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Leipzig : douze hommes en colère
En Pokal, le Bayern Munich a souffert, mais tenu le coup pour passer un tour de plus. De justesse, à onze contre dix et aux tirs au but. Un match qui va laisser des traces et ouvrir la voie à un net succès de Leipzig, grâce à ses douze hommes en colère.
Mercredi soir. Dernier tireur pour le RB Leipzig, Timo Werner manque d’assurance, de fermeté ou de roublardise devant Sven Ulreich. Sa frappe est molle. Son tir au but est arrêté. Le Bayern passe le 2e tour de la Pokal sur un fil et élimine un gros concurrent à la victoire finale. Pourtant, tout ceci est un trompe-l’œil. Si la qualification est pour le Bayern Munich, la différence dans le jeu ne saute pas aux yeux… et aurait même plutôt tendance à avantager Leipzig. Si Werner manque de jus au dernier moment, Leipzig a prouvé pendant 120 minutes que son équipe ne se laissait pas marcher sur les pieds si facilement. En conférence de presse, Ralph Hasenhüttl a trouvé les siens « héroïques » mercredi. Pour cette fois-ci, il a promis une équipe « en mode combatif » . Ce samedi, les Bavarois vont les retrouver dans un nouvel état : en colère. Ils seront tous en colère, du terrain aux vestiaires, pour mieux vaincre le Bayern.
Upamecano et Gulácsi, gardiens du temple
Gulácsi s’est distingué en Coupe d’Allemagne. Sur tous les ballons envoyés par Munich dans sa surface – en dehors de la tête de Thiago Alcántara, bien compliquée à déloger –, le gardien hongrois a été sans conteste celui qui a permis à Leipzig de tenir jusqu’aux tirs au but. Mais il n’a rien pu faire sur les cinq tirs qui ont suivi, parfaitement réalisés par les Munichois. Gulácsi a donc une revanche à prendre pour garder son but inviolé. Il peut compter pour cela sur son cerbère, Dayot Upamecano. Le jeune Français poursuit ses prestations impressionnantes, propres et solides. Rien qu’à cause de ces deux-là, le Bayern a du souci à se faire, et Lewandowski aura aussi peu d’occasions qu’en Coupe.
Keita et Augustin en dynamiteurs
Mercredi soir, pendant quarante-cinq minutes, le Bayern a été passé à la moulinette des joueurs de Ralph Hasenhüttl. Alors que la patte Heynckes se présente bien à l’entame, avec un jeu plus volontaire, plus direct, la mise en place de Leipzig a vite contrecarré le tout façon gegenpressing du Dortmund du début des années 2010. Cherchés très haut avec l’activité sans faille de Kampl et le repli de Poulsen, Thiago, Tolisso et Vidal ont perdu leurs repères et cédés bon nombre de ballons importants dans leur moitié de terrain. Dès lors, Leipzig a souvent surpris Kimmich et Alaba, positionnés trop haut, par les ballons en profondeur de Keita et les appels d’Augustin, déjà adopté par son nouveau club. À eux deux, avec plus de réussite, ils peuvent faire sauter le verrou munichois très tôt.
La vitesse de Werner
Plus intéressant encore pour Leipzig, Timo Werner devrait être de la partie à 100 %. Convalescent depuis plusieurs semaines, il a eu le temps de retrouver le rythme avec une heure de jeu face à Stuttgart et une entrée en jeu en Pokal pour la fin du match – avec son équipe en infériorité, et bien seul devant. Comme Paris avait profité des vitesses de course de Mbappé et Neymar au Parc des Princes, Leipzig va compter sur son feu follet pour punir les Bavarois s’ils prennent le ballon et le jeu à leur compte. L’arrivée de Heynckes n’a pas changé grand-chose à ce problème-là : en contre-attaque, le Bayern a tendance à être naïf et fébrile sans son libéro Neuer. Mercredi, Werner en avait déjà profité une fois pour aller jusqu’au but, avant d’être repris pour une position de hors-jeu. Ce ne sera pas toujours le cas.
La véhémence de Rangnick
Autre homme clé du retour de bâton : le directeur sportif. À la mi-temps du match de Pokal, Ralf Rangnick s’est illustré par une entreprise désespérée : venir sur le terrain, portable à la main, pour discuter avec l’arbitre de la pertinence de sa décision de ne pas accorder un penalty à son équipe. Au lieu de le faire dans un espace clos, loin des regards, Rangnick a assumé de mettre la pression au grand jour. Devant ses spectateurs et ses joueurs.
Pour le soir même, cela n’a pas suffi. Mais avec trois jours supplémentaires pour ruminer, il va faire passer le mot : la situation se doit d’être rectifiée, de la meilleure des manières possibles. Pas dans les coulisses. Sur le pré. À onze contre onze. Là, ils ont toutes leurs chances de bouffer du Bavarois. Rangnick va l’expliquer à ses joueurs et les faire se sublimer.
L’esprit de revanche d’un collectif
Même sans parler de son directeur sportif, l’état d’esprit a changé depuis trois jours. Alors que le match du milieu de semaine était abordé avec une certaine sérénité par Hasenhüttl, le suivant a cet élément de surprise de l’envie de corriger la situation et s’affirmer dans le trio de tête. Leipzig n’est plus un outsider, pas en Bundesliga. Statistiquement, le RB concurrence sérieusement son adversaire et le dépasse sur certains points. Si Leipzig tire moins au but, l’équipe court plus de kilomètres (116,1 km courus par match en moyenne contre 112,6 km) et surtout domine largement sur les dribbles tentés et réussis (seule équipe au-dessus des 10 par match en moyenne).
Le RB file ainsi à son rythme de croisière sans tant souffrir des matchs à répétition. La réussite au Westfalenstadion de Dortmund, où Leipzig a mis fin à plus de deux ans d’invincibilité, va dans le bon sens. La première victoire arrachée en Ligue des champions a confirmé que le club était déjà à hauteur des meilleurs. Même dominés, comme à Dortmund, Leipzig sait trouver les ressources pour faire la différence. Alors après la correction de l’année dernière avant l’hiver, au moment où Leipzig était le seul concurrent pour le titre, et la piteuse élimination aux soupçons d’injustice, les Bullen vont foncer tout droit. Sur Ulreich. Sur la défense du Bayern. Parce qu’il y a une pilule à avaler.
Par Côme Tessier