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Leicester, le plus dur est à venir
Champion d'Angleterre, Leicester savoure son triomphe. Mais les Renards doivent vite redescendre sur terre et préparer l'avenir à court, moyen et long termes. Car plus on monte haut, plus la chute peut faire mal.
À en croire les bookmakers anglais, le triomphe de Leicester a plus de chances d’être un one shot sans lendemain que le début d’une dynastie renarde sur le toit de la Premier League. Que ce soit William Hill, Ladbrokes ou Paddy Power, les trois grandes sociétés de paris sportifs anglaises enregistrent de meilleures cotes pour une relégation des hommes de Claudio Ranieri qu’un second titre consécutif. Assez logique finalement, si l’on considère que les champions surprises des grands championnats européens réussissent rarement la passe de deux et sont plus prompts, à l’image de Blackburn – champion d’Angleterre 1995, relégué en 1999 – à subir un méchant contre-coup après avoir atteint les sommets. Pour éviter de passer sans transition du rêve au cauchemar, l’équipe surprise de Premier League va donc devoir travailler dur cet été. Et bien.
Préserver son effectif
C’est la première problématique de Ranieri : conserver ses joueurs clés. Les plus convoités sont Riyad Mahrez, joueur de l’année en Angleterre, et N’Golo Kanté, dont la valeur pourrait encore grimper durant l’Euro. En cas d’offres exceptionnelles et d’une volonté ferme des intéressés pour changer d’air, Leicester aura du mal à s’aligner. Le cas Jamie Vardy est légèrement moins problématique en raison de l’âge du joueur, bientôt 30 ans, et de son profil de révélation tardive. Sa valeur marchande comme son attractivité sont conséquentes, mais forcément moindres que celles de ses deux partenaires. Pour le reste, les Foxes auront besoin de préserver au maximum les cadres actuels comme Kasper Schmeichel, Danny Drinkwater, Wes Morgan, Robert Huth ou Danny Simpson. Mais cela sera probablement plus simple, car ces hommes de l’ombre incarnent une réussite collective plus que du génie. Et donc un retour sur investissement moins évident pour les acheteurs potentiels.
Renforcer l’effectif en vue de la Ligue des champions
Claudio Ranieri a prévenu, il ne vient pas en Ligue des champions en victime. Mais pour éviter que la scène européenne ne devienne un fardeau pour son groupe, le coach italien est dans l’obligation de l’étoffer. Quantitativement pour éviter un burn out de ses cadres, mais surtout qualitativement pour tenir la dragée haute aux cadors du Vieux Continent. La priorité ? « Ils ont besoin de plus de qualité sur le banc, de gens capables de venir et faire aussi bien que les titulaires » , a expliqué Chris Sutton, champion d’Angleterre 1995 avec Blackburn, sur la BBC. Avec en tête un poste bien particulier : « Ils ont besoin d’un autre buteur avec le rendement de Vardy. » Pas une mince affaire alors que Leicester n’a pas le prestige des autres grands clubs anglais, et qui va devoir composer avec une partie des « complications » de la gloire.
Gérer des attentes supérieures sur le plan médiatique
Galbé pour la lutte au maintien, Leicester City a pu vivre la saison 2015-2016 avec la sympathique étiquette de Petit Poucet qui vient bouffer la part des gros. Or, la saison prochaine, les Renards ne pourront prétendre disposer du même capital « chance du débutant » et devront jongler avec des sollicitations médiatiques plus intenses. Ce qui pourrait ajouter un supplément de fatigue à un effectif qui devra déjà appréhender la Ligue des champions, ainsi que l’arrivée de nouveaux joueurs dans certains cas mieux payés qu’une partie des champions d’Angleterre. Ranieri devra aussi savoir gérer un vestiaire forcément en mutation, entre les recrues et des anciens qui ont changé de statut.
Se préparer à retrouver son vrai niveau
La plus grande difficulté, et pas la moindre, sera pour Leicester de gérer la sortie de son cycle de « surperformance » , pour reprendre un terme utilisé par Stéphane Moulin à propos de la saison d’Angers en Ligue 1. Si les Foxes sont champions d’Angleterre 2016, ils n’ont pas pour autant le meilleur effectif d’Angleterre, et devraient faire face à des puissances traditionnelles anglaises surmotivées pour récupérer leurs prérogatives. Voir Leicester enquiller un second titre de rang n’est pas impossible mais peu probable, la bande à Vardy n’ayant clairement plus le profil d’un candidat au maintien, mais au mieux celui d’un prétendant au Big 6. Or, sans la magie de la surprise, avec une pression accrue, et la possibilité d’un début de saison poussif – Kanté, Drinkwater ou Vardy peuvent s’éterniser à l’Euro et perturber d’autant la préparation – Claudio Ranieri devra savoir trouver les mots quand les résultats seront moins bons et qu’il faudra un second souffle. En 1996, Blackurn avait terminé 7e, une performance loin d’être infamante, avant de sombrer à l’étage inférieur trois ans plus tard. Arriver au sommet est extrêmement difficile, mais s’y maintenir l’est encore davantage. Un point positif néanmoins dans les futures difficultés des Foxes : leur titre pourrait fidéliser une nouvelle génération de supporters, comme l’expliquait récemment une vieille dame supportrice du club dans les colonnes du Guardian : « Il y a cinq ou dix ans, je marchais dans le centre de Leicester et je voyais des maillots de Chelsea, Liverpool et Manchester United. Je me disais « À moins que vous soyez de ces villes, pourquoi vous ne supportez pas Leicester ? » Beaucoup d’enfants vont être supporters de Leicester à cause de cette saison. Et ça, c’est bon pour l’avenir. »
Par Nicolas Jucha