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Lechantre : « La Tanzanie, c’est un pays qui pue le foot »

Propos recueillis par Alexis Billebault
Lechantre : « La Tanzanie, c’est un pays qui pue le foot »

Samedi, Simba SC pourrait être sacré champion de Tanzanie pour la dix-neuvième fois de son histoire, s’il fait au moins match nul chez Singinda United FC, le quatrième du classement. Pierre Lechantre, nommé entraîneur du club de Dar es Salam en début d’année, raconte son expérience en Afrique de l’Est, qu’il pourrait prolonger après la fin de son contrat, en juin prochain.

Depuis votre départ du Congo, fin 2016, et jusqu’à votre signature en Tanzanie, aviez-vous reçu beaucoup d’offres ?Beaucoup, non, mais quelques-unes. Du Soudan (Al-Hilal), du Maroc également (Khouribga). Je suis conscient de la réalité : il y a beaucoup d’entraîneurs sur le marché. Des jeunes, qui ont reçu une bonne formation, et qui n’hésitent pas à s’expatrier. Il y a quinze ou vingt ans, l’Afrique ne les attirait pas vraiment. Ces dernières années, on a vu beaucoup de jeunes techniciens français franchir le cap. Et puis, je sais qu’avec l’âge (68 ans), les opportunités ont tendance à être plus rares. Mais ma valise est toujours prête…

Vous n’avez eu aucun contact en France ?Non. J’avais contacté le Paris-SG, notamment Nasser Al-Khalaïfi, car j’ai travaillé au Qatar, comme sélectionneur (2001-2002) et dans deux clubs (Al-Rayyan et Al-Arabi). Je l’avais croisé une ou deux fois, et surtout, j’avais une bonne relation avec le prince Jassim Al Thani, le frère de l’émir. J’avais donc proposé au PSG d’être un scout sur l’Afrique, un continent que je connais très bien. Mais je n’ai eu aucune réponse. Le milieu du foot est ainsi.

Pourquoi avez-vous accepté l’offre de Simba, le deuxième club le plus titré de Tanzanie derrière Young Africans ?

Mohamed Dewji veut construire un nouveau centre d’entraînement, un club-house, et veut faire de Simba SC un des meilleurs clubs africains.

Parce que cette offre réunissait trois conditions essentielles à mes yeux. Un projet sportif intéressant : le club allait jouer la Coupe de la CAF, il est bien structuré et il pourrait être présidé dans quelques mois par Mohamed Dewji, un riche homme d’affaires tanzanien (la fortune de ce dernier a été estimée à 1,52 milliard de dollars par Forbes, N.D.L.R.). Il a un projet très intéressant. Il veut construire un nouveau centre d’entraînement, un club-house, et veut faire de Simba SC un des meilleurs clubs africains. Ensuite, on m’a proposé un contrat de courte durée (cinq mois), à des conditions financières convenables.

Hormis votre expérience de quelques mois avec la sélection congolaise en 2016, vous avez régulièrement privilégié les expériences en club. Entraîner une sélection, ça ne vous manque pas ?Ce n’est un secret pour personne : je souhaiterais retrouver une sélection. J’ai des contacts avec le Cameroun, où j’ai travaillé (entre 1999 et 2001, N.D.L.R.), et le Koweït. Mais je pourrais aussi rester ici. Et il pourrait y avoir une opportunité pour entraîner la sélection tanzanienne. Enfin, je voulais aussi travailler dans un cadre de vie agréable. C’est le cas. La Tanzanie est un très beau pays, les gens sont sympas et accueillants, je n’ai jamais ressenti la moindre animosité. Ce qui est pénible, ce sont les embouteillages à Dar es Salam. Parfois, tu mets trois heures pour faire vingt kilomètres. J’ai beau être parisien, ça surprend. (Rires.)

Le championnat tanzanien est dominé par Young Africans, Simba SC, et Azam FC, qui part de plus loin…Oui, Azam est un club plus récent (créé en 2007, N.D.L.R.), qui n’a remporté qu’une fois le championnat. On m’a fait comprendre en arrivant que l’objectif, c’était de battre Young Africans lors du derby, et d’être champion. On a rempli la première mission en gagnant 1-0 en avril. Un vrai derby, devant plus de 50 000 personnes, dans une belle ambiance, sans agressivité. La seconde mission ? Si on prend un point samedi à Singinda, elle sera atteinte. La petite déception, c’est l’élimination de la Coupe de la CAF au second tour, par les Égyptiens d’Al-Masry (2-2, 0-0). Sinon, j’ai été très agréablement surpris par le niveau du football local. Sincèrement, je n’en savais presque rien.

Vous n’aviez pas contacté Patrick Liewig, qui a entraîné Simba SC en 2013, et Stand United, un autre club tanzanien ?

Ailleurs, dans le pays, les pelouses ne sont pas bonnes. Et cela nuit à la qualité du jeu.

Non, je n’ai pas eu l’occasion d’échanger avec lui. Mais j’ai vu des choses intéressantes. La Tanzanie, c’est d’abord un pays qui pue le foot. Les gens adorent ça, les gamins y jouent partout. Et le championnat est d’un bon niveau. Vraiment. Le vrai gros souci, ce sont les terrains. Nous, ça va, on joue souvent au stade National, qui contient 60 000 places. La pelouse est bonne. Young Africans aussi y joue. Mais ailleurs, dans le pays, les pelouses ne sont pas bonnes. Et cela nuit à la qualité du jeu. C’est dommage, car il y a de bons joueurs ici, qui parviennent à montrer des choses malgré cela.

Quel est le profil du joueur tanzanien ?Physique. Techniquement, ce n’est pas mal du tout. Ils sont bosseurs, aussi. On sent qu’ils ont envie de travailler. Notamment tactiquement, car c’est dans ce domaine qu’ils ont le plus de lacunes. Je suis certain qu’avec de meilleures conditions de travail, ils pourraient vraiment atteindre un bon niveau. Maintenant, je ne sais pas trop comment les autres clubs de Ligue 1 sont structurés, notamment en province.

Rencontrez-vous des difficultés pour travailler ?Non, sauf quand il pleut beaucoup, car notre terrain d’entraînement n’est plus praticable. Il n’y a qu’un seul bon terrain synthétique à Dar es Salam, et il faut d’ailleurs un peu sortir de la ville pour y aller. Sinon, c’est pro : on s’entraîne tous les jours à 16h, à l’heure des matchs. À Simba, les joueurs sont correctement payés : cela tourne autour de 1500 € à 2500 €, peut-être un peu plus pour les étrangers. Ah si, un autre petit souci…

Lequel ?La plupart des joueurs tanzaniens ne parlent pas anglais. Ou alors quelques mots. Ils ne s’expriment qu’en swahili. J’ai heureusement un adjoint burundais, Majoud Djuma, qui parle cette langue.

Rester à Simba, c’est donc envisageable…

On parle aussi de moi pour diriger la sélection en plus de Simba. J’attends d’en savoir plus. Moi, je crois que ce pays a un avenir intéressant.

Oui. On va sans doute se reparler à la fin de la saison, et peut-être même avant, si nous sommes champions avant la fin du championnat. Il y a un beau projet porté par Mohamed Dewji. Pour cela, il faut qu’il soit élu président du club, à l’automne. On parle aussi de moi pour diriger la sélection en plus de Simba. J’attends d’en savoir plus. Moi, je crois que ce pays a un avenir intéressant. La Tanzanie a un très bon attaquant, Samata, qui joue en Belgique (Genk). Mais je ne suis pas là depuis assez longtemps pour savoir s’il y a une volonté politique de développer le foot…

Dans cet article :
La République démocratique du Congo se qualifie, pas la Tanzanie
Dans cet article :

Propos recueillis par Alexis Billebault

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