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Lecomte, le grand bond
En conférence de presse ce lundi, Didier Deschamps a confirmé le forfait d’Hugo Lloris, remplacé sur le champ par Benjamin Lecomte. La conséquence des bonnes performances du portier de 27 ans à Montpellier depuis un an. Et la perspective de pouvoir se faire une place chez les Bleus sur le long terme. Un concours de circonstances et surtout une belle récompense.
« Gardiens de but : Alphonse Areola, Benoît Costil, Hugo Lloris. » L’explosion de joie attendra. Benjamin Lecomte n’entend pas son nom dans la bouche de Didier Deschamps, en train d’énoncer jeudi dernier sa traditionnelle liste des vingt-trois joueurs convoqués en équipe de France. La première depuis le sacre du 15 juillet. En l’absence de Steve Mandanda, la cuisse toujours en vrac, le gardien montpelliérain aurait pu être de la fête. Mais c’est Benoît Costil, un habitué du groupe France ces dernières années, qui a eu les faveurs du sélectionneur. Il aura finalement fallu s’armer de patience pour encore quelques jours et d’une nouvelle circonstance pour la délivrance : la Desch’ a débarqué lundi en conférence de presse pour annoncer le forfait d’Hugo Lloris et le choix de Lecomte pour le remplacer. Il était temps !
Taille patron à Montpellier
Car Lecomte n’est pas comme son copain de prénom Pavard, il ne sort pas de nulle part. Les amateurs de Ligue 1 et de son savoureux multiplex du samedi soir le connaissent bien, même très bien. Il faut dire que le natif de Paris vient de lancer une cinquième saison d’affilée comme titulaire au plus haut niveau français. Révélé à Lorient dans l’élite, il a pris son envol pour l’Hérault et Montpellier l’année passée. Un challenge plus relevé qu’il n’y paraît. Entre Geoffrey Jourdren et Laurent Pionnier, la Paillade a privilégié pendant une bonne décennie des gars du terroir pour garder ses bois. Pas évident, donc, pour un Parigot et Breton d’adoption de prendre la succession. « Benjamin est un garçon intelligent, d’humeur égale et donc très facile à gérer dans un groupe. Il n’a vraiment aucun souci pour s’intégrer » , explique Teddy Richert, son entraîneur spécifique au MHSC.
Le courant passe rapidement entre Montpellier et Lecomte. Malgré une dixième place plutôt décevante – une victoire sur les sept derniers matchs –, le portier s’est transformé en gardien du temple pour une première saison plus qu’aboutie. Le club héraultais, plus solide que jamais, s’est imposé comme la deuxième meilleure défense de Ligue 1 (33 buts encaissés), juste derrière le PSG (29). Merci le 5-3-2 (ou 3-5-2) de Michel Der Zakarian ? Oui. Mais aussi, merci Lecomte et ses 218 arrêts, le total le plus élevé pour un gardien la saison passée. « À ce niveau, on travaille surtout les détails, éclaire Richert. Mais depuis que je bosse avec lui, il a fait de vrais progrès, que ça soit sur ses prises de vitesse dans le jeu aérien, son explosivité, sa posture, voire l’équilibre pied gauche et pied droit pour la relance. Mais il a un tel pied gauche de qualité que ce n’est pas évident. »
Un horizon en Bleu ?
Lecomte a séduit tout son petit monde dans l’Hérault. Une intégration réussie dans la famille montpelliéraine, au point d’entendre le président Laurent Nicollin ou le coach Der Zakarian imaginer leur nouveau poulain sous la tunique tricolore. Et Benjam’, il en pense quoi ? « Je ne me dis pas que je mérite quoi que ce soit. Je travaille pour être le plus performant possible, jugeait-il dans nos colonnes en février dernier. Et puis, si l’équipe de France doit arriver, elle arrivera. » Et la voilà ! « Je l’ai eu tout de suite au téléphone quand j’ai appris sa sélection, sourit Richert. Il était très heureux, très excité, complètement dans l’euphorie de la nouvelle. » Ce qui ne l’a pas empêché d’arriver sur la pointe des pieds dans un groupe de champions du monde (seul Costil n’était pas de l’aventure en Russie) : « J’appréhendais un petit peu, je suis le seul de l’extérieur, ce n’était pas évident, a-t-il avoué dans une interview pour la FFF. C’est stressant d’arriver pendant le dîner… Moi, je connais tout le monde, mais eux ne me connaissent probablement pas. » Un petit bizutage à base de Bella Ciao aura suffi pour mettre l’ambiance dans une salle qui fleurait bon la colonie de vacances.
Le bizutage de @Benj_Lecomte s’est plutôt bien passé ? #FiersdetreBleus pic.twitter.com/VekQ1eZwQE
— Équipe de France ⭐⭐ (@equipedefrance) 4 septembre 2018
Mais Lecomte ne s’est pas rendu à Clairefontaine pour mettre l’ambiance ou jouer les porteurs d’eau. L’enjeu est également sportif : à 27 ans, le gardien a enfin l’occasion de se frotter au plus haut niveau. « Il a vraiment l’opportunité de montrer au sélectionneur qui il est en tant qu’homme et compétiteur, c’est une très bonne chose, commente Richert. L’objectif, c’est surtout de se perfectionner pour continuer de progresser. » Et pourquoi pas se faire une place dans la hiérarchie d’ici les prochaines échéances ? Si Hugo Lloris (31 ans) a encore quelques beaux jours devant lui, Steve Mandanda (33 ans) enchaîne les blessures et Benoît Costil (31 ans) connaît quelques galères chez les Girondins. Reste aussi à savoir si Alphonse Areola (25 ans) va parvenir à s’imposer comme le numéro 1 au PSG. Tous semblent quand même avoir une longueur d’avance sur Lecomte, qui va devoir faire ses preuves sur ce premier rassemblement. « On verra bien s’il a l’occasion d’y retourner, tempère Richert. Mais il faut vraiment se servir de cette expérience pour franchir des paliers. » Sans oublier qu’un concours de circonstances est vite arrivé.
Par Clément Gavard