Kondogbia et de Medel. Pas toujours aligné, il est toujours bon lors de son premier exercice. Face au soi-disant manque de considération d’Unai Emery, une partie de la direction des Palanganas commence à s’agacer. Lui ne se plaint pas et cravache à chaque entraînement. Cette saison, la donne change. Rakitić parti au FC Barcelone, Iborra prend du galon. « J’ai eu l’occasion d’être très souvent aligné avec lui, entame l’ancien Rémois, inconditionnel du XI sévillan. On s’entend très bien sur le terrain. À force de travail, des affinités se sont créées. » Pour Timothée Kolodziejczak, il est tout simplement « vraiment au-dessus du lot techniquement » .
Kolodziejczak : « Il apporte beaucoup de solutions »
« Il est très longiligne. Il apporte à la fois de la qualité technique dans la relance, sur les premières passes, mais aussi de la présence athlétique. Il a un gros volume de jeu » , poursuit l’ancien Niçois. Cet alliage entre finesse technique et puissance physique – le gaillard culmine à un mètre 90 – offre de multiples solutions à son entraîneur. Tant et si bien que ces dernières semaines, « il a pris de plus en plus de place dans l’équipe » , dixit ce même Timothée Kolodziejczak, et Unai Emery le positionne un cran plus haut. En numéro dix, à la place des deux esthètes que sont Ever Banega et Denis Suárez, il détonne. « C’est lorsqu’on a besoin de jouer un peu plus long, pour jouer les deuxièmes ballons, explique le défenseur formé à Lyon. Par sa taille, il nous apporte beaucoup de solutions parce qu’il a un très bon jeu de tête. Il nous permet de ressortir rapidement pour ensuite rester haut dans le camp adverse. » En chiffres, son apport se limite à deux buts, mais « il arrive toujours à se créer de nombreuses situations » , rajoute Grzegorz Krychowiak. Avec cette élégance folle, même Marcel Pagnol ne serait pas contre un mariage avec sa Manon. Manon de la Fuente, donc.
Par Robin Delorme, à Madrid