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Leicester reprend du Puel de la bête
Un peu plus de quatre mois après son éviction de Southampton, Claude Puel a été nommé dans la soirée de mardi commandant de bord d’un Leicester qui ne cesse de dériver depuis son titre de champion surprise décroché au printemps 2016.
Six mois qu’ils attendaient ça : l’ivresse d’une victoire à l’extérieur. Au bout d’un voyage déguisé en team building au pays de Galles samedi dernier, Leicester est redevenu Leicester. Soit une équipe compacte, revenue à la base de ses succès – un 4-4-2 qui explose en contre-attaque grâce à la puissance de ses bras Mahrez et Albrighton – et qui gagne, surtout, ce que les Foxes n’avaient jusqu’ici réussi à faire qu’une fois cette saison en championnat (face à Brighton, le 19 août dernier, ndlr). Quartier-maître d’un navire qui ne cesse de traverser les vagues depuis la conquête d’un titre de champion d’Angleterre au printemps 2016, Wes Morgan a alors profité des trois points décrochés à Swansea (2-1) pour envoyer une dernière calotte derrière la tête de Craig Shakespeare, ancien adjoint devenu entraîneur en chef après la chute par-dessus bord de Claudio Ranieri, viré à son tour le 17 octobre dernier : « On a vu aujourd’hui un Leicester à l’ancienne, ce qui est très bien. » L’équipage des Midlands a toujours été comme ça, accroché à des principes, conservateur, et il vit depuis plusieurs mois dans la nostalgie d’un rêve éveillé traversé il y a maintenant dix-sept mois.
Difficile de lui en vouloir quand, avec ces recettes, il a touché un quart de finale de C1 contre l’Atlético au printemps dernier (0-1, 1-1) et une douzième place honorable en championnat grâce notamment à une série incroyable validée à l’hiver dans la foulée de l’arrivée sur le banc de Shakespeare. Puis, l’été et ses incertitudes : Danny Drinkwater, ventricule essentiel au jeu des Foxes, qui signe à Chelsea le dernier jour du mercato ; les documents pour son remplaçant, Adrien Silva, qui sont envoyés quatorze secondes trop tard et empêche le club de l’aligner jusqu’en janvier 2018 ; Craig Shakespeare qui commence à bricoler pour démêler les nœuds d’un début de saison pourtant marqué par une entrée en matière convaincante face à Arsenal (3-4), qui tente des coups tactiques comme Ranieri avant lui, qui échoue, qui saute. Les dirigeants du circuit n’ont plus le temps d’attendre, l’histoire est désormais connue. Parfait, pendant ce temps, un entraîneur à brosse attendait en silence « un bon petit projet(…), un coup de cœur » . Son nom ? Claude Puel. Gary Lineker peut hurler tout haut « Claude Puel ? Really ? » en référence à son « Ranieri ? Really ? » de juillet 2015, le candidat idéal, c’était bien lui.
PowerPoint et voyages
Interrogé dans la soirée de mardi, le vice-proprio des Foxes, Aiyawatt Srivaddhanaprabha, n’a pas dit autre chose : « Quand on a commencé à chercher un nouveau manager, le board a établi une short list de candidats, et Claude Puel était le profil idéal. » Le plus abordable, aussi, tant les rumeurs des dernières semaines ont envoyé un peu tout le monde sur le banc de Leicester : Ancelotti, Tuchel, Allardyce, Chris Coleman, Sean Dyche (qui a refusé le poste, ndlr)… Comme souvent, la différence s’est aussi faite sur autre chose : la présentation PowerPoint du natif de Castres. « Lors de notre rencontre avec lui, l’attention qu’il a portée aux détails, sa connaissance de l’effectif, sa compréhension de nos ambitions et la manière dont il pourrait nous aider à les atteindre ont été extrêmement impressionnantes » , a complété Srivaddhanaprabha.
Après avoir choisi Puel en mai 2012, Jean-Pierre Rivère, fauconnier en chef de l’OGC Nice, avait également raconté avoir été touché par les mots du champion de France 2000 : « Il m’a dit ce que je voulais entendre : du plaisir, un jeu ouvert qui s’appuie sur les jeunes et du respect.(…)Il avait des propositions plus intéressantes financièrement que la nôtre : ça, je l’ai vérifié. » Cette fois encore, Claude Puel aurait pu partir ailleurs – il aurait repoussé lors des dernières semaines des offres d’Anderlecht et d’un club chinois –, mais il avait ciblé l’Espagne et l’Angleterre, lui qui estime avoir fait le tour du sujet en France, pour rebondir après son éviction surprise de Southampton en juin dernier.
Le flou Southampton et les sceptiques
Puel ne s’en est jamais caché : il a adoré sa première expérience anglaise, marquée par une huitième place de Premier League et surtout une finale de League Cup perdue injustement face à Manchester United (2-3). Que s’est-il alors passé ? Officiellement, de ne pas offrir assez de spectacle aux supporters du St. Mary’s Stadium, de ne pas entrer dans la quête de l’entertainement cher aux patrons de club. Qu’on se le dise, et Puel l’a confirmé, cette version est un cache-œil mal fixé. La raison était plus profonde et tourne davantage autour de la volonté du technicien français de prendre plus de responsabilités, ce qui a profondément déplu au directeur du recrutement des Saints, Ross Wilson, mais aussi à certaines fractures dans le vestiaire de l’équipe première, notamment avec Dušan Tadić, comme l’a plusieurs fois rapporté la presse anglaise.
À Leicester, Claude Puel veut taper dans le long terme – il a signé un contrat jusqu’en juin 2020 –, mais devra aussi se frotter à un effectif difficile à bousculer malgré un regain de confiance confirmé par une bonne victoire en League Cup face à Leeds (3-1) cette semaine. Un succès auquel a grandement participé un certain Riyad Mahrez, dont le profil est un cadeau pour les idées de Puel. Cette fois encore, l’histoire débutera certainement par une participation aux mises en place tactique – l’endroit où, selon Puel, « on ressent mieux le joueur » – et une phase d’adaptation avec un nouvel adjoint (Michael Appleton, ndlr). Le voilà pour la deuxième fois de sa vie pompier – il avait remplacé Tigana à Monaco en janvier 1999 – et avec les clés d’un nouveau bateau. Un bateau où il va falloir rassurer les premiers sceptiques. Première réponse : samedi, face à Everton, un autre infirme.
Par Maxime Brigand