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L’École des champions livre ses vérités
Dans l'ombre de la série phare du genre, Olive & Tom, L'École des champions a tenté de se faire une place dans le cœur des amateurs de football et d'animation. Si le bilan fut mitigé, la série ne vous a certainement pas dévoilé tous ses secrets. Thibaut Chatel, le réalisateur français, lève le voile sur certains mystères de L'École des champions.
De L’École des champions, c’est peut-être le générique qui reste le plus dans la tête. Certes, pour beaucoup, la série ne valait pas Olive & Tom, diffusée quelques mois plus tôt par le Club Dorothée de TF1. Pourtant, quand le 25 novembre 1992, le premier épisode des aventures de Benjamin Lefranc a été diffusé à la télévision française, nombreux sont les enfants qui sont restés scotchés devant leur poste. Si le synopsis est simple – un jeune joueur français qui part à Gênes, en Italie, pour devenir un champion de football – la réalisation, elle, a été plus que compliquée. D’abord présentée comme une série d’animation française du studio Animage, filiale du groupe AB Productions, L’École des champions a rapidement été reconnue comme une co-production entre le studio français et le studio japonais Nippon Animation. Une petite polémique élucidée depuis, mais dont les fans ne savent peut-être pas encore tout. Parce que L’École des champions ne vous a pas encore tout appris.
Le premier épisode
Benjamin Lefranc ou Hikaru Yoshikawa ?
Souvent pointé du doigt pour ses similitudes avec Olive & Tom, L’École des champions ne s’en est en fait jamais vraiment caché. Thibaut Chatel, le réalisateur français, se souvient de la commande passée par les studios. « Quand je suis arrivé chez le studio Animage, qui était une filiale du groupe AB Productions, ils avaient en projet de faire une nouvelle série autour du football. La série phare, c’était bien surOlive & Tom. Donc évidemment, l’idée, c’était de refaire une série dans cet esprit-là » , explique-t-il. Une fois les storyboards établis par les auteurs, les deux réalisateurs, Thibaut Chatel et Ryô Yasumura, ont dû apprendre à collaborer et à maîtriser l’art du compromis. Entre AB et Nippon Animation, l’idée, c’était d’avoir un héros japonais pour les Japonais, et français pour les Français. « Les auteurs avaient placé l’action en Italie, un terrain neutre. Donc dans la série japonaise, le héros était un petit Japonais qui partait s’entraîner en Italie, et dans la série française, le héros était un petit Français qui partait s’entraîner en Italie » , se remémore-t-il. Benjamin Lefranc chez nous, Hikaru Yoshikawa au Japon, les noms changent, mais le scénario reste le même.
Seulement, après visionnage des deux versions de la série, on constate tout de même que de nombreux petits détails varient. « Les Japonais voulaient par exemple que les personnages mangent avec des baguettes, donc nous, ça ne nous allait pas ! Le môme, qui s’appelait Benjamin chez nous, était orphelin. Dans la série japonaise, on explique comment les parents meurent. Ils sont dans un 747 et il explose en plein ciel. Nous, on bossait pour TF1, c’était évidemment le genre de plan impossible à montrer ! » , confie Thibaut Chatel. Alors, pour éviter de perdre trop de temps, une décision est prise : le réalisateur français rentrera en France travailler sa post-production et le réalisateur japonais fera de même de son côté. « On a chacun travaillé sur nos musiques, nos montages et nos bandes sonores. On peut quasiment dire qu’il y a eu deux versions en fait » , raconte le réalisateur français. « C’est ce qu’on appelle une co-réalisation » , conclut-il avant de revenir sur un détail plutôt important.
CSA, épisode 52 et Bernard Tapie
Si cette série est le fruit du travail des Français et des Japonais, il serait logique que les noms de toutes ces personnes apparaissent dans les crédits. Pourtant, après visionnage, les noms japonais ont tout simplement disparus des génériques. Pourquoi ? « À l’époque, c’était dans les accords de co-production : le réalisateur japonais n’était pas mentionné dans les crédits français et le réalisateur français ne l’était pas non plus dans les crédits japonais. Aujourd’hui, on ne pourrait plus le faire comme ça, ça gueulerait trop » , explique monsieur Chatel. En fait, il s’agit ni plus ni moins d’une manipulation pour contourner les quotas imposés par le CSA. En faisant passer la série pour une production française, elle entrait alors dans les 60% d’œuvres françaises que devaient obligatoirement diffuser les chaînes. « Seulement, vis à vis du CNC et du CSA, ça n’aurait pas été très bon qu’il y ait un réalisateur japonais à l’écran. Moi quand je suis arrivé, le deal était accepté » , confirme le réalisateur français.
Mais le vrai mystère de cette série concerne en réalité les trois derniers épisodes. À la fin du 49e épisode, Benjamin et son équipe remportent la victoire finale. Une victoire finalement annulée dans l’épisode suivant, pour cause de corruption. Un twist dans le scénario qui n’existe pas dans la version japonaise. « Le studio Nippon Animation, en cours de route, a très mal géré l’argent de la production. À un moment, vers l’épisode 40, ils nous envoient un fax la gueule enfarinée en nous disant qu’en fait, la série ne fera pas 52 épisodes, mais seulement 49. Le problème de notre côté, c’est qu’on avait signé 52 épisodes avec TF1. Moi, on m’a dit : « Bon coco, tu te démerdes comme tu veux, mais tu nous livres 52 épisodes. » On a donc fait des épisodes de réutilisation. On est allés chercher à droite et à gauche des images pour réinventer trois épisodes qu’on a entièrement re-synchronisés. On a gardé l’image, mais on a refait intégralement le son. C’est du bricolage complet » , avoue Thibaut Chatel.
Quant au scénario de ces trois épisodes supplémentaires entièrement bricolés à partir d’anciennes images déjà existantes, Thibaut Chatel admet : « Quand on m’a dit de faire ça, j’ai eu un peu envie de chialer, quoi. Mon copain Jean-Louis, ingénieur du son, qui montait le son de toute la série, et moi, on a donc trouvé cette idée de coller le scénario sur le scandale VA-OM » , explique-t-il en rigolant. Heureusement pour Benjamin, tout est bien qui finit bien. Pour Thibaut Chatel, qui n’est pas près d’oublier cette co-réalisation, l’aventure football a continué avec une autre série animée diffusée quelques années plus tard : Kung Foot.
Les trois épisodes « bricolés »
Par Gabriel Cnudde