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Lee, vu et détendu
Débarqué en France cet été, Lee Kang-in, 22 ans, a repris mi-octobre le fil d’un début d’aventure avec le PSG interrompu par les Jeux asiatiques et ne cesse depuis de marquer des points.
À quoi se joue une bonne surprise ? Peut-être d’abord au fait de n’avoir absolument aucune autre attente que la curiosité. Avant d’arriver au PSG, Lee Kang-in, 22 ans, était un joueur rempli de promesses, pépitifié depuis ses jeunes années au centre de formation de Valence et au sein des sélections de jeunes sud-coréennes, au point d’être bien connu des fidèles de Football Manager, plutôt qu’un élément ayant déjà enchaîné les prouesses. Le risque d’une grosse désillusion était donc assez peu élevé. À l’heure de voir le gaucher d’Incheon venir se faufiler dans le vestiaire parisien, une seule question se posait : le saut entre un Majorque 9e de Liga la saison dernière, avec qui Lee Kang-in a disputé sa première vraie saison complète en pro (33 titularisations pour 6 buts et 7 passes décisives) en 2022-2023, et un club sans pitié comme le PSG n’allait-il pas être trop grand ? Quelques rencontres auront suffi pour apporter une première réponse à cette interrogation, bien que la recrue estivale ait été coupée dans son processus d’intégration par une blessure, puis par sa participation aux Jeux asiatiques.
Mi-octobre, juste avant de le revoir pour la première fois avec un maillot qu’il n’avait jusqu’ici porté que 143 minutes, Luis Enrique rassurait même : « C’est un joueur très intéressant. Nous sommes très heureux de l’avoir avec nous. Depuis qu’il est arrivé, il a déjà montré son niveau, un peu au PSG, comme avec sa sélection. Dans notre système, son poste préférentiel sera d’évoluer comme relayeur, mais il peut aussi jouer ailier sur son pied fort ou à l’opposé, faux 9… » En rodage lors de ses premières sorties, mais rare pion à tenter de mettre un peu de vie dans un onze d’abord extrêmement scolaire, il aura fallu être patient, mais pas de panique : Lee Kang-in est enfin lancé.
« Il a faim »
Si bien lancé que vendredi soir, après la baffe mise par le PSG à Montpellier (3-0), son entraîneur a ouvert sa trousse à compliments en deux temps, d’abord au micro de Prime – « Vous le voyez, c’est un régal, un joueur magnifique. Il est petit, mais il couvre très bien son côté. Il peut jouer sur l’aile, devant, au milieu… Il travaille défensivement, est capable de marquer des buts. Il a de la personnalité et est physique. C’est un joueur très complet. » –, puis lors de la conférence de presse post-gifle : « C’est un recrutement exceptionnel. Il fait partie, je pense, de ces joueurs qui attirent tous les amateurs de football : il est jeune, a énormément de qualités, une grande volonté, fait beaucoup d’efforts avec et sans ballon, ne le perd pas, et souvent, sous pression, prend des bonnes décisions, il a faim… »
Utilisé en relayeur face au MHSC, Lee Kang-in a livré un match abouti. Il a surtout éparpillé sur le gazon du Parc plusieurs éléments clés de son profil : sa bonne qualité technique, sa capacité à attirer les adversaires pour mieux les effacer, son jeu long, sa résistance au duel malgré un petit gabarit (1,73m), sa faculté à suer pour les autres et à bosser défensivement (5 ballons récupérés, dont un très joli tacle glissé sur Falaye Sacko suivi d’un centre en fin de première période), la fréquence élevée de ses changements d’orientation, sa patte sur phases arrêtées… Dans un effectif qui peut parfois manquer un bout de créativité, le numéro 19, toujours respectueux du sens du jeu, apparaît comme une pièce précieuse pour bousculer le rythme et diversifier les circuits, même s’il doit encore jouer beaucoup plus vers l’avant. Vendredi soir, il n’a fait que trois passes dans le dernier tiers adverse, ce qu’il faut aussi mettre dans le contexte d’un Luis Enrique voulant un football de contrôle et cherchant à ralentir la possession pour limiter le risque d’avoir une structure trop ouverte.
Un bon shot de fin de soirée ou plus ?
Naturellement, tout ça génère des débats, dont un inévitable avant ce Milan-PSG : qui de Vitinha ou Lee Kang-in, tous les deux buteurs vendredi, sera dans le onze à San Siro pour aider à ouvrir le côté gauche pour Kylian Mbappé dans une animation qui jongle toujours, avec ballon, entre un 4-3-3 et un 4-2-4 ? On parle ici de deux joueurs différents, l’un étant gaucher, l’autre droitier, ce qui fait différer les angles de passes et donc de combinaisons. Lee Kang-in est aussi davantage un dribbleur (selon Opta, il est même dans le top 1%* des milieux des cinq grands championnats aux dribbles réussis sur les 365 derniers jours écoulés, ainsi que dans le top 1% aux possessions progressives) et un centreur (10 tentés contre Montpellier, pour un seul réussi – un peu moins de huit tentés par match depuis son arrivée au PSG, ce qui est plus que Dembélé) que Vitinha, un joueur davantage à l’aise dans le petit jeu. En comparaison, le Portugais a sans doute davantage besoin de ses coéquipiers pour allumer les bougies là où le Sud-Coréen peut un peu plus brancher la lumière en solo.
Reste que dans une soirée européenne, Vitinha pourrait garder pour le moment sa petite longueur d’avance afin d’avoir plus de contrôle, d’autant plus que la seconde période de son match aller face au Milan l’a vu générer une quantité de dégâts assez énorme. De son côté, Lee Kang-in a l’allure du bon shot de fin de soirée, capable de faire sauter un bloc adverse sur une inspiration, et semble être d’abord un plan B plus que fiable pour remplacer Zaïre-Emery ou Dembélé en fin de match. Une saison comme celle que connaît le PSG a l’avantage d’offrir une cinquantaine de contextes tactiques différents. Luis Enrique sait surtout, maintenant, qu’il a une nouvelle clé pour les ouvrir.
Par Maxime Brigand
* Il est donc supérieur à 99% des autres milieux des cinq grands championnats dans cette catégorie statistique.