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Leganés, l’anti-Getafe

Par Robin Delorme
4 minutes
Leganés, l’anti-Getafe

Ville de la banlieue sud de Madrid, Leganés s’apprête à débuter son histoire en Liga après quatre-vingt-huit années d’existence. Une fierté pour les Pepineros qui se sont construits comme l'antithèse de leur voisin Getafe et apportent un vent de fraîcheur dans ce monde si policé.

Qu’ont à voir la Liga et des concombres ? Depuis un succès étriqué mais décisif sur la pelouse de Mirandés le 5 juin dernier (0-1), le CD Leganés fait le trait d’union entre l’olympe du football espagnol et la production de ce légume. Une particularité qui remonte à quelques siècles plus tôt, lorsque cette ville de la périphérie madrilène abritait la plus grosse production de concombres du pays, et qui fait la fierté de ce club si atypique. Pour leur première expérience au plus haut niveau national en quatre-vingt-huit ans d’histoire, lesdits Pepineros – les concombres, en VF – s’amusent donc de ce surnom, comme en atteste le clip de promotion du club pour la mise en vente de ses abonnements. Entre satire et ironie, le service de communication, et par extension le club, se fiche de cette nouvelle pression qu’amène la Liga. Mieux, il annonce offrir à chaque adversaire se rendant au stade de Butarque un panier rempli de concombres. Un humour que le Coliseum Alfonso Pérez, situé à deux kilomètres plus au sud, n’a jamais su manier. Car sans passion ni ferveur, Getafe est l’anti-Leganés. Et Leganés, l’anti-Getafe.

Leganés – Getafe B, « dans tous les cas une défaite »

Quatre kilomètres. Telle est la distance qui sépare les deux stades de Leganés et de Getafe, villes limitrophes de la banlieue sud madrilène. Autant dire que lorsque les deux clubs s’affrontent, le qualificatif de derby n’a rien d’usurpé. Ainsi, en Espagne, seul le derby de Séville, capitale andalouse où les stades betico et sevillista se toisent à trois kilomètres et demi, est plus proche. Et dans le monde, les seules villes de Cracovie, de Belgrade, d’Avellaneda, de Dundee et de Nottingham offrent des duels fratricides à une distance plus courte. De mémoire de supporters du CD Leganés, « il y a eu des chants contre Getafe dans notre stade depuis tout temps » , dixit Fermin, trente ans, dont vingt en tant que socio pepinero : « Mais depuis l’an dernier, plus rien. Nous sommes tellement en hallucination devant ce que fait notre équipe que nous ne prêtons plus attention à rien d’autre. » Cette rivalité, aussi peu médiatique soit-elle, trouve sa genèse aux lendemains de la guerre civile, quand le Geta, alors dénommé Club Getafe Deportivo, distance déjà d’une catégorie Leganés. Un statut figé entre ces deux villes à la même population (entre 180 et 200 000) qui s’estompe en juin dernier.

« Pendant notre long séjour en Segunda Division B, nous devions affronter la réserve de Getafe, rejoue Javier Herrera, président de la Fédération des peñas de Leganés. Ce match, c’était une horreur. Que nous gagnions, perdions ou faisions nul, le constat était le même : rien que de disputer cette rencontre était une défaite. » Ces derbys du pauvre face à la filiale des Azulones se répètent souvent de 2004 à 2014. Une décennie à tenter de s’extirper de ce troisième échelon national, où cohabitent quatre-vingt clubs pour seulement quatre tickets pour monter, qui plombe totalement les ambitions sportives et les réserves financières. A contrario d’un Getafe qui peut compter sur les finances de son président Angel Torres, les Pepineros enchaînent, eux, les mois sans être payés et se retrouvent à deux doigts de déposer le bilan. Ce jusqu’en 2009, quand la direction de Ruben Fernandez vend toutes ses parts à Maria Victoria Pavon, entrepreneuse ayant fait fortune dans l’immobilier. Dès lors, le CD Leganés change de politique : abaissement de la dette, modèle de gestion plus austère et plan de communication pour récupérer des supporters égarés.

De 2 000 à 5 500 abonnés, de la Segunda B à la Liga

Pour la señora Pavon, le retour sur investissement n’est pas immédiat, d’autant plus que Leganés frôle la descente au niveau régional en 2012 : « L’équipe était habituée à devoir se réinventer chaque été. Mais alors l’été avant la montée en Liga, nous n’avions plus personne, de l’entraîneur au préparateur des gardiens sans parler des joueurs… » Arrivé ce même été, l’entraîneur Asier Garitano arrive pourtant à souder son monde et rend de la stabilité à un organigramme habitué aux changements radiaux – quatre coachs sont utilisés lors de l’exercice 2012-13.

Le revirement de situation est tel que la montée en Segunda Division se fait dès le printemps suivant, au grand bonheur de supporters pepineros de plus en plus nombreux. « En 2011, nous n’étions pas plus de 2 000. Aujourd’hui, nous avons 5 500 abonnés, relaie Fermin. Cette croissance est inespérée, mais elle permet surtout à l’équipe d’être soutenue comme jamais. » Cette ferveur est à mettre en corrélation avec la montée inespérée de juin dernier, et rappelle qu’elle est pour beaucoup dans le changement de rôle entre Leganés et Getafe. Un Geta au stade désespérément vide qui jalouse l’essor des concombres.

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