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L’effet d’Esser

Par Julien Duez
4 minutes
L’effet d’Esser

Michael Esser n’est pas passé par un centre de formation, a travaillé comme plombier, pesé 115 kilos et est devenu professionnel à l’âge de 24 ans. Six saisons plus tard, le voilà gardien numéro un de Hanovre, plus déterminé que jamais à prouver que les parcours atypiques ont toujours une chance de percer dans le football moderne. Ce samedi, face au RB Leipzig, il tentera d’aider les siens à décrocher un troisième match sans défaite.

Nichée au cœur de la Ruhr, la petite ville de Castrop-Rauxel n’est pas aussi connue que ses voisines de Dortmund, Bochum ou Gelsenkirchen. Et pourtant, elle est le berceau de plusieurs carrières honorables, à commencer par celle de Marc-André Kruska, qui s’apprête à vivre la première aventure européenne de Dudelange, après avoir porté la tunique de l’Energie Cottbus ou du BvB. Comme Christopher Nöthe, autre star des Schwarzgelben et qui roule désormais sa bosse du côté de l’Arminia Bielefeld. Mais surtout, il y a trente ans, Castrop-Rauxel a vu naître Michael Esser. Contrairement aux deux précédents, ce grand gaillard d’1,98m n’a jamais connu les joies d’un centre de formation. Ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui d’être gardien de but titulaire en Bundesliga.

Fuites d’eau, surpoids et district

Comme ceux qui furent ses partenaires de jeu lors de ses vertes années, Michael Esser a rêvé d’un destin de footballeur professionnel en règle. Mais lorsqu’il se présente au VfL Bochum pour en intégrer l’équipe C à l’âge de dix-sept ans, il en est recalé à cause de sa petite taille. Son football se vivra donc à l’échelle locale, en parallèle d’un « vrai » boulot : après trois ans et demi de formation, le voici plombier diplômé. « J’ai commencé par quatre ou cinq semaines sur un chantier à transporter des gravats, c’était vraiment crevant ! » Un rythme effréné qui ne l’empêche pas d’assister à tous les entraînements de son équipe de l’époque.

Sa détermination l’amène à grimper les divisions progressivement. Les heures passées sur les chantiers se réduisent, mais son poids, lui, prend le chemin inverse. À tel point que son entraîneur au SV Sodingen (D7) doit prendre une décision radicale : « Après la reprise de l’entraînement, il m’a fait monter sur la balance et m’a dit : « Tu pèses 115 kilos, je ne te ferai pas jouer. Tu dois passer sous la barre des 100 ». » La menace lui fait l’effet d’un électrochoc et Michael Esser atteint cet objectif en tout juste sept semaines. Vient ensuite l’année 2008. Il a alors 21 ans et retente sa chance à Bochum, qui cherche un gardien pour sa réserve. « J’ai impressionné l’entraîneur des gardiens, même si sa justification pour me prendre sonnait peu flatteuse : « On t’a gardé seulement parce que tu n’as pas abandonné. » »

Huit cafés par jour

Après deux ans dans la réserve de Bochum, Michael Esser découvre le monde professionnel sur le tard, à 24 ans, loin des chantiers et des horaires infernaux. « Récemment, j’ai pris conscience que nous autres footballeurs menions la belle vie. Ce n’est pas comparable avec un métier normal » , explique-t-il, en faisant notamment référence au fait qu’il a désormais ses après-midi libres. Sa carrière est enfin lancée. Après Bochum, il tente une expérience à l’étranger, au Sturm Graz, avant de revenir en Allemagne. D’abord à Darmstadt, puis à Hanovre 96 (comme son poids actuel), où il entame sa deuxième saison, la première en tant que titulaire. Pas de quoi le déstabiliser : « Ma préparation personnelle n’a pas fondamentalement changé. Je n’ai pas vraiment de manies. Sauf une : je bois énormément de café, sept à huit tasses par jour. Mais tant que j’arrive à m’endormir, ça n’est pas un problème ! »

Effectivement, après deux journées, les espoirs placés en lui par l’entraîneur André Breitenreiter n’ont pas été vains : deux matchs nuls, dont un encourageant 0-0 face à Dortmund. Face à Leipzig, l’objectif sera de prolonger cette série sans défaite pour effacer la décevante onzième place de l’exercice précédent. Avec dans le rôle du dernier rempart, un garçon à l’ancienne, dont le modèle absolu reste Oliver Kahn. Et même si le football a bien changé entre l’époque de son idole et celle de ses jeunes adversaires actuels, Michael Esser reste convaincu qu’il n’est pas le dernier des Mohicans : « Je pense que des carrières comme la mienne, il y en aura toujours, même si elles resteront des exceptions. On ne peut pas devenir la norme, les autres sont trop talentueux pour cela. »

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Par Julien Duez

Propos recueillis par Kicker et les Ruhr Nachrichten.

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